PAR LE Dr SEBASTIEN BLOC1 ET LE Pr HERVE BOUAZIZ2
Le TAP BLOCK a pris un essor considérable ces deux dernières années. Lors du dernier congrès de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), une dizaine de communications courtes (abstracts) relatives au TAP block ont été présentées ; ce qui démontre bien l’intérêt croissant des équipes d’anesthésie pour cette « ancienne » technique d’analgésie. Il intéressait toutes sortes de chirurgies (hystérectomie, cholécystectomie, chirurgie herniaire, néphrectomie, cure chirurgicale d’anévrisme de l’aorte abdominale) et s’associait même à la mise en place de cathéters.
Pourquoi un tel engouement ?
Meilleure efficacité, facilité de réalisation et de surveillance ou simple effet de mode influencé par l’échographie ?
L’échographie est sans aucun doute un facteur important de son succès. Elle offre en effet de nombreux avantages face à la technique dite « à l’aveugle » : facilité de repérage des plans musculaires d’infiltration, simplicité d’apprentissage de la technique, meilleure compréhension des zones de distribution des solutions injectées. L’échographie a par ailleurs permis de préciser plusieurs variantes au sein du plan transverse de l’abdomen, afin de répondre aux différentes chirurgies abdominales (sub-costal – sub-costal oblique – plan du fascia transversalis) (1-3). L’échographie a ainsi redonné ses titres de noblesse au TAP bock. Cependant, comment le situer au sein des autres techniques d’analgésie locorégionale (infiltration, morphine intratéchale, péridurale) ?
L’infiltration d’anesthésique local (injection unique, infiltration continue par cathéter) au niveau du site opératoire est une technique alternative simple. Néanmoins, à l’heure actuelle, peu d’études ont comparé le TAP block aux infiltrations et leurs indications respectives ne sont pas précisées. Récemment, une métaanalyse pose la question de la véracité de l’efficacité des infiltrations cutanées et laisse ainsi le champ libre à l’indication du TAP block (4,5).
En revanche, face à l’analgésie péridurale, technique de référence en chirurgie abdominale majeure, la supériorité analgésique du TAP block pourrait être mise en défaut. Une seule étude a comparé TAP block en continu et péridurale analgésique (6). Le TAP semblait offrir une analgésie intéressante, malgré un recours aux antalgiques plus important. Ces premiers résultats encouragent sont néanmoins à prendre avec précautions.
Comparativement à l’analgésie par morphine intrathécale, les bénéfices du TAP block sont mitigés. En obstétrique, les études menées sur les techniques d’analgésie après césarienne ne retrouvent pas de bénéfice supplémentaire à la réalisation d’un TAP block par rapport à l’injection de morphine intrathécale régulièrement réalisée lors de l’anesthésie rachidienne (7).
Loin des considérations d’efficacité, le TAP block bénéficie d’un avantage crucial qui lui permet de supplanter toutes les autres techniques : la simplicité. Malgré les bénéfices clairement prouvés de la péridurale, son utilisation en postopératoire est plus que restreinte (8). Les difficultés d’organisation aussi bien pour la pose que pour la surveillance en période postopératoire, ainsi que les effets indésirables inhérents à cette technique (hypotension artérielle, rétention urinaire) sont probablement les raisons de sa sous-utilisation.
Pas seulement plus simple.
De la même façon, les infiltrations dépendent directement de la volonté chirurgicale et de la bonne entente des équipes anesthésie-chirurgie. D’autres avantages supportent l’intérêt du TAP block. Il peut être réalisé sur un sujet anesthésie et peut ainsi être envisagé en postopératoire en cas de changement de technique chirurgicale (conversion d’une cœlioscopie en laparotomie). Il est dénué d’effet hémodynamique et n’entraîne pas de rétention urinaire. Il préserve le plus souvent la sensibilité et la motricité des membres inférieurs permettant ainsi une mobilisation sans risques. Il s’accorde avec les programmes de réhabilitation précoce proposés en postopératoire de chirurgie viscérale. Tous ces avantages font du TAP block une technique de première intention et non pas une simple alternative aux autres techniques d’analgésie. Néanmoins, tous les avantages cités sont observés lorsque le TAP block est réalisé en injection unique. L’utilisation de cathéters afin de prolonger l’analgésie pourrait rendre la TAP block plus contraignant à réaliser et par là même moins populaire.
1 Service d’anesthésie, CHP Claude Galien, Quincy-sous-Sénart.
2 Département d’anesthésie-réanimation, CHU Hôpital Central, Nancy.
(1) Hebbard PD. Can J Anaesth 2009;56:618-20.
(2) Hebbard P. Anesth Analg 2008;106:674-5; author reply 675.
(3) Niraj G, et al. Anaesthesia 2009;64:1137-40.
(4) Gupta A, et al. Acta Anaesthesiol Scand 2011; 55: 785–796.
(5) M iniche S, J.B. Dahl. Acta Anaesthesiol Scand 2011; 55: 775–777.
(6) Niraj G, et al. Anaesthesia 2011;66:465-471.
(7) Petersen PL, et al. Acta Anaesthesiol Scand 2010;54:529-35
(8) Fletcher D, Mardaye A, Fermanian C, Aegerter P, Comité Douleur-ALR de la Sfar. Evaluation des pratiques sur l’analgésie postopératoire en France : enquête nationale avec analyse des différences de pratique selon le type d’établissement. Ann Fr Anesth Reanim 2008 ;27:700-708.
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