Le diabète de type 2 (DT2) est un facteur de risque d’insuffisance cardiaque (IC) : ce risque est multiplié par un facteur 3 chez l’homme et par un facteur 4 à 5 chez la femme. Et, sous l’effet combiné du vieillissement de la population et de la survie prolongée des patients ayant une maladie coronaire, cette association est de plus en plus fréquente. Ainsi, dans la population de sujets DT2 âgés de plus de 65-70 ans, un quart présente une dysfonction ventriculaire gauche ou une IC avérée. À l’inverse, parmi les insuffisants cardiaques, près d’un tiers présentent un DT2 ou des anomalies de la tolérance au glucose.
« En pratique, il est donc important d’être attentif à tout signe de dysfonction cardiaque chez un diabétique de type 2, en particulier après l’âge de 60-65 ans », souligne le Pr Pierre Gourdy (Toulouse), avant de rappeler que les recommandations ont jusqu’alors surtout été orientées vers le dépistage de l’ischémie myocardique mais ne donnent pas de précisions sur les modalités d’un éventuel dépistage systématique de l’IC.
Parallèlement, la question de l’influence de la prise en charge de l’hyperglycémie sur le risque de survenue et l’évolution de l’IC se pose. La recherche d’un contrôle glycémique strict ne permet pas de réduire les événements liés à l’IC et, de ce fait, les objectifs glycémiques chez le DT2 avec IC restent ceux préconisés par les dernières recommandations françaises : viser une HbA1c ≤ 7 %. « En revanche, en cas de pathologie cardiovasculaire évoluée (IC associée à des atteintes vasculaires sévères, IC sévère ou instable), on peut tolérer une valeur d’HbA1c jusqu’à 8 %, en évitant en particulier les classes thérapeutiques qui augmentent le risque d’hypoglycémies », indique le Pr Gourdy.
Au-delà des objectifs glycémiques, l’impact du traitement antidiabétique sur le risque d’IC a fait l’objet de nombreux débats au cours des dernières années, alimentés par la publication de grands essais évaluant la sécurité et le bénéfice cardiovasculaire des nouvelles classes thérapeutiques.
Sur la base de données de registres – et non pas d’études contrôlées – la prise de position des experts de la SFD propose de maintenir la metformine en première intention chez un DT2 avec IC stable sans insuffisance rénale chronique sévère associée, ce qui impose donc une vigilance accrue sur l’évolution des fonctions rénale et cardiaque (1). La metformine doit être arrêtée lors d’un épisode de décompensation cardiaque ou de toute situation favorisant l’hypoxie.
Les premières données issues des études de sécurité cardiovasculaire ont concerné les inhibiteurs de DPP4. Elles ont confirmé la sécurité d’emploi de la sitagliptine vis-à-vis de l’ensemble des risques cardiovasculaires mais ont mis en évidence une augmentation significative des hospitalisations pour IC avec la saxagliptine, sans explication physiopathologique identifiée à ce jour mais imposant la prudence quant à l’utilisation de cette molécule en cas d’IC. Tout récemment, une étude présentée au congrès européen de diabétologie (EASD) a conclu à la sécurité cardiovasculaire de la linagliptine, un autre inhibiteur de DPP4 non commercialisé en France, sans influence sur les événements liés à l’IC.
La classe des analogues du GLP1est sans doute celle qui a fait couler le plus d’encre, avec désormais 3 études qui ont montré une réduction des événements cardiovasculaires majeurs, mais un effet neutre vis-à-vis de l’IC. « Un résultat troublant puisque, sur la base de données chez l’animal et de quelques études pilotes, on pensait que ces molécules pouvaient exercer un effet protecteur », note le Pr Pierre Gourdy. Mais en tenant compte de ces études, de l’augmentation de la fréquence cardiaque induite par ces molécules et des résultats de l’essai Fight, qui a retrouvé une augmentation des hospitalisations pour IC chez des sujets insuffisants cardiaques sévères, diabétiques ou non, recevant du liraglutide, les experts de la SFD prônent la prudence concernant l’emploi de cette classe thérapeutique en cas d’IC avec fraction d’éjection diminuée.
En fait, la seule classe d’antidiabétiques oraux susceptibles d’avoir un effet bénéfique sur l’IC est celle des inhibiteurs du SGLT2, toujours en attente de commercialisation en France. L’empagliflozine et la canagliflozine ont fait la preuve de leur efficacité en termes de réduction des événements cardiovasculaires majeurs et des hospitalisations pour IC, un effet précoce car perceptible dès le 3e mois de traitement. Les résultats de l’étude Declare, présentés il y a quelques jours lors du congrès de l’American Heart association, vont dans le même sens en montrant une diminution significative de 17 % du critère composite combinant hospitalisations pour IC et décès cardiovasculaires avec la dapagliflozine, réduction tirée par le moindre taux d'hospitalisations pour IC.
Les dernières recommandations conjointes l’ADA et l’EASD ont ainsi opéré un changement de paradigme, avec des arbres décisionnels désormais guidés en premier lieu par le statut cardiologique des patients (2).
Entretien avec le Pr Pierre Gourdy, CHU, Toulouse
(1) Prise de position de la Société Francophone du Diabète (SFD) sur la prise en charge médicamenteuse de l’hyperglycémie du patient diabétique de type 2. Oct 2017
(2) Davies MJ et al. Diabetologia. 2018 Oct 5
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