Le Syndicat national des dermatologues-vénérologues (SNDV) s'élève contre un projet de décret autorisant les esthéticiennes à pratiquer l'épilation par lumière pulsée intense (IPL), qui plus est hors de tout contrôle médical.
Ce projet de décret, prévu pour entrer en vigueur le 1er juillet prochain, rebattrait les règles de la pratique de l'épilation, formalisées par un arrêté de 1962. Jusqu'à présent, l'épilation fait partie des actes qui ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, à l'exception des épilations à la pince ou à la cire.
En réalité, depuis une dizaine d'années, de nombreux centres de beauté ont développé une offre d'épilation à la lumière pulsée (ou lampes flash), censée freiner la repousse du poil – ce qui leur a valu plusieurs condamnations pour usage illégal de la médecine entre 2009 et 2016, dans le cadre de poursuites intentées par le SNDV.
Avec ce décret, l'épilation par lumière pulsée intense serait ouverte à « tout infirmier, tout professionnel paramédical exerçant sous la responsabilité d’un médecin ou tout esthéticien qui délivre une prestation d’épilation avec ce type d’appareil au consommateur ». Les professionnels devront disposer d'une « attestation de compétence », valable cinq ans, délivrée à l'issue d'une formation portant notamment sur les « effets biologiques » et les « risques sanitaires » liés aux rayonnements émis par ces appareils, précise le projet de décret.
Le programme et la durée de cette formation « varient selon le niveau de formation initiale des professionnels » concernés, infirmiers, esthéticiens ou paramédicaux.
Nécessité d'un diagnostic médical
Le Dr Luc Sulimovic, président du SNDV, voit dans cette ouverture de l'épilation par lampes flash aux instituts de beauté un risque de santé publique. Il souligne d'abord la contradiction interne du décret, qui permettrait aux esthéticiennes de pratiquer ce type d'épilation hors responsabilité médicale, contrairement aux infirmiers ou paramédicaux qui ont pourtant suivi une formation « substantielle » de 3 ans. « Or un diagnostic doit être posé avant l'utilisation d'une technologie fondée sur la lumière, qui a une action thérapeutique en profondeur sur les cellules et les tissus », explique le Dr Sulimovic. Il met aussi un avant un risque de « retard de diagnostic » (mélanome ou maladie endocrinienne à l'origine d'une hyperpilosité qui ne seraient pas repérés par un œil non médical).
Le SNDV demande en outre que les appareils à lumière pulsée soient classés dans le même groupe de risque que les lasers, qui ne sont achetables que par des médecins. « Les lampes flash sont devenues très puissantes et présentent des risques sanitaires » considère le Dr Sulimovic, rappelant que l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a demandé dans son dernier rapport de 2016, la révision de l'encadrement réglementaire de ces appareils. Toutes les études consacrées aux appareils d'épilation faisaient état d'effets indésirables légers (inflammation locale, hyper ou hypo pigmentation légère ou cicatricielle transitoire, brûlure légère du premier degré et de surface limitée ; douleur transitoire d'intensité modérée, etc), voire, dans des études de cas, d'effets importants liés à un mésusage de l'appareil.
Techniquement, les appareils à lumière pulsée possèdent un filtre à leur extrémité qui permet de concentrer le faisceau de lumière envoyé, dont la chaleur détruit le bulbe du poil. Les lasers, plus coûteux, sont monochromatiques.
Les épilations sont considérées comme des actes libres sauf pour certaines prises en charges médicales, comme l'hyperandrogénie. Tous les dermatologues ne les pratiquent pas. Mais ils peuvent représenter 10 à 20 % de leur activité, estime le Dr Sulimovic.
Le SNDV attend désormais une discussion avec le ministère de la Santé.
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