Risque accru de décès après chirurgie

Des opérés qui ne font pas le poids

Publié le 21/03/2012
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Crédit photo : S TOUBON

AVEC UNE augmentation de 100 % aux États-Unis depuis 1990, on compte plus de 63 millions d’Américains obèses (environ 31,4 %). Évolution qui s’accompagne d’une augmentation des maladies et de la mortalité liées à l’obésité. Quelques études ont suggéré que l’obésité est associée à une réduction de vingt ans de l’espérance de vie. Dans ce contexte, une équipe de l’Université de Virginie (Florence Turrentine et coll.) a conduit une étude pour évaluer les liens entre l’obésité (mesurée par l’IMC : indice de masse corporelle) et la mortalité chirurgicale.

L’influence de l’IMC sur la mortalité périopératoire a déjà été étudiée de n ombreuses fois. De nombreux travaux indiquent qu’il n’y a pas d’association statistiquement significative entre l’obésité et la mortalité périopératoire. Aucune différence n’a été observée chez les patients obèses à l’occasion d’interventions de chirurgie générale, urologique, gynécologique ou thoracique. Aucune différence n’a été observée à l’occasion d’interventions cardiaques électives. L’obésité n’a pas été associée à une mortalité accrue chez des patients subissant un by-pass coronarien, une intervention colorectale laparoscopique, une résection pancréatique, une pancréaticoduodénectomie, une laparotomie exploratrice pour adénocarcinome de l’endomètre. Quelques études sélectionnées n’ont pas non plus trouvé de différence de mortalité entre sujets obèses et superobèses subissant un by-pass de Roux en Y par laparoscopie.

Toutefois, des études ont trouvé que les patients obèses bénéficiant d’une greffe rénale ont un risque majoré de décès à un an et à cinq ans. De même, une mortalité accrue a été montrée chez les obèses après résection rectale. De plus, les patients se situant dans les extrêmes de l’IMC et subissant un pontage coronarien ont un risque de décès majoré par rapport aux patients ayant un IMC dans la normale. Des patients en sous-poids ont eu une mortalité accrue après chirurgie oncologique abdominale majeure et après angioplastie coronaire percutanée.

Bien que la plupart des études n’aient pas montré, donc, de différence de mortalité entre adultes obèses et non obèses ces études ont d’importantes limitations, notamment un petit nombre de patients. Il était nécessaire d’en savoir plus.

Le type de l’intervention compte.

La nouvelle étude de Florence Turrentine et coll. a porté sur 189 533 procédures de chirurgie générale et vasculaire dans 183 centres entre 2005 et 2006. Les patients auraient du être répartis de façon classique en fonction de leur IMC : sous-poids (< 18,5), normal (de 18,5 à ‹ 25), surpoids (de 25 à ‹ 30) et obèse (≥ 30). Or ces valeurs seuils ne pouvant pas s’appliquer correctement à leur population, les auteurs ont choisi d’établir 5 quintiles d’IMC, ce qui a permis d’avoir des populations homogènes : ‹ 23,1 ; 23,1 à ‹ 26,3 ; 26,3 à ‹ 29,7 ; 29,7 à ‹ 35,3 ; ≥ 35,3.

Dans ces cinq quintiles, les résultats ont été les suivants :

- quintile 1 (< 23,1) : n = 38 025 ; nombre de décès : 1 073 ; odds ratio ajusté (AOR) : 1,40 ;

- quintile 2 (23,1 à ‹ 26,3) : n = 37 697 ; nombre de décès : 680 ; AOR : 1,11 ;

- quintile 3 (26,3 à ‹ 29,7) : n = 37 933 ; nombre de décès : 562 ; AOR : 1 (référence) ;

- quintile 4 (29,7 à ‹ 35,3) : n = 37 989 ; nombre de décès : 539 ; AOR : 1,02 ;

- quintile 5 (≥ 35,3) : n = 37 889 ; nombre de décès : 391 ; AOR : 0,91.

Le risque de décès en fonction de l’IMC n’est pas le même pour tous les types d’interventions, selon un modèle de régression logistique multivariable spécifiquement développé. Par rapport à l’intervention de référence (laparoscopie), une interaction statistiquement significative effet de l’IMC sur la mortalité) a été observé pour la colostomie, le débridement des plaies, l’iléostomie, la résection colorectale, les interventions musculosquelettiques, l’endartérectomie des vaisseaux de la tête et du cou, les interventions digestives hautes, la cholécystectomie, la cure de hernie et la mastectomie.

Ces résultats indiquent que l’IMC est un élément prédictif significatif de la mortalité à trente jours, même après ajustement pour le risque lié au type de la chirurgie et le risque individuel attendu. « On a observé un risque accru de décès chez les patients ayant un IMC inférieur à 23,1, avec des odds ratios supérieurs de 40 % par rapport aux patients du quintile du milieu, à savoir ayant un IMC entre 26,3 et 29,7 (...) Les patients qui ayant un IMC de 29,7 ou plus avaient de plus faibles odds ratios de décès que les sujets du quintile du millieu mais la différence n’était pas statistiquement significative. »

Archives of Surgery, mars 2012, pp. 236-242.

 DR EMMANUEL DE VIEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9102