Pour pouvoir prendre en charge les personnes ayant un cancer du sein, les établissements de santé doivent, depuis 2009, disposer d’une autorisation spécifique de l’Agence régionale de santé (ARS), délivrée sur la base de trois types de critères : des conditions transversales de qualité, des critères d’agrément définis par l’Inca et des seuils d’activité minimale. Pour la chirurgie mammaire oncologique, un seuil de 70 interventions annuelles est requis depuis le 1er juin 2023, contre 30 auparavant. Un délai d’un an a été accordé aux établissements étant au-dessus de 80 % de ce seuil, pour atteindre 70 interventions annuelles.
Survie supérieure
Plusieurs facteurs ont présidé au relèvement du seuil d’activité, qui vise à garantir aux patientes une qualité et une sécurité de prise en charge équitable sur tout le territoire. Tout d’abord la démonstration de l’effet du volume d’activité sur la mortalité liée au cancer du sein, notamment mis en évidence dans une vaste étude américaine qui avait inclus plus de 1,6 million de femmes opérées entre 2012 et 2014 : la survie à cinq ans était de 11 % supérieure chez celles prises en charge dans un centre pratiquant plus de 150 interventions par an, comparativement à celles opérées dans des centres ayant un volume d’activité plus faible.
Les données d’une étude de l’Assurance-maladie vont dans le même sens, avec un taux de mortalité la première année après la chirurgie doublé dans les centres pratiquant mois de 30 interventions annuelles, comparativement à ceux en réalisant plus de 100.
Pratiques améliorées
Le niveau d’activité influe aussi sur les pratiques chirurgicales, comme cela a été bien souligné dans une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé. La probabilité de bénéficier d’une reconstruction mammaire immédiate ou d’une lymphadénectomie sélective sentinelle est deux fois plus élevée dans les centres pratiquant plus de 110 interventions par an, par rapport à ceux en réalisant entre 50 et 110.
La demande pour une chirurgie oncoplastique ne cesse de croître depuis 20 ans, ce qui nécessite d’avoir des équipes formées à la chirurgie plastique et carcinologique, objectif pas toujours atteint en cas de faible niveau d’activité. Un travail mené en vie réelle par l’Inca a ainsi montré que seules 14 % des 20 000 femmes ayant chaque année une mastectomie totale bénéficient d’une reconstruction mammaire immédiate, et 28 % d’une reconstruction différée.
Moins de centres autorisés
Ainsi, au fil des années, le nombre de centres pratiquant la chirurgie carcinologique mammaire n’a cessé de se réduire. Jusqu’à cette modification du seuil d’activité, 393 établissements possédaient une autorisation. Avec le relèvement du seuil à 70 actes par an, désormais, seuls 264 centres sont autorisés à poursuivre ce type de chirurgie. Ce qui implique une réorganisation des parcours de soins et des ressources, afin que les centres autorisés puissent prendre en charge les quelque 5 000 à 6 000 femmes qui l’étaient jusqu’alors dans des structures pratiquant entre 30 et 70 gestes par an.
« Les femmes doivent être au centre de cette réorganisation des parcours de soins, qui sous-tend une meilleure coordination entre les différents professionnels de santé impliqués, et entre centres publics et privés », souligne la Pr Carole Mathelin, Strasbourg.
Ce seuil d’activité à 70 gestes par an n’est sans doute qu’une étape et pourrait à terme être encore relevé, pour atteindre les seuils de 100 voire 150 par an, exigés dans d’autres pays européens, en accord avec les recommandations de l’European society of breast cancer specialists (Eusoma) et de la Société internationale de sénologie. Avec une double question qui se profile : celle de la formation et du seuil d’activité par chirurgien, déjà de mise dans certains pays.
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