LA RÉSECTION transurétrale de la prostate (RTUP) reste la technique chirurgicale de référence pour la prise en charge de l’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) : « avec environ 65 000 RTUP réalisées chaque année en France, c’est une technique bien connue, parfaitement maîtrisée par les urologues et qui donne de bons résultats fonctionnels ». Néanmoins, la RTUP conserve une morbidité non négligeable, constituée essentiellement par des complications hémorragiques, conduisant à une transfusion sanguine dans 2 à 7 % des cas, ou à une reprise chirurgicale dans 3 à 5 % des cas (1).
Une étude rétrospective, publiée par le Comité des Troubles Mictionnels de l’Homme (CTMH) et portant sur plus de 600 procédures, a confirmé que la durée moyenne d’hospitalisation restait de 4,7 jours en 2010 (2). Cette durée était augmentée de façon significative en cas de prescription périopératoire d’anticoagulant ou d’antiagrégant plaquettaire (6,4 jours), cela principalement en raison de complications hémorragiques. « La nécessité de développer des alternatives à la RTUP dotées d’une plus grande sécurité hémostatique se pose avec d’autant plus d’acuité que les patients opérés sont de plus en plus âgés – ils ont en moyenne de plus de 70 ans - et de plus en plus souvent anticoagulés : plus d’un tiers d’entre eux sont sous traitement antithrombotique lorsque l’indication chirurgicale est posée ».
C’est pour répondre à cette nécessité que se sont développées les techniques de vaporisation du tissu prostatique.
La vaporisation bipolaire.
La technique de vaporisation bipolaire la plus étudiée est celle proposée par la société Olympus. Cette dernière consiste en l’application d’un courant électrique bipolaire à une électrode en forme de champignon, ce qui crée un effet plasma qui vaporise les tissus situés au contact.
Une étude de faisabilité a été réalisée avec le CTMH : 106 patients ont été inclus, âgés en moyenne de 72,3 ans, dont 52 % étaient traités par anticoagulant ou antiagrégant dans la période péri-opératoire (3). Les résultats doivent être interprétés avec prudence car il n’y avait pas de bras contrôle dans cette étude. Néanmoins, la durée opératoire était comparable à celle d’une RTUP et la durée de sondage était plus courte (44 heures), tout comme la durée d’hospitalisation (2,9 nuits). Les résultats fonctionnels à court terme ont confirmé la bonne qualité de la vidange vésicale, mais ont souligné la présence relativement fréquente d’urgenturies : environ 30 % des patients à 1 mois et encore 15 % à 3 mois. « Cela peut s’expliquer par le fait que la vaporisation engendre une nécrose tissulaire étendue de la loge prostatique et qu’il faut probablement plus de temps pour obtenir une réépithélialisation complète ».
Une étude randomisée versus RTUP a été publiée en 2010 et a confirmé les excellents résultats de la vaporisation bipolaire en termes de qualité d’hémostase et de durée de séjour (4).
Toutefois, des complications majeures sont survenues au cours de l’étude du CTMH, à type de nécrose vésicale ou urétrale. Ce type de complication n’a pas été rapporté par d’autres auteurs alors que la technique a été largement diffusée en Europe. « Si la vaporisation bipolaire semble apporter une sécurité hémostatique supplémentaire par rapport à la RTUP, la relative fréquence des syndromes irritatifs et surtout la survenue au cours de l’étude du CTMH de quelques cas de nécrose de l’urètre ou de la vessie incitent pour l’instant à la prudence en attendant d’éventuelles modifications techniques ».
Le laser KTP.
Le laser KTP est utilisé depuis le début des années 1990 pour la photovaporisation prostatique de l’HBP et actuellement commercialisé sous l’appellation Greenlight. Cette technique a bénéficié de nombreux progrès à la fois en termes de puissance (passée de 60 à 180 watts) et de qualité des fibres (au départ pulsées, les fibres peuvent désormais délivrer jusqu’à 400 000 joules en continu).
Plusieurs études randomisées ont été publiées et ont permis de mieux apprécier les avantages et les inconvénients de cette technique par rapport à la RTUP (5). « Le laser KTP a surtout été étudié dans sa version de 120 watts. Son apparente simplicité d’utilisation lui a permis de se diffuser plus rapidement que les techniques d’énucléation ou de résection laser qui nécessitent une courbe d’apprentissage plus longue. Néanmoins, la durée de l’intervention chirurgicale reste un peu plus longue que celle d’une RTUP car il faut délivrer 4 000 à 8 000 joules/g de tissu prostatique ». De plus la technique n’est pas aussi facile que l’on pourrait l’imaginer car les repères ne sont pas les mêmes que pour la RTUP : « il faut être au contact du tissu prostatique pour le vaporiser et il est souvent difficile d’estimer le volume résiduel. Les opérateurs novices ont ainsi tendance à déclencher le laser de façon intermittente, ce qui entraîne une perte de temps et d’énergie ».
Lorsque l’intervention est bien faite, les résultats fonctionnels à distance sont similaires à ceux de la RTUP, bien que la fréquence des urgenturies postopératoires soit majorée. « Là encore, une zone relativement étendue de nécrose tissulaire entraîne probablement des retards de cicatrisation de la loge prostatique ». En revanche, la sécurité hémostatique est meilleure et conduit à des durées de sondage et d’hospitalisation beaucoup plus courtes (5). « L’expérience récente des équipes de Tours et de Nice, portant sur plus de 270 cas consécutifs, a confirmé les excellents résultats de cette technique en termes de durée d’hospitalisation avec une moyenne de seulement 1,1 nuit postopératoire » (Bruyère F. et Loeffler J., Forum CTMH-AFU2009).
« Nous avons aujourd’hui véritablement besoin de techniques alternatives à la RTUP, en particulier pour prendre en charge des patients fragiles et sous antithrombotiques, parfois récusés pour la RTUP. Le surcoût induit par le matériel, de l’ordre de 250 € pour la vaporisation bipolaire et de 700 € pour le laser, est à mettre en balance avec une durée d’hospitalisation réduite, ce qui rend ces techniques économiquement viables, y compris pour les établissements privés », conclut le Dr Robert.
D’après un entretien avec le Dr Grégoire Robert, CHU, Bordeaux.
(1).Reich O et coll. J Urol 2008 ; 180(1):246-249.
(2).Descazeaud A et coll. World J Urol 2010; Jun 25 (Epub ahead of print).
(3).Robert G et coll. BJU Int 2010 (Epub ahead of print).
(4).Geavlete B et coll. BJU Int 2010; 106: 1695-9.
(5).Al-Ansari A et coll. Eur Urol 2010;58(3):349-355.
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