« AUJOURD’HUI, nous avons le sentiment que, globalement, le diagnostic de diabète est réalisé de manière un peu plus précoce qu’il y a quelques années. Cela est sans doute lié, pour une part, à l’organisation régulière de « Journées mondiales du diabète » qui permettent de sensibiliser la population à un dépistage de masse », explique le Pr Paul Valensi, chef du service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition de l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy. « Même si cela n’a pas été réellement évalué, on peut penser que ce dépistage plus précoce est aussi lié à une meilleure communication vers les médecins généralistes sur les bénéfices d’une prise en charge précoce et d’un traitement intensifié pour la prévention des complications du diabète. Grâce à ce travail de communication, il arrive plus rarement qu’on ait à prendre en charge des diabétiques de type 2 à 3 grammes par litre ou plus, ayant été négligés pendant plusieurs années », souligne le Pr Valensi.
Celui-ci insiste sur la nécessité de faire preuve de vigilance face à la montée de la glycémie. « Un diabète de type 2 n’arrive pas du jour au lendemain. Il passe par une phase de normo-glycémie puis d’hyperglycémie modérée et intermédiaire. En suivant les patients de façon rapprochée avec un contrôle glycémique à un ou deux mois, on a l’opportunité de voir le moment où on passe du pré-diabète au diabète. Ce passage devrait d’ailleurs idéalement être évité grâce à des mesures énergiques appropriées », explique le Pr Valensi.
Le problème est de savoir placer le bon curseur dans le dépistage du diabète car toute la population ne présente évidemment pas le même niveau de risque face au diabète. « Le dépistage est un peu une fusée à deux étages. Le premier étage, c’est la population générale où la prévalence du diabète connu et traité reste relativement faible (un peu moins de 4 %) même si elle est en augmentation. Dans cette population à faible prévalence, on peut faire sa propre évaluation des risques par l’intermédiaire d’un score (auto-questionnaire) et procéder au dépistage par des dosages biologiques si le score est élevé », indique le Pr Valensi.
Mais le principal enjeu concerne bien sûr le « 2e étage » de la fusée et le dépistage des personnes les plus exposées aux risques. « En France, le document de référence en matière de dépistage du diabète reste les recommandations de l’ANAES de 2003. Ce texte n’a certainement pas été aussi mobilisateur qu’il aurait pu l’être mais il reste essentiel. Selon ces recommandations, il convient de dépister les personnes de plus de 45 ans avec des comorbidités : obésité, HTA, désordres lipidiques… C’est aussi le cas des femmes ayant des antécédents de diabète gestationnel ou ayant donné naissance à un gros bébé », explique le Pr Valensi, en constatant que les médecins généralistes ne se sont pas tous approprié ces recommandations. « J’ai eu l’occasion de participer à une action d’évaluation conduite auprès de 900 médecins généralistes environ sur un mois d’activité. Ce travail, qui est en cours de publication, a concerné au total plus de 20 000 patients qui répondaient aux critères de l’ANAES. Dans cette étude, il était demandé aux généralistes de regarder dans le dossier de ces patients la glycémie précédente. Dans cette population, on a trouvé 10 % de patients avec une glycémie supérieure ou égale à 1,26 g/l et 20 % de patients avec une hyperglycémie à jeun (entre 1,10 et 1,25 g/l). Cela signifie que ces critères sont bons puisqu’ils sont capables d’identifier une population à très haut risque d’anomalies glycémiques mais n’ont pas été intégrés à leur juste valeur par les généralistes », observe le Pr Valensi.
Ce dernier a aussi pris part à une action (groupe « IMAGE ») soutenue par la Commission européenne et qui a été menée avec le concours de 23 pays (étude publiée en avril 2010 dans un numéro spécial de Hormone and Metabolic Research). « L’objectif était d’établir des recommandations pour la mise en place de mesures de la prévention du diabète et d’élaborer un guide pratique. Il était aussi de former des médecins et des paramédicaux compétents pour réaliser ces actions », explique le Pr Valensi. « Globalement, ces recommandations européennes correspondent à celles de l’ANAES, en dehors de quelques « cibles » spécifiques pour le dépistage que nous avons ajoutées, par exemple les personnes sous neuroleptiques, celles ayant déjà une histoire cardiovasculaire ou les femmes avec dystrophie ovarienne polykystique. L’accent est aussi mis sur les populations migrantes chez qui le dépistage devrait être effectué plus jeune », indique le Pr Valensi, en ajoutant que les patients avec un antécédent cardiovasculaire ont un taux de risque de diabète ou de prédiabète très élevé. « Chez ces patients ayant une maladie cardiovasculaire, on peut faire la charge orale en glucose d’emblée car dans plus de 70 % des cas, on va trouver une anomalie ».
D’après un entretien avec le Pr Paul Valensi, chef du service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition de l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy.
Référence :
Paulweber B, Valensi P, Lindstrom J, et coll. A European evidence-based guideline for the prevention of type 2 diabetes. Horm Metab Res 2010;42 Suppl 1:S3-36.
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