Entretien avec le Dr Ingrid Plotton*
LA STRATÉGIE de recueil et de conservation des spermatozoïdes en urgence avant une chimio- ou une radiothérapie potentiellement stérilisante est maintenant bien codifiée. Elle est moins bien établie dans des situations comme le Klinefelter, où un adulte jeune consulte pour une infertilité avec azoospermie, et où le caryotype confirme le diagnostic. Dans ces cas, on peut envisager la biopsie testiculaire afin de rechercher des spermatozoïdes potentiellement utilisables pour permettre au patient une descendance biologique avec ses propres gamètes. Celle-ci retrouve des spermatozoïdes généralement dans la moitié des cas. « Notre projet de recherche, mis en place depuis 2010, se fonde sur l’hypothèse qu’en intervenant plus tôt chez des adolescents atteints d’un SK connu, lorsque la spermatogenèse vient de se mettre en place, les chances de retrouver des spermatozoïdes seraient plus importantes que chez l’adulte, explique le Dr Ingrid Plotton (Lyon). On sait qu’avec l’âge (plus du tout après 35 ans selon les données de la littérature) les chances de retrouver des spermatozoïdes diminuent. Pourrait-on retrouver spontanément plus de spermatozoïdes dans le sperme de sujets plus jeunes ? Les biopsies testiculaires pourraient-elles fournir plus souvent de spermatozoïdes à un âge plus précoce, afin de les congeler pour les utiliser plus tard lors d’un projet parental ? »
La TESE-ICSI est plus souvent réalisée dans les caryotypes 47, XXY homogènes que dans les mosaïques, où on retrouve plus facilement des spermatozoïdes au spermogramme. Mais on peut proposer la conservation dans les cas de SK mosaïques si les paramètres biologiques laissent craindre un risque de dégradation ultérieur du spermogramme.
Un risque faible d’aneuploïdie dans la descendance.
Les dernières publications montrent qu’a priori le risque d’anomalies chromosomiques est réduit chez les enfants de père atteint de SK. Il semble que les gonies fournissant les spermatozoïdes sont celles qui ont eu la capacité à se corriger et à perdre un X excédentaire, ce qui leur permet de franchir la méiose et de donner ainsi des spermatozoïdes à formule normale 23 X ou 23 Y. Toutefois cette correction ne se produisant que de manière focale, ils sont généralement trop peu nombreux pour se retrouver dans le sperme. Ce qui explique aussi que les biopsies testiculaires réalisées pour recueillir ces spermatozoïdes corrigés doivent être faites à plusieurs niveaux pour augmenter les chances d’en retrouver. Il ne semble pas y avoir de risque d’anomalie chromosomique dans la descendance puisque, sur les 100 grossesses décrites, on ne retrouve qu’un seul cas d’enfant né avec un SK, soit presque la même fréquence que dans la population générale.
Reculer l’androgénothérapie après la biopsie.
Le traitement par androgènes est classiquement proposé lors du diagnostic afin d’obtenir une puberté mieux assumée, d’aider l’acquisition des caractères sexuels secondaires, avec une pilosité et une musculature de meilleure qualité, de prévenir l’ostéoporose et ralentir un peu la croissance chez ces jeunes souvent plus grands que ne le voudrait leur taille cible. Mais leur prescription pourrait freiner l’axe hypothalamohypophysaire et réduire encore la spermatogenèse. « Ce qui nous a amenés à ne pas l’initier ou à la suspendre au moins 6 mois avant le recueil testiculaire, et de ne la prescrire qu’ensuite », précise le Dr Plotton.
Des résultats préliminaires.
«Actuellement, plus d’une trentaine de patients ont accepté de participer à notre projet et nous avons pu récupérer des spermatozoïdes qu’on a pu congeler et qui sont susceptibles d’être utilisés ensuite dans la carde d’une ICSI chez 60 % d’entre eux. Même si l’augmentation n’est pas considérable par rapport aux 50 % obtenus chez les adultes, ces données sont plutôt positives. Elles suggèrent aussi qu’il vaut mieux instaurer l’androgénothérapie après le prélèvement, mais on n’a pas encore de résultats significatifs », explique le Dr Plotton.
Actuellement on peut seulement proposer de rechercher les spermatozoïdes dans le spermogramme à 15 ans et, en leur absence, de réaliser une biopsie testiculaire vers 16 ans. « À cet âge, on n’est pas non plus très pressé par le temps. Il faut aussi attendre que l’enfant ait la maturité psychologique nécessaire. Dans le cadre de notre protocole, chaque jeune garçon rencontre le psychologue du centre avant de s’impliquer dans le projet, puis régulièrement à chacun des temps du projet. Le cheminement peut être d’autant plus long que l’annonce du diagnostic a été plus ou moins bien acceptée par le jeune ou sa famille, surtout lorsqu’on leur a parlé de stérilité totale et définitive. Revenir 15 ans après sur des choses qu’ils pensaient définitives comme la stérilité n’est pas sans remuer beaucoup d’émotions », prévient le Dr Plotton.
* Laboratoire d’hormonologie endocrinologie moléculaire et maladies rares, Lyon,
Plotton I. et al. Annales d’endocrinologie 2010;503;71:494-504.
Association Valentin Apac (Association de porteurs d’anomalies chromosomiques), http://klinefelter.valentin-apac.org/
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