PAR LE Dr HAKIM BENAMER*
L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE (HTA) touche environ une personne adulte sur trois. En moyenne, un tiers des hypertendus sont traités et contrôlés, un tiers sont traités mais non contrôlés et enfin un tiers sont totalement ignorés. Ce facteur de risque cardio-vasculaire, souvent silencieux, a un impact pronostique majeur sur la mortalité, qui est doublée lorsque les chiffres de pression artérielle dépassent la norme (140/90 mmHg) de plus de 20 mmHg pour la systolique et 10 mmHg pour la diastolique. À l’inverse, une baisse, même modérée, de la pression artérielle systolique et/ou diastolique s’accompagne d’une franche amélioration du pronostic (1). L’HTA résistante est définie par la persistance d’une HTA (plus de 140/90 mm Hg, voire 130/80 chez le diabétique ou l’insuffisant rénal), malgré un traitement adéquat et bien conduit comprenant au moins trois antihypertenseurs choisis judicieusement dans une des classes suivantes : bêtabloquants, inhibiteurs calciques, IEC, ARA II, diurétiques thiazidiques (figure 1), éventuellement en association à une spironolactone (démarche largement recommandée par certains spécialistes), un antihypertenseur central et un vasodilatateur. C’est seulement après avoir vérifié la réalité de l’HTA (MAPA et/ou automesure), l’observance thérapeutique et éliminé d’éventuels facteurs aggravants (prise de réglisse, alcool, corticoïdes, AINS, apnée du sommeil, etc.) que l’on peut considérer que l’HTA est résistante au traitement médical. De plus, une enquête étiologique à la recherche d’une cause curable de est indispensable : hyperaldostéronisme primaire, sténose des artères rénales, néphropathie...
Des mécanismes complexes.
L’HTA est un facteur de risque faisant intervenir des mécanismes complexes avec d’importantes interactions entre le cerveau, le rein et le système cardio-vasculaire. Chez l’hypertendu résistant, le système sympathique entourant chaque artère rénale est très stimulé, ce qui entraîne une libération importante de rénine, une augmentation de la rétention tubulaire du sodium et une diminution du flux sanguin rénal, tandis que le système sympathique afférent contribue à aggraver l’hypertension par un mécanisme neurogène. L’inhibition locale du tonus sympathique peut ainsi diminuer la pression artérielle et casser le cercle vicieux dans l’HTA résistante.
Les premiers travaux ayant exploré cette possibilité thérapeutique remontent aux années cinquante, avec la sympathectomie chirurgicale, très efficace sur la baisse de la pression artérielle. Cependant, ces techniques se compliquaient d’effets secondaires très invalidants, comme l’hypotension orthostatique et l’incontinence urinaire (2).
Fondée sur le même principe, mais beaucoup moins invasive, la technique de dénervation rénale interventionnelle permet grâce à une sonde dédiée de détruire en partie les ramifications nerveuses qui se trouvent autour des artères rénales. Pour ce faire, un cathéter est placé dans l’artère rénale par voie percutanée et une ablation par radiofréquence est réalisée de façon bilatérale. La preuve du concept de cette technique a été bien montrée dans un premier article publié en 2009 dans le New England Journal of Medecine (3). La faisabilité et la sécurité ont été ensuite rapportées dans le Lancet en 2009 avec une série prospective de 45 patients présentant une HTA résistante, traités par dénervation et suivis pendant 1 an (4). Cette étude a été ensuite élargie à une série de 153 patients avec suivi à 2 ans (Symplicity HTN-1).
L’efficacité du traitement s’est révélée indiscutable avec une diminution à 1 an de 23 mmHg pour la systolique et 11 mmHg pour la diastolique, avec une probable amélioration des résultats au fil du temps. Pour ce qui est de la sécurité, une dissection de l’artère rénale (0,7%), stentée avec succès a été rapportée ainsi que trois complications vasculaires mineures (2,0%) au point de ponction fémoral. Aucun cas d’insuffisance rénale ou d’hypotension orthostatique n’a été rapporté au cours du suivi. Les résultats d’une étude randomisée ayant inclus 106 patients, publiée dans le Lancet en 2010, sont venus confirmer l’intérêt de cette technique dans l’HTA résistante (5). L’efficacité par rapport au traitement médical seul a été clairement démontrée avec une baisse de la pression artérielle à 6 mois de 32 mmHg pour la systolique et 12 mmHg pour la diastolique, alors que les chiffres étaient restés inchangés dans le groupe traitement médical seul (p ‹ 0,0001). Par ailleurs, alors que dans le protocole les patients devaient garder un traitement antihypertenseur inchangé, il a été noté une diminution du traitement médical de 20 % dans le groupe dénervation contre 6 % dans le groupe témoin (p = 0,04). La sécurité de la procédure a aussi été confirmée avec un cas de faux anévrysme au point de ponction fémoral (2 %), traité par compression manuelle et aucun cas d’altération de la fonction rénale ou de sténose des artères rénales.
* ICV-GVM la Roseraie, Aubervilliers ; ICPS, Massy ; hôpital Foch, Suresnes.
(1) Doumas M, et coll. Benefits fromTreatment and Control of Patients with
Resistant Hypertension. Int J Hypertens 2011;2011:1-8.
(2) Smithwick RH, Thompson JE. Splanchnicectomy for essential hypertension; results in 1,266 cases. JAMA 1953;152(16):1501-4.
(3) Schlaich MP, et coll. Renal sympathetic-nerve ablation for uncontrolled hypertension. N Engl J Med. 2009;361(9):932-4.
(4) Krum H, et coll. Catheter-based renal sympathetic denervation for resistant hypertension: a multicentre safety and proof-of-principle cohort study. Lancet 2009;373(9671):1275-81.
(5) Esler MD, et coll. Renal sympathetic denervation in patients with treatment-resistant hypertension (The Symplicity HTN-2 Trial): a randomised controlled trial. Lancet 2010;376(9756):1903-9.
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