LE TRAITEMENT d’une pelade doit tenir compte de plusieurs éléments fondamentaux liés à la maladie. Tout d’abord, la pelade est une pathologie récidivante, évoluant par épisodes. Une repousse sous traitement n’est jamais définitivement acquise ; elle peut être spontanée, sans rapport avec le traitement en cours. Il n’est pas nécessaire de traiter systématiquement chaque épisode. Il convient avant tout de bien informer le patient du caractère épisodique de la maladie, du risque de rechute et lui préciser qu’il ne s’agit pas d’une pathologie psychosomatique. Ne pas traiter à un moment donné ne diminue pas les chances de repousse future.
Il faut distinguer les pelades en plaques et les formes décalvantes ou universelles, qui n’ont bien entendu pas le même pronostic, afin d’adapter au mieux la stratégie thérapeutique. Parmi les facteurs prédictifs de repousse, il est important de prendre en compte l’âge du patient lors du premier épisode de pelade et le pourcentage de surface du cuir chevelu atteint lors de celui-ci. Pour un épisode donné, les critères cliniques péjoratifs sont l’étendue de l’atteinte, le caractère multifocal avec la présence de cheveux en point d’exclamation à distance des plaques, éventuellement la vitesse évolutive, le respect des cheveux blancs et l’existence d’un érythème lunulaire en mottes unguéal. L’association avec une atopie ou des troubles dysimmunitaires est un facteur péjoratif discuté.
En première intention.
Le traitement de première intention consiste en une prescription de dermocorticoïdes. Chez l’adulte, il s’agit de dermocorticoïdes de niveau 1, sous la forme gel le plus souvent, afin de limiter le risque d’effets secondaires et obtenir une meilleure pénétration au travers des orifices pilaires. Le principal effet secondaire est une réaction acnéiforme nécessitant une pause thérapeutique et une diminution des doses appliquées. Dans les pelades décalvantes totales, un traitement unilatéral est proposé, permettant d’apprécier l’efficacité réelle du traitement et la part de repousse spontanée. Chez l’enfant, la prescription de niveau 1 doit être limitée dans le temps et le nombre de flacons quantifié. Un niveau 2 est rapidement prescrit en relais.
Les corticoïdes peuvent également être administrés in situ. Les pelades en plaques de l’adulte affectant moins de 50 % de la surface sont une bonne indication aux injections intradermiques profondes de Kenacort® dilué à 8 mg/ml. Une série d’injections totalise la dose de 10 à 20 mg maximum et peut être répétée toutes les 6 à 8 semaines. Les premiers résultats doivent s’observer en 4 à 6 semaines avec une repousse en touffes. Dans le cas contraire, poursuivre le traitement est inutile. Les injections de Kenacort® peuvent également se pratiquer au niveau des sourcils, à la condition de rester strictement intradermiques.
L’antraline (dioxyanthranol) est un immunomodulateur dont l’action dans la pelade est mal expliquée, mais qui a montré une certaine efficacité dans des pelades en plaques, voire décalvantes, lorsque reste du duvet. Les effets secondaires sont une irritation locale, une hyperpigmentation et des adénopathies satellites.
La puvathérapie, tout en considérant son potentiel carcinogène, reste parmi les traitements de première intention dans les pelades importantes de l’adulte. Elle peut permettre de faire repousser des pelades étendues et semble efficace dans plus de 30 % des pelades décalvantes. Un bilan de l’action thérapeutique est réalisé après 30 séances. En cas de repousse effective, l’arrêt des séances se fait très progressivement (comme dans les mycosis fongoïdes) avec souvent un relais par dermocorticoïdes.
Immunomodulateurs puissants réservés aux formes étendues.
Le mécanisme d’action de l’immunothérapie de contact est discuté mais intéressant d’un point de vue physiopathologique. L’application locale d’un allergène, le plus souvent de la diphénylcyclopropénone (DCP), créerait une compétition antigénique entre celui-ci et l’antigène folliculaire supposé à l’origine du mécanisme immunologique de la pelade. Cette méthode contraignante est pratiquée dans les centres spécialisés et nécessite une bonne compliance du patient. Elle consiste en l’application hebdomadaire de l’allergène en concentrations progressivement croissantes, jusqu’à apparition d’un eczéma qui détermine la concentration thérapeutique. Les applications sont alors poursuivies sur un hémicrâne complet, avec une repousse apparaissant en moyenne après 3 mois de traitement. Elle peut permettre la repousse d’une pelade décalvante totale ou universelle, après échec des autres traitements.
Le méthotrexate est réservé aux pelades sévères, graves et résistantes de l’adulte. Une étude ouverte a mis en évidence l’efficacité du méthotrexate, surtout en association avec la corticothérapie générale dans les pelades décalvantes totales ou les pelades universelles, à la dose de 20 ou 25 mg/semaine selon de poids. Ces résultats d’un traitement conjoint qui semble le plus puissant doivent encore être confirmés par des études plus larges. Comme pour l’immunothérapie de contact, le traitement est suspensif et le patient doit être prévenu par consentement écrit des effets secondaires possibles et du risque de rechute à l’arrêt.
En dehors de l’association au méthotrexate, la corticothérapie générale per os est employée de manière exceptionnelle dans une pelade aiguë. L’administration de méthylprednisolone sous forme de bolus est moins délétère et peut être proposée dans les pelades en plaques récentes très extensives de l’adulte ou de l’enfant, évoluant vers une forme décalvante totale, avec test de traction positif en toute zone testée du cuir chevelu. Les bolus ne semblent pas être efficaces dans les pelades universelles et dans les pelades anciennes.
La psychothérapie de soutien, la prescription d’une prothèse capillaire, le tatouage des sourcils ou du rebord ciliaire s’intègrent dans la prise en charge, car ils améliorent la qualité de vie des patients en vue d’une vie familiale et sociale la plus normale possible. La prise en charge justifie un algorithme de traitement, au sein duquel l’abstention thérapeutique peut parfois trouver sa place pendant une période.
D’après un entretien avec le Dr Philippe Assouly, dermatologue au centre Sabouraud hôpital Saint-Louis, Paris.
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