C'était une innovation imaginaire des auteurs de mangas des années 90. Les résultats récemment publiés dans Science Robotics forcent à un constat : les prothèses à interface neurale bidirectionnelle font de plus en plus leurs preuves, qu'il s'agisse de remplacer des membres supérieurs ou inférieurs.
Qu'est-ce qu'une neuroprothèse bidirectionnelle ? Tout simplement une prothèse capable à la fois de se mouvoir en obéissant à un flux d'information nerveuse descendante, du système nerveux vers la prothèse, mais aussi de transmettre en retour des informations sensorielles à même de guider les mouvements du patient.
L'étude décrit le cas de Karin, première patiente à bénéficier d'un tel dispositif. Cette Suédoise a été amputée il y a vingt ans juste en dessous du coude à la suite d'un accident dans une ferme. Au bout de trois ans, la prothèse est parfaitement assimilée et intégrée dans la vie de tous les jours.
Reconstruction pré-implantatoire
En amont de la greffe, une reconstruction chirurgicale des muscles de l'avant-bras a été réalisée pour augmenter la surface sur laquelle greffer les électrodes chargées de capter le signal myoélectrique à transmettre au dispositif. La prothèse est ancrée au bras via deux attaches dans le radius et le cubitus. L'intégration des informations fournies par la patiente se fait grâce à une intelligence artificielle logée dans la prothèse.
Quant aux sensations du toucher, elles sont enregistrées par des capteurs de pression, puis transmises au système nerveux via des électrodes directement connectées aux nerfs remontant depuis le bras.
« La patiente s'est servie de la prothèse dans ses activités de tous les jours avec succès pendant trois ans et s'en sert toujours actuellement », se réjouissent les auteurs. L'équipe est composée de chercheurs suédois (université de Gothenburg, hôpital universitaire de Sahlgrenska et université de technologie Chalmers), australiens (institut Bionics de Melbourne) et italiens (institut orthopédique Rizzoli de Bologne, école supérieure Sant'Anna de Pise).
Disparition des douleurs fantômes
L'un des effets inattendus de l'appropriation de la prothèse fut la disparition des douleurs fantômes et des fortes prises d'antalgiques qui les accompagnaient. Une des difficultés pour la pose d'une telle prothèse est que le radius et le cubitus, sectionnés en leur milieu, doivent rester alignés pour garantir le confort de la patiente. Le poids qui pèse sur ce qui reste de chacun de ces os longs doit être à peu près équivalent. De telles contraintes laissent assez peu de place pour le système de contrôle électronique qui doit être inséré dans le moignon.
Au cours des mois qui ont suivi la greffe, la patiente devait souvent éteindre son dispositif la nuit pour ne pas être gênée par des stimulations anarchiques de ses nerfs sensitifs. Au bout de trois ans, l'intégration de la prothèse est telle qu'elle parvient même à dormir avec sa prothèse allumée.
La patiente a également amélioré ses performances à un certain nombre de tests inspirés de la vie quotidienne : parvenir à refermer une valise en utilisant ses deux mains, évaluer la résistance d'un ressort au toucher, reconnaître une forme à l'aveugle (elle y parvient dans 69 % des essais). Les différents questionnaires de qualité de vie montrent une amélioration continue au fil des trois ans de suivi.
« Pour l'instant, nous avons surtout donné la priorité à l'amélioration du contrôle exercée par la patiente sur sa prothèse, plutôt que l'apprentissage du retour de sensation car cela était sa priorité, expliquent les auteurs. Nous pensons qu'à l'avenir davantage de modèles articulés de prothèse avec retour de sensation vont être disponibles, et la comparaison des différentes technologies permettra de nous améliorer encore sur ce point. »
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