Et si le stress pouvait avoir des vertus ? Son augmentation chez les chirurgiens lors des cinq premières minutes d’une opération est associée à de moindres complications postopératoires, relève une étude publiée dans Jama Surgery ce 15 janvier.
Cette étude de cohorte prospective réalisée par des chercheurs américains (Brigham and Women’s Hospital, de Boston), en collaboration avec des Français s’appuie sur les données de 14 services de chirurgie de sept spécialités différentes (digestive, orthopédique, gynécologique, urologique, cardiaque, thoracique et endocrinienne) issues de quatre hôpitaux lyonnais, recueillies entre novembre 2020 et décembre 2021. L’analyse a porté sur 793 opérations chirurgicales réalisées par 38 chirurgiens. Les patients (des femmes, dans 52 % des cas) avaient en moyenne 62 ans, et deux comorbidités.
Dans ce travail, les chirurgiens, à 79 % des hommes, avaient en moyenne 46 ans ; 58 % étaient professeurs (ou associés). Leur stress a été évalué par la balance sympathovagale, c’est-à-dire l’équilibre entre systèmes nerveux sympathique et parasympathique, via le ratio entre la plus basse fréquence cardiaque et la plus haute (LF:HF ratio) à partir des données de variabilité du rythme cardiaque enregistrées par moniteur. Considéré fiable, ce ratio s’est révélé cohérent (dans de précédentes études) avec le stress autodéclaré ou d’autres variables physiologiques (niveau de cortisol salivaire, réponse pupillaire…). La fréquence cardiaque des chirurgiens était d’en moyenne 88 battements par minute, et le LF:HF ratio de 7,16.
Pas d’association avec la durée en soins intensifs, ni avec la mortalité
L’augmentation du stress (mesuré par le ratio LF:HF) au cours des cinq premières minutes de la chirurgie est associée à de moindres complications chirurgicales, y compris après ajustements avec les caractéristiques du patient et du médecin (adjusted odd ratio : 0,63). L’association persiste après restriction de l’analyse aux chirurgiens qui avaient réalisé au moins 10 procédures (AOR : 0,59). Par complications, il faut entendre les événements indésirables majeurs survenus pendant l'opération ou les 30 jours suivants (défaillances multiviscérales, choc ou arrêt cardiaque, etc.).
En revanche, après ajustement, les auteurs n’observent pas d’association entre l’augmentation du stress des chirurgiens et la réduction de la durée de séjour en soins intensifs (AOR : 0,34), ni avec la mortalité à un mois (AOR : 0,18).
« Si l’on ne peut conclure à un lien causal à partir de notre étude, nous apportons la preuve empirique que le stress chez les chirurgiens expérimentés influence les résultats des patients, et mérite toute notre attention pour améliorer les soins chirurgicaux », lit-on dans la discussion. Les auteurs reconnaissent que leurs conclusions, qui tendent à montrer un effet bénéfique, peuvent sembler contre-intuitives, d’autant que de précédents travaux ont montré que le stress avait des répercussions délétères sur les compétences techniques (dextérité) ou autres (communication, gestion du temps) des chirurgiens.
En réponse, ils soulignent que le stress est un phénomène complexe, dont l’influence sur les performances n’est pas linéaire : à un niveau modéré, il se révèle bénéfique chez des athlètes par exemple. Sans oublier que les conséquences du stress peuvent varier selon le degré d’expérience des médecins, les plus avancés parvenant certainement mieux que les novices à le gérer. Et de fait, les auteurs font remarquer que leur analyse porte sur des chirurgiens chevronnés, réalisant des opérations non urgentes.
Dans un commentaire associé intitulé « la chirurgie comme sport professionnel », le psychologue Steven Yule (qui n’a pas participé à l’étude) encourage les chirurgiens à adopter les stratégies de gestion de stress des athlètes pour en faire un atout. « Je suis nerveux mais confiant » : la posture, loin d’un héroïsme trompeur face à la mort, pourrait être aussi bénéfice pour l’équipe soignante que pour le patient, conclut-il.
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