LE CONTEXTE étiologique l’obésité est identifiée comme facteur de risque arthrosique. Outre l’aspect la multiplication des contraintes mécaniques intuitivement compréhensive, des questions se posent sur une éventuelle contribution de nature métabolique au processus arthrosique. La prise en charge thérapeutique de l’obésité s’accompagne d’une stratégie chirurgicale orthopédique globale. L’étude de l’obésité doit donc faire partie du cursus éducatif des chirurgiens orthopédistes. En 2012, 32,3 % des Français adultes de 18 ans et plus étaient en surpoids (IMC entre 25 et 30 kg/m2) et 15 % présentaient une obésité (Indice de masse corporelle : IMC supérieure ou égal à 30 kg/m2). La prévalence de l’obésité a presque doublé entre 1980 et 2008 (1). En France, le coût annuel direct correspondant à la prise en charge de l’obésité et des maladies qui lui sont liées (hypertension, diabète…) était estimé en 2007 à 640 millions d’euros. En chirurgie, l’obésité pose de réels problèmes spécifiques et le chirurgien orthopédiste n’y est pas souvent bien préparé.
On distingue deux catégories de patients :
- tout d’abord les patients en surpoids, ou présentant une obésité modérée, qui sont pris en charge sans toujours être préparés à la chirurgie et au risque de complications accru en raison de leur état.
- ensuite, les patients présentant une obésité sévère ou morbide, qui errent de service en service avant de trouver un chirurgien qui accepte de les opérer. Chez ce type de patients une prise en charge multidisciplinaire est indispensable, et associe un nutritionniste, un endocrinologue et un psychologue autour du chirurgien et de l’anesthésiste.
Il est clairement établi que l’arthrose et l’obésité sont liées, du fait des excès de contraintes mécaniques mais aussi biologiques des adipokines sur le cartilage. L’effet de l’obésité est plus marqué au genou qu’à la hanche. Le registre canadien des prothèses a montré qu’un patient avec un IMC supérieur à 30 kg/m² a 8,5 fois plus de risque d’avoir besoin d’une prothèse qu’un patient avec un IMC normal et ce risque relatif passe à 18,7 si l’IMC est supérieur à 35 et à 32,7 fois si l’IMC est supérieur 40 kg/m². De plus, les patients obèses sont opérés en moyenne 10 ans plus tôt que les patients avec un IMC normal. La perte de poids est efficace non seulement sur les symptômes mais aussi sur la cinétique de la pathologie. Il est classique de penser qu’opérer ces patients lorsqu’ils ne peuvent plus marcher leur permettra ensuite de maigrir lorsqu’ils auront récupéré une fonction normale et à nouveau la possibilité de dépenser des calories. Une récente méta-analyse a montré que seuls 14 à 49 % des patients avaient significativement maigri à un an postopératoire avec d’importantes limitations (perdus de vue, méthodologies de suivi différentes) dans les études. Il peut donc paraître plus logique de demander aux patients d’essayer de perdre du poids avant l’intervention afin de diminuer l’importance des symptômes. Cet amaigrissement est souvent difficile à obtenir, et en pratique quasiment jamais obtenu chez les patients obèses, même lorsque le patient est encadré par des équipes d’endocrinologues et de nutritionnistes.
La deuxième question que l’on se pose souvent face aux patients atteints d’obésité sévère avec un IMC supérieur à 40 kg/m² est la suivante : faut-il leur faire faire de la chirurgie bariatrique avant la prothèse ? Une étude de la Mayo Clinic montre que ce n’est pas utile. Les auteurs comparaient 3 groupes : PTG avant chirurgie bariatrique, dans les 2 ans suivant une chirurgie bariatrique, et au moins 2 ans après chirurgie bariatrique chez des patients ayant conservé et consolidé leur perte de poids initiale. La conclusion des auteurs de cette étude de niveau II était que dans les 3 groupes, le taux de complications était élevé et qu’aucune des trois solutions n’était idéale même lorsque les patients avaient perdu du poids grâce à la chirurgie bariatrique et maintenu cette perte de poids et que la période de réadaptation métabolique était passée. Au-delà de la mortalité et des événements respiratoires et thrombo-emboliques, la principale problématique chez ces patients est l’infection. Une étude récente portant sur une cohorte de 7 181 patients ayant eu une PTH ou une PTG a montré que le taux d’infection passait de 0,57 % pour des patients ayant un IMC normal à 4,66 % chez les patients présentant une obésité morbide. Le diabète doublait le taux d’infection, indépendamment de l’obésité (RR : 2,3). Et chez les patients avec une obésité morbide et un diabète, le taux d’infection atteignait 10 %. Les auteurs cherchaient à savoir s’il est légitime ou non d’opérer ces patients et la question reste entière. Il semble en tout cas capital de ne pas opérer ces patients tant que le diabète n’est pas parfaitement équilibré. L’information au patient doit en tout cas bien inclure ce risque relatif d’infection très supérieur à celui des patients ayant un IMC normal et le diabète doit être parfaitement équilibré.
La prise en charge des pathologies de l’appareil locomoteur chez les patients obèses est un véritable « challenge » thérapeutique pour le chirurgien orthopédiste. Dans tous les cas, le chirurgien, le patient et sa famille doivent être conscients des complications et des risques de mortalité, d’infection ou d’échec liés à l’obésité. En traumatologie, on ne se pose que rarement la question de savoir s’il faut opérer ou non. En chirurgie orthopédique programmée, l’indication doit être mise en balance avec les risques péri-opératoire et le bénéfice escompté. Le diabète doit être parfaitement contrôlé et les pathologies associées gérées afin de réduire le plus possible les risques. Des dispositions spécifiques concernant l’anesthésie, le positionnement du patient, les instruments, les voies d’abords, doivent être prises. Dans tous les cas, si des améliorations significatives des scores de fonction et de douleur sont observées, les scores fonctionnels et les survies à long terme des implants sont inférieurs à ceux observés chez les patients ayant un IMC normal avec un taux de morbimortalité supérieur. Cependant, malgré ce taux de complications élevé et les difficultés rencontrées, les patients peuvent voir leur qualité de vie significativement améliorée grâce à la chirurgie de plus en plus sollicitée. Nous devrons dans les années à venir prendre en charge les patients obèses en continuant à optimiser les prises en charge de manière pluridisciplinaire sans oublier notre rôle de prévention.
D’après la conférence d’enseignement des Dr Sébastien Parratte, Sébastien Pesenti et du Pr Jean-Noël Argenson. Institut du mouvement et de l’appareil locomoteur, hôpital Sainte-Marguerite, université Aix-Marseille.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024