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Le psoriasis à l’heure des thérapies ciblées

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Publié le 09/07/2024
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La levée de la prescription initiale hospitalière a rendu possible, depuis le 17 avril, la primoprescription en ville des thérapies ciblées dans le psoriasis par des dermatologues. La Pr Émilie Sbidian fait le point.

De nouvelles recommandations devraient être prochainement publiées

De nouvelles recommandations devraient être prochainement publiées
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Des recommandations sur le psoriasis sont en cours de mise à jour par le Groupe de recherche sur le psoriasis de la Société française de dermatologie et devraient être publiées au cours du premier semestre 2025.

Thérapies non ciblées en première intention

Chez les patients atteints de psoriasis et qui nécessitent un traitement en raison du retentissement et/ou de l’étendue de leur affection, les traitements non ciblés restent indiqués en première intention, notamment le méthotrexate. « Il est efficace et, s’il est bien contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique ou rénale, en revanche, il peut être administré à des patients ayant une consommation d’alcool modérée, si le foie n’est pas atteint : il n’y a donc pas de raison de se priver de ce médicament peu coûteux dans cette situation, d’autant qu’il n’expose pas à des effets indésirables graves (nausées et douleurs abdominales initiales). Il nécessite une surveillance biologique tous les quatre mois », rappelle la Pr Émilie Sbidian (département de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil). Son efficacité est évaluée au 3e ou 4e mois.

La cyclosporine – un immunosuppresseur – est une alternative : ce traitement fonctionne plus vite et peut donc être arrêté rapidement si le patient est bon répondeur. Il n’est pas contre-indiqué chez la femme enceinte, contrairement au méthotrexate.

14 traitements en deuxième ligne

En cas d’échec de ces anciennes molécules, les médicaments ciblés biologiques ont toute leur place : si certains sont utilisés depuis plus de vingt ans, de nouveaux sont apparus, notamment depuis 2016, de sorte que l’on dispose aujourd’hui de 14 traitements en deuxième ligne, qui se prennent pour la plupart sous la forme d’injections cutanées toutes les une à douze semaines.

Ce choix thérapeutique large repose sur les anti-TNF (quatre molécules différentes) et également sur les inhibiteurs des interleukines (IL) : anti-IL-12/23 (une molécule), anti-IL-17 (quatre molécules), anti-IL-23 (trois molécules). On dispose également de traitements ciblés synthétiques sous forme orale, dont le plus prescrit est l’aprémilast (inhibiteur de la phosphodiestérase 4 [PDE4]). Depuis fin 2023, le deucravacitinib (inhibiteur TYK2) est également disponible en cas d’échec d’un traitement biologique.

« Ce choix thérapeutique large permet de trouver un traitement adapté au patient dans l’immense majorité des cas. Avant initiation, il faut toutefois éliminer un problème infectieux sous-jacent, comme une tuberculose latente ou des infections urinaires à répétition, que ces traitements pourraient réveiller et/ou aggraver », précise la Pr Sbidian.

Des points de vigilance accrue

L’évaluation se fait ensuite au 3e ou 4e mois : en l’absence d’efficacité, le médecin généraliste doit renvoyer vers le dermatologue prescripteur. « Attention, en l’absence de la moindre efficacité initiale après deux ou trois médicaments testés, la question du diagnostic du psoriasis doit se poser, avec la réalisation de biopsies cutanées à la recherche d’un diagnostic différentiel », insiste la Pr Sbidian.

Le diagnostic doit être remis en cause après plusieurs échecs

La surveillance est à adapter au profil du patient : il n’y a pas besoin d’examens systématiques mais, en cas de comorbidités, il faut surveiller les organes les plus fragiles. Enfin, des études sont en cours pour répondre à la question de la durée de ces traitements : combien de temps continuer ? Aux mêmes doses ou pas ? Avec la même fréquence ?

En cas de grossesse

Un anti-TNF a une AMM chez la femme enceinte : le certolizumab, dont le passage placentaire reste très faible. Il peut être prescrit depuis la conception jusqu’à l’accouchement.

La question éventuelle du désir de grossesse doit d’ailleurs faire partie des questions posées à une femme en âge de procréer ayant un psoriasis suffisamment sévère pour nécessiter un traitement. « Si une femme apprend être enceinte alors qu’elle est déjà traitée par un autre traitement biologique, la décision de garder le traitement, de l’arrêter ou de le changer est prise au cas par cas. Il ne faut pas hésiter à contacter le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) pour solliciter un avis, indique la Pr Sbidian. Il faut également rassurer une femme enceinte sous traitement biologique : il n’y a pas de malformation à craindre pour son enfant. Si le traitement doit être maintenu durant toute la grossesse, le nouveau-né sera considéré comme immunodéprimé durant les six mois qui suivent l’accouchement et, donc, des précautions seront prises pour limiter les risques infectieux, comme ne pas faire de vaccin vivant atténué (tel le BCG, qui n’est plus systématique). »

Enfin, pour les cas les plus complexes, des réunions pluridisciplinaires ont été mises en place depuis cette année : il y en a cinq par an, ouvertes à tous (dates et inscriptions en ligne).

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Entretien avec la Pr Émilie Sbidian (hôpital Henri-Mondor, Créteil)

Des outils patients

Il existe des fiches d’informations pratiques à destination des patients utilisant ces traitements du psoriasis (grpso-fiche-info.php) afin que chacun comprenne ce qu’est son traitement, comment le prendre, ses bénéfices attendus, etc.

On trouve aussi sur ce site un outil d’aide à la décision médicale partagée, réalisé avec Association France Psoriasis, pour soutenir la discussion sur les différentes options thérapeutiques avec son patient.


Source : Le Quotidien du Médecin