Sans verser adepte du « tablier de sapeur », cette expression désuète qualifiant un pubis un peu exubérant, il faut bien admettre que la pilosité pubienne a une forte connotation, sinon érotique, au moins sexuelle. Le spectacle cru et mystérieux de « l’Origine du monde » de Gustave Courbet resterait-il aussi saisissant encore aujourd’hui ? Persisterait-il toujours ce « je-ne-sais-quoi » de dérangeant alors que par ailleurs la nudité s’étale à longueur de publicité et de magazines et que l’on s’inquiète de la banalisation de la pornographie chez nos ados et préados ? Il y a un phénomène curieux qui fait qu’alors qu’on n’a peut-être jamais parlé aussi ouvertement de sexualité et de « droit à la jouissance », qui plus qu’un droit ressemble parfois davantage à une injonction tant la pression exercée par la société est forte, le poil pubien pourtant si « sexuel » est persona non grata aux réjouissances.
La chasse aux poils à laquelle se livrent les femmes depuis quelques années est sans merci. Rien à voir avec la culture ancestrale musulmane, où les fidèles doivent observer depuis toujours un rasage au moins tous les 40 jours selon le Coran. Dans les cours royales européennes, le savoir-faire oriental en matière d’épilation était loué, sans pour autant avoir fait de nouveaux émules à l’époque. Ce n’est que depuis l’après-guerre que le phénomène du « sans poil » va en s’amplifiant en Occident. Et après la demi-jambe, la jambe et les aisselles, le « maillot » n’échappe pas à la traque implacable. De la « coupe » classique « bikini », il se décline ensuite en différentes versions, brésilien, américain, ticket de métro, épilation intégrale, suivant les dessous plus ou ou moins échancrés, le string et sa ficelle en étant l’expression la plus minimaliste. Certaines ne reculent pas devant l’épilation définitive au laser. « Elle » avait consacré un dossier spécial en 2010 à ce sujet qui avait fait grand bruit. Tenue correcte exigée donc, mais pas seulement. La mode des actrices pornographiques, totalement glabres, donne le ton. Le sexe doit être « hygiénique », net et sans poils.
Un ingrédient du désir
Mais n’aurait-on pas quelque chose à perdre de se défaire de cet apparat animal ? Que trouve-t-on de si déplaisant à la pilosité que l’on veuille l’effacer à toute force ? La vogue de l’épilation intégrale nous fait oublier l’évidence. Mais « la pilosité pubienne est un symbole de féminité, s’amuse Laura Beltran, psychologue et sexologue, à Paris. L’apparition des premiers poils est l’une des premières étapes vers la maturité sexuelle. Les poils pubiens sont une source d’excitation ». Pourquoi vouloir ressembler à une petite fille impubère ? Le fossé avec l’image véhiculée par les films pornographiques laisse perplexe.
« De plus en plus de couples viennent consulter pour un manque de désir, explique la sexologue. Mais les poils et l’odeur de l’autre sont des ingrédients du désir. Que reste-t-il si l’on efface tout ce qui "accroche" pour ne s’autoriser qu’un sexe aseptisé dépourvu de spontanéité ? » La sexualité veut désormais être vécue sous contrôle. « Beaucoup s’imposent de vivre une sexualité "normée", explique Laura Beltran. Pour cela, ilssuivent les diktats de la société, sans quoi ils courraient le risque de ne pas être "correctement" épanouis : faire l’amour au moins 2 fois par semaine, être impeccablement douché et épilé avant, avoir des rapports d’une durée de tant de temps, atteindre l’orgasme simultané. Ils ne se laissent pas surprendre par leur désir et perdent en spontanéité. Avant les femmes voulant se soustraire aux caresses de leur mari disaient qu’elles avaient la migraine ou leurs règles, maintenant elles avancent l’excuse de ne pas être épilée. » En d’autres termes, à vouloir se conformer à un modèle on passe à côté du plaisir. Surtout que du côté des hommes, beaucoup confient en fait au cabinet qu’ils « sont sensibles à la pilosité pubienne féminine », « qu’ils jugent agréable et sensuelle au toucher et à l’odeur ».
Chirurgie des petites lèvres
« Une sexualité épanouie ne va pas sans vivre pleinement la jouissance, poursuit la sexologue qui ne mâche pas ses mots. Ce qui implique une certaine maturité psycho-affective et d’assumer son corps. De ne pas vouloir rester "petite fille". Chez certaines de ces femmes totalement glabres, il y a souvent quelque chose d’immature dans le fait d’être à la merci du modèle sans prendre de recul. » Derrière cette volonté de supprimer les poils, se cachent aussi des idées fausses. Les mêmes que sur les sécrétions et les odeurs, qui seraient « sales », alors qu’ils peuvent participer à l’excitation sexuelle. « Un travail éducatif est souvent nécessaire, constate Laura Beltran. Expliquer qu’une douche par jour suffit à être propre, que le vagin se nettoie tout seul, que les sécrétions sont physiologiques. »
Sans compter que le sexe totalement épilé n’est pas celui d’une petite fille, que l’on peut joliment comparer à un « abricot ». « Les petites lèvres jusqu’alors cachées par les poils dépassent chez beaucoup de femmes, explique Laura Beltran. De là naissent de nouvelles demandes, comme celle de la chirurgie des petites lèvres. » Et pourquoi pas si les femmes s’en sentent mieux ? « La question centrale à se poser est jusqu’où on va ? estime la psychologue. Comme se faire belle, se maquiller, se parfumer, cela peut fait partie du jeu érotique. Il est en revanche absolument nécessaire de ne pas proposer ce type de chirurgie à l’adolescence, où le schéma corporel est en pleine construction. »
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