Le myocarde est beaucoup plus sensible au risque de lésion ischémique le matin que l'après-midi, selon des travaux français publiés dans « The Lancet ».
« Depuis 15 ans environ, une histoire se construit autour du rythme circadien et du risque cardiaque », explique au « Quotidien » le Pr David Montaigne, du pôle imagerie et explorations fonctionnelles du CHRU de Lille.
On savait par exemple que les infarctus du myocarde ont tendance à être plus fréquents et sévères en fin de nuit et au petit matin. Une dizaine d'études observationnelles ont depuis été publiées sur ce sujet mais « leurs résultats divergent car on ne contrôle rien avec l'infarctus, explique le Pr Montaigne. Le délai et la qualité des prises en charge sont très variables entre le jour et la nuit. »
La preuve par 4
Pour trancher la question, les chercheurs du CHRU et de l'institut Pasteur de Lille se sont penchés sur le cas de figure le plus standardisé qui soit : le remplacement chirurgical de la valve aortique. Leur travail se décompose en 4 parties : une étude observationnelle, une étude prospective randomisée, une recherche des gènes impliqués dans les tissus prélevés chez les patients, et une étude chez la souris afin d'étudier les premières pistes thérapeutiques.
Au cours de l'étude observationnelle, les dossiers médicaux de 596 patients opérés pour un remplacement valvulaire ont été analysés, notamment la survenue dans les 500 jours qui suivent l'opération d'infarctus, d'insuffisance cardiaque ou de décès cardiovasculaire.
Si les durées d'hospitalisations étaient identiques dans les deux groupes, les patients opérés l'après-midi ont présenté un risque d'événement cardiovasculaire diminué de moitié, puisque 9,4 % d'entre eux ont souffert de ce genre de complication contre 18,1 % des patients opérés en matinée. Les auteurs ont calculé qu'un événement cardiovasculaire pourrait être évité pour 11 patients opérés l'après-midi au lieu du matin.
L'essai randomisé a eu lieu entre janvier 2016 et février 2017, et a inclus 88 patients. la moitié des patients a été opérée en matinée, et l'autre moitié dans l'après-midi. Si aucun des patients n'est décédé entre l'opération et la sortie de l'hôpital, au bout de 12 jours en moyenne, les patients opérés l'après-midi avait des taux de troponine T cardiaque significativement plus faibles (179 ng/L contre 225 ng/L). Des analyses menées sur les tissus de 30 patients (14 du groupe matinée, et 16 du groupe après midi), ont par ailleurs montré une meilleure contractilité des tissus des patients opérés l'après-midi.
Dans les tissus prélevés, 287 gènes liés au rythme circadien, et susceptibles d'influencer le risque de lésion ischémique, étaient plus exprimés chez les patients de l'après-midi. Parmi ces gènes, celui produisant le récepteur nucléaire Rev-Erbα a particulièrement attiré l'attention des pharmacologues de l'équipe. Ce récepteur qui se lie à l’hème de l'hémoglobine a un rôle encore mal connu, mais on le sait impliqué dans l'homéostasie du métabolisme énergétique. On sait également qu'il est plus exprimé le matin que l'après-midi. En employant un antagoniste de ce récepteur, appelé SR8278, les auteurs sont parvenus à réduire augmenter la tolérance à l'hypoxie de cœurs de souris isolés. Il n'est pas question de tester cette molécule chez l'Homme à cause de ses très nombreux effets secondaires, mais la preuve de concept est là.
Une nouvelle piste thérapeutique
Le message de cette étude « n'est surtout pas de dire qu'il faut absolument se faire opérer le matin », prévient le Pr Montaigne. Bien que significativement différents, les risques d'événement des patients opérés l'après-midi et le matin restent faibles dans l'absolu. La question pourrait en revanche se poser pour les patients les plus à risque : les diabétiques et les insuffisants rénaux. Une analyse de sous-groupe est en cours consacrés au tiers de patients diabétiques de l'étude observationnelle.
« Nous allons maintenant passer en revue des molécules sur notre modèle de souris, prédis le Pr Montaigne, on pourrait imaginer que l'une d'entre elle pourrait être administrée juste avant une reperfusion pour temporairement "déphaser" le cœur pendant l'opération ».
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