« C'est la première étude sur les résultats à long terme de la chirurgie après réparation de la coiffe des rotateurs, s'enthousiasme le Dr Philippe Collin, chirurgien orthopédiste à l'hôpital américain de Paris. Les résultats avec un recul de plus de 10 ans font évoluer notre discipline. L'âge est l'un des paramètres les plus importants pour décider d'opérer ».
Lors du congrès international de la chirurgie de l’épaule et du coude, le Dr Collin, également président de la Société européenne de la spécialité, a présenté les résultats de cette étude menée dans huit centres français. « La France a la capacité de revoir les patients, ce qui n'est pas possible ailleurs, explique-t-il. Il y a une culture des études multicentriques, les centres s'entendent bien et collaborent ».
La rupture des tendons de l’épaule est une pathologie fréquente, qui touche près d’une personne sur trois chez les plus de 60 ans. À court et moyen termes, que le tendon cicatrise ou pas, les patients n'ont pas de gêne fonctionnelle. Mais à long terme, les patients s'aggravent avec une perte de force et des douleurs.
La chirurgie est-elle à même d'empêcher ce processus ? Quels patients en tirent bénéfice ? « Il y a actuellement un flou dans les recommandations », rapporte le Dr Collin. Et pour cause, les études existantes étaient limitées au court terme et ne pouvaient pas apporter de réponses. « Désormais, on ne peut plus être dogmatique, pour ou contre la chirurgie », estime-t-il.
Une des forces de l'étude est d'avoir pu mesurer la cicatrisation tendineuse à l'IRM. Sur 1 029 patients opérés, 549 ont été suivis à 10 ans, dont 428 avec IRM. À 10 ans, le taux de cicatrisation est bon de l'ordre de 81 %, voire de 90 % en l'absence d'infiltration graisseuse du muscle en préopératoire. La cicatrisation est directement corrélée à un bon score de Constant (score validé en Europe pour quantifier la fonction de l’épaule*). La non-cicatrisation est associée à une dégénérescence graisseuse du muscle. « L'infiltration graisseuse est le principal facteur prédictif d'évolution péjorative », rapporte le Dr Collin.
Le seuil des 65 ans
Il ressort également que le risque d'arthrose est associé à l'âge, à la raideur préopératoire et au type et au nombre de tendons touchés. À 10 ans, la rupture isolée du sous-scapulaire n'entraîne pas (ou quasiment pas) d'arthrose, celle du sus-épineux s'accompagne d'un risque évalué à 2,5 % quand la combinaison d'une rupture complète du sous-scapulaire et de celle du sus-épineux voit le risque grimper à 22 %.
« Plus on opère tôt, meilleurs sont les résultats, souligne le Dr Collin. La cicatrisation est meilleure, il y a moins de récidives de rupture et moins d'arthrose ». À 10 ans, le score de Constant est meilleur qu'avant la chirurgie, (passant de 51 +/-18 à 78,5 +/-8,6) et le reste à 20 ans, puisque l'équipe a pu aussi suivre une cohorte de 110 patients avec un tel recul.
Les résultats à long terme sont favorables à la chirurgie et l'âge est déterminant pour poser l'indication. « Avant l'âge de 65 ans, cela vaut le coup d'opérer et le traitement chirurgical doit vraiment être discuté, explique-t-il. Il s’agit d’une pathologie qui évolue sur le temps long, entre le moment où le tendon se rompt et l’apparition de la gêne, il s’écoule 15 à 20 ans. Ainsi, après 65 ans, la prise en charge repose sur la rééducation et les infiltrations ».
Tendinopathies non rompues : trop de chirurgies
La Haute Autorité de santé vient de publier des recommandations sur l'épaule douloureuse en réponse à « un recours trop fréquent à la chirurgie ». « Dans la tendinopathie non rompue de la coiffe des rotateurs, la chirurgie n’a pas d’intérêt », lit-on. « Je suis parfaitement d'accord, la chirurgie des tendinopathies du supra-épineux non rompues et non calcifiantes doit rester exceptionnelle, abonde le Dr Collin de l'hôpital américain de Paris. La chirurgie ne fait pas mieux qu'un placebo dans une étude australienne, l'acromioplastie en particulier n'a quasiment plus de place ».
* Ce score mesure le caractère fonctionnel de l'épaule selon la douleur, le niveau d'activités quotidiennes, le niveau de travail avec la main, la mobilité, la force musculaire. Plus le score est élevé, plus l'épaule est fonctionnelle.
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