PAR LES Prs BERTRAND DUREUIL, PATRICK-GEORGES YAVORDIOS ET ANNICK STEIB*
LES ÉVÉNEMENTS porteurs de risques (EPR) sont des événements indésirables qui n’ont pas causé de dommage grave au patient. Les termes couramment utilisés pour décrire les EPR sont, par exemple, les dysfonctionnements, les incidents, les précurseurs et les presqu’accidents. À partir des résultats de l’enquête française sur la mortalité publiée en 2006, les situations « d’accès difficile aux voies aériennes non prévu » ont été retenues comme EPR pour la spécialité car elles sont potentiellement associées à une majoration de la morbidité et de la mortalité périopératoire. Les données issues de 309 premières déclarations ont été colligées et permettent d’obtenir une photographie du contexte de survenue de cet EPR et des moyens mis en œuvres par les professionnels pour résoudre ce problème imprévu et potentiellement grave.
Dans 82 % des cas cet EPR est survenu dans un contexte d’intervention programmée et pour le reste dans un contexte de chirurgie urgente. Un défaut d’évaluation préopératoire des conditions d’intubation est très souvent retrouvé et il est patent dans 174 cas. Les trois paramètres principaux de l’examen clinique rentrant dans l’évaluation de la difficulté potentielle d’intubation (score de Mallampati, ouverture de bouche et distance thyro-mentonnière) sont souvent manquants dans le relevé des données préopératoires et ils ne sont tous les trois notés que dans 79 cas. Ce défaut d’évaluation, ou tout du moins l’absence de report sur l’observation, peut être un problème d’autant plus que le médecin réalisant l’évaluation préopératoire est différent de celui effectuant l’anesthésie. La notion d’obésité pourtant très fréquente (IMC › 30 chez 25 % des patients) est également rarement prise en compte dans l’évaluation du risque.
Une difficulté d’exposition de la glotte est la situation qui est presque constamment rapportée avec un grade de Cormack 4, noté dans 188 cas. Dans un cas, la difficulté était liée à une tumeur. Dans tous les cas, il est réalisé une laryngoscopie initiale qui est suivie d’au moins une deuxième laryngoscopie et/ou de la mise en place d’un dispositif. Cela indique que l’intubation difficile était effectivement non attendue par le praticien.
Dans 44 cas, il a été effectué plus de deux laryngoscopies avant le contrôle de voies aériennes. Le nombre de manœuvres pour réaliser l’intubation après l’échec de la première laryngoscopie était compris entre 1 et 11. Dans les cas de manœuvres nombreuses, la prise en charge s’éloignait significativement des recommandations de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR). On note également que les préconisations de la SFAR concernant la présence dans le bloc opératoire d’un algorithme décisionnel en cas d’intubation difficile non prévue et d’un matériel spécifique n’étaient pas suivies dans 40 et 22 cas respectivement.
Les dispositifs permettant de réaliser avec succès l’intubation trachéale (sans préjuger de l’échec préalable de la technique et/ou d’un autre dispositif) ont été principalement un mandrin long (n =99), un fastrack (n = 43), un vidéo-laryngoscope (Glidescope, Airtrach, etc…) dans 24 cas, la fibroscopie dans 18 cas. On note en pratique clinique l’utilisation assez fréquente des nouveaux matériels comme les vidéo-laryngoscopes qui ne sont cités dans les recommandations de la SFAR publiées en 2006. À noter que la lame de Mac Coy est relativement utilisée mais qu’elle s’accompagne d’un taux d’échecs de 94 % conduisant à l’emploi d’un autre dispositif. Dans 30 cas, soit presque 10 % des cas, les patients sont réveillés et c’est une des informations assez inattendue de cette analyse. Une autre technique est alors mise en œuvre (anesthésie loco-régionale) ou l’intervention est reportée. Aucune déclaration ne mentionne de difficulté en rapport avec un délai trop long d’obtention d’un renfort (autre anesthésiste, chirurgien, IADE, IBODE), mais l’essentiel des événements rapportés sont survenus hors de la période de permanence de soins.
Des pistes d’amélioration.
L’analyse des EPR met en avant un défaut majeur d’information des patients à l’issue de l’anesthésie sur la difficulté rencontrée au bloc. En effet, l’information du patient sur la difficulté d’intubation n’est rapportée que dans 4 cas. Trois fois, elle a comporté la remise d’une fiche spécifique lors de la sortie et une fois elle a été effectuée uniquement de manière orale.
Ainsi, malgré d’évidentes limites méthodologiques, l’intérêt principal de l’analyse de cet EPR est de dégager des pistes d’amélioration concrètes des pratiques parmi lesquelles on peut citer notamment :
– l’amélioration du recueil des données de la consultation d’anesthésie ;
– l’élaboration d’un algorithme ;
– la constitution d’un chariot d’intubation difficile ;
– une formation complémentaire à l’apprentissage des techniques de prise en charge de l’intubation difficile ;
– l’amélioration de l’information du patient.
Ces modifications des pratiques des médecins anesthésistes-réanimateurs contribuera à renforcer la sécurité des prises en charge.
*Collège français des anesthésistes-réanimateurs.
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