Les anti-PCSK9 sont des anticorps monoclonaux développés pour diminuer le risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs en diminuant le LDL-cholestérol (LDL-c). Ils sont utilisables en injection sous-cutanée toutes les 2 ou 4 semaines selon la dose utilisée.
Avant mars 2017, le seul élément pertinent de leur dossier clinique d’évaluation était leur capacité à diminuer, avec une excellente tolérance, le LDL-c en moyenne de 60 % quels que soient le niveau de base du LDL-c et les caractéristiques cliniques des patients, recevant ou non une statine. Depuis mars 2017, nous disposons de résultats d’études majeures évaluant, versus placebo, les effets cliniques de trois molécules.
Arrêt du bococizumab
Anticorps monoclonal non 100 % humanisé, le bococizumab a vu son développement clinique interrompu fin 2016, en raison de l’apparition chez de 10 à 15 % des patients traités d’anticorps antibococizumab atténuant les effets lipidiques de la molécule. Malgré cet arrêt prématuré, il a été démontré une diminution significative du risque d’événements CV majeurs, au terme d’une seule année de traitement, chez les patients avec un LDL-c de base supérieur à 1 g/L. C’est le résultat de l’étude SPIRE 2 menée chez 10 500 patients, en prévention CV secondaire dans 81 % des cas.
Bénéfice démontré pour l’évolocumab…
L’évolocumab a été évalué dans l’étude FOURIER ayant inclus 27 564 patients en prévention CV secondaire, 81 % avec antécédent d’infarctus du myocarde (IDM), 19 % avec antécédent d’AVC non hémorragique, et 13 % avec une artérite symptomatique, tous traités par statines.
À l’inclusion, leur LDL-c était à 0,92 g/L et a diminué en moyenne à 0,30 g/L sous traitement. Au terme d’un suivi médian de 2,2 ans, une réduction significative des événements du critère primaire (mortalité CV, IDM, AVC et hospitalisations pour angor instable ou revascularisation) a été constatée (2 907 événements ; HR : 0,85 ; IC 95 % : [0,79-0,92] ; p < 0,0001). Les incidences des IDM et des AVC ont été significativement diminuées sous traitement, mais ni la mortalité CV ni la mortalité totale.
Cet essai a fait l’objet de plusieurs analyses complémentaires montrant que :
– son résultat est conforme au bénéfice attendu quant à la diminution du LDL (et conforme aux résultats constatés dans les essais avec statines) ;
– sous traitement et/ou en cas de LDL-c inférieur à 0,25 g/L, il n’existe pas d’altération des fonctions cognitives (étude complémentaire EBBINGHAUS) ;
– il n’y a aucune apparition ou aggravation d’un diabète sous traitement ou lorsque le LDL atteint est très bas ;
– le résultat clinique est plus élevé chez les patients ayant un antécédent d’IDM de moins de 2 ans (HR : 0,77) et ceux présentant une artérite (HR : 0,73), ces patients ayant une incidence d’événements CV très élevée.
… et l’alirocumab
L’alirocumab a été évalué dans l’étude ODYSSEY Outcomes, présentée en mars 2018 mais non publiée, menée chez 18 924 patients ayant eu un syndrome coronaire aigu il y a plus d’un mois et moins d’un an, traités par statine et avec un LDL-c supérieur ou égal à 0,70 g/L. À 4 mois, le LDL-c des patients sous alirocumab a diminué de 62,7 % par rapport à celui des patients sous placebo (0,38 g/L vs 0,93 g/L).
Au terme d’un suivi moyen de 2,8 ans, une réduction significative des événements du critère primaire (décès coronaires, IDM, AVC ischémiques ou hospitalisations pour angor instable) est observée chez les patients sous alirocumab (1 955 événements ; HR : 0,85 ; IC 95 % : [0,78-0,93] ; p = 0,0003), avec une réduction estimée significative des IDM (HR : 0,86 ; IC 95 % : [0,77-0,96]), des AVC ischémiques (HR : 0,73 ; IC 95 % : [0,57-0,93]) et des angors instables (HR : 0,61 ; IC 95 % : [0,41-0,92]), mais non de la mortalité coronaire (HR : 0,92 ; IC 95 % : [0,76-1,11]). Quant au résultat favorable enregistré sur la mortalité totale (HR : 0,85 ; IC 95 % : [0,73-0,98]), il ne peut être retenu comme significatif ou fiable du fait du protocole d’analyse séquentielle prédéfini.
Les incidences des principaux effets secondaires évalués n’ont pas été différentes sous placebo et sous traitement. Une analyse complémentaire suggère que la diminution de la mortalité totale ne serait observée que chez les patients dont le LDL était supérieur à 1 g/L à l’inclusion. Néanmoins, le résultat n’est pas discordant avec celui constaté chez les patients ayant des valeurs plus basses de LDL-c à l’inclusion.
Plusieurs scénarios d’utilisation possibles
En somme, il est maintenant démontré que les anti-PCSK9 réduisent le risque d’événements CV majeurs proportionnellement à la baisse du LDL qu’ils procurent, et qu’ils sont bien tolérés. On pourrait donc envisager une utilisation large, sans risque et bénéfique de ces traitements. Cependant, en l’état actuel des données disponibles, leur effet en prévention CV primaire, bien que probablement bénéfique selon l’hypothèse lipidique, demande à être évalué. Leur tolérance à long terme, au-delà de trois ans, nécessite aussi d’être connue, et leur prix reste élevé (supérieur à 400 euros par mois).
De ce fait, plusieurs scénarios sont possibles quant à leur utilisation et aux indications qui seront homologués par l’Agence nationale de sécurité du médicament. Ces scénarios pourraient être conditionnés à une éventuelle baisse du prix demandé par les laboratoires développant ces molécules, mais par principe le prix du traitement n’influence pas le jugement que portent les experts de la commission d’AMM sur le dossier d’évaluation d’un médicament. Ce prix est décidé par le Comité économique des produits de santé. Trois scénarios semblent devoir être envisagés.
Le premier, le plus logique, est celui d’une utilisation dans le strict cadre des critères cliniques des patients inclus dans les études pivots : prévention secondaire, traitement en cours par statine… Ce scénario pourrait toutefois être amendé du fait de l’appréciation de l’utilité du traitement au regard des résultats enregistrés et des limites précisées précédemment, et l’utilisation restreinte à certains sous-groupes de patients : LDL-c très élevé malgré le traitement par statine, intolérance avérée aux statines, patients à risque CV très élevé (artéritiques, à antécédent récent ou récidive de maladie coronaire, diabétiques…).
Dans le cadre de l’hypothèse lipidique, le deuxième scénario pourrait être une large utilisation du traitement, bien toléré chez des patients à risque CV élevé, pour diminuer le plus possible le LDL-c, afin de réduire au maximum le risque d’événements CV majeurs.
Enfin, selon des considérations économiques et/ou si le bénéfice clinique est jugé modeste, il pourrait être envisagé de restreindre l’utilisation de ces molécules aux spécialistes et à des situations cliniques ciblées, en cas de très haut risque, par exemple. Ce scénario ferait alors fi des études cliniques pivots et de l’hypothèse lipidique.
L’évolocumab a obtenu une indication européenne à la mi-mars 2018, reprenant les critères d’inclusion dans l’étude FOURIER. Concernant les possibilités et les modalités de prise en charge de ces traitements en France par la solidarité nationale, il faudra probablement attendre environ un an et demi pour être fixé sur les conditions d’utilisation possibles, tant pour l’évolocumab que pour l’alirocumab.
Clinique Villette, Dunkerque
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