PRENDRE EN CHARGE l’incontinence urinaire de la femme ne se limite pas à la « petite » incontinence d’effort traitée par mise en place d’une bandelette sous-urétrale. S’agit-il d’une incontinence d’effort par insuffisance sphinctérienne ou par hypermobilité cervico-urétrale prédominante ? Comment se déroule la vidange vésicale ? Une bandelette est-elle vraiment la meilleure solution ? Quelle bandelette ? Pourquoi pas un agent comblant, des ballons périurétraux ou même un sphincter artificiel ? L’incontinence par urgenturie ou l’incontinence mixte requièrent un autre arsenal thérapeutique : neuromodulateurs chimiques par voie orale ou endovésicale ou bien modulateurs électriques. De même, les troubles de la statique pelvienne intéressent trois appareils, se traduisent par trois symptomatologies, relèvent de techniques chirurgicales variées avec des objectifs différents. Il s’agit alors de parler de gynécologie, d’urologie et de gastro-entérologie pour une même patiente », explique le Pr Karsenty, avant de rappeler que dans ce cadre de chirurgie fonctionnelle pelvipérinéale féminine, l’analyse de la plainte et de la relation entre les symptômes et le défect anatomique est essentielle. La chirurgie doit viser à supprimer un symptôme sans en induire un autre plus gênant.
Des RCP comme en oncologie.
Ainsi, pour répondre à la démarche de questionnement diagnostique en pelvi-périnéologie il faut une véritable collaboration (transdisciplinarité) entre le gynécologue, l’urologue, le gastro-entérologue et le chirurgien digestif. « C’est ce que réalisent quelques équipes en France, notamment à l’hôpital de la Conception de Marseille où, à l’instar de ce qui est fait en oncologie, nous avons mis en place avec Aubert Agostini des réunions de concertation pluridisciplinaire de pelvi-périnéologie. Nous devons en effet essayer d’être aussi rigoureux qu’en cancérologie », indique le Pr Karsenty. Ces échanges entre différents spécialistes sont une source d’enrichissement mutuel. Les gynécologues ont, par exemple, une bonne expertise dans la pose de bandelettes, mais placent moins souvent de sphincter artificiel, de ballons périurétraux ou d’agents de comblement que les urologues. À l’inverse, dans la chirurgie de la statique pelvienne, les urologues qui sont très investis dans la voie haute ont souvent à apprendre des gynécologues, en voie vaginale. La mise en commun des compétences permet d’élargir l’arsenal diagnostique et thérapeutique et de proposer à une patiente donnée la meilleure réponse thérapeutique possible, avec souvent une chirurgie à quatre mains.
Une démarche thérapeutique souvent complexe.
« La règle devrait être de faire ce qu’il faut pour une patiente et non pas ce que l’on sait faire », insiste le Pr Karsenty, qui trouve dommage de faire juste « un peu d’incontinence de rencontre ». Dans le domaine de l’incontinence urinaire, le choix du traitement est complexe car le bas appareil urinaire a deux phases – stockage et vidange – qui impliquent un raisonnement aux deux niveaux. Ainsi, le traitement ne sera pas le même selon que la vidange est bonne ou non et, à cet égard, la collaboration urologue-gynécologue et l’usage adapté de l’urodynamique sont le garant d’une meilleure approche thérapeutique.
Le même raisonnement s’applique pour la rectocèle. Les chirurgiens qui prennent en charge des patientes atteintes de prolapsus postérieur ont tout intérêt à travailler avec des gastro-entérologues et des chirurgiens digestifs. Il n’y a pas de cursus de formation formalisé en pelvi-périnéologie et il est rare qu’un praticien rassemble à lui seul l’ensemble des compétences. Il n’y a aujourd’hui pas assez de collaborations de ce type en France, alors que la SIFUD-PP (Société interdisciplinaire francophone d’urodynamique et de pelvi-périnéologie) plaide depuis longtemps pour ce type de prise en charge.
D’ailleurs, de grandes équipes référentes, européennes et nord-américaines se sont structurées en cliniques de pelvi-périnéologie. De telles structures seront sans doute indispensables pour répondre à la demande future. Les domaines de l’uro-gériatrie et de la gynéco-gériatrie commencent seulement à être défrichés. La demande ne fait que croître avec le vieillissement de la population et la levée du tabou autour des troubles de la statique pelvienne. Faut-il rappeler qu’environ 30 % des femmes sont confrontées à un problème d’incontinence urinaire au cours de leur vie ?
D’après un entretien avec le Pr Gilles Karsenty, service d’urologie, hôpital de la Conception, Marseille, secrétaire général adjoint de la SIFUD-PP et responsable du comité de neuro-urologie de l’Association française d’urologie (AFU).
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