La pandémie de Covid-19 est-elle responsable d’une augmentation du significative du nombre de nouveaux cas de diabète de type 1 (DT1) à autoanticorps négatifs, chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes ?
Nous avions déjà rapporté, dans nos brèves de septembre 2021, une première étude de ce groupe allemand, qui n’avait pas trouvé d’arguments en ce sens (1). Cette équipe a ensuite relevé qu’il n’y a pas eu d’augmentation de l’incidence du DT1 en Allemagne durant la première vague de Covid-19, de mi-mars à mi-mai 2020 (2).
Une troisième étude de ce même groupe vient d’être publiée en août (3). Elle avait pour but d’étudier l’incidence du DT1 en Allemagne chez les enfants et les adolescents dans les mois affectés par plusieurs vagues de la pandémie de Covid-19, du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, par rapport aux années précédentes.
Une nouvelle analyse sur une période plus large
L’incidence DT1 a été analysée chez les enfants et les adolescents à partir des données du registre multicentrique allemand de suivi prospectif du diabète. À l’aide de modèles, les incidences attendues pour 2020-2021 ont été estimées à partir des données de 2011 à 2019 et comparées aux incidences réelles, en calculant des rapports de taux d’incidence (TRI).
Résultats, du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, 5 162 enfants et adolescents atteints d’un nouveau DT1 ont été enregistrés. L’incidence observée sur cette période était significativement plus élevée que celle attendue : 24,4 vs 21,2 pour 100 000 patients-années ; p < 0,001. Les TRI étaient significativement élevés en juin 2020 (1,43 ; IC95 [1,07-1,90] ; p = 0,003), juillet 2020 (1,48 [1,12-1,96] ; p < 0,001), mars 2021 (1,29 [1,01-1,65] ; p = 0,028), et juin 2021 (1,39 [1,04-1,85] ; p = 0,010).
On peut donc retenir une augmentation significative de l’incidence du DT1 chez les enfants pendant la pandémie de Covid-19, avec un retard du pic d’incidence du diabète de type 1 d’environ 3 mois après le pic d’incidence du Covid-19 et également après les mesures de confinement. Les causes sous-jacentes sont encore inconnues. Cependant, les effets indirects plutôt que directs de la pandémie seraient plus susceptibles d’en être la cause.
Des effets directs ou indirects
Si cette troisième étude de ce groupe allemand semble contredire leur précédent travail, qui ne trouvait aucune recrudescence d’incidence durant la première vague, il faut rappeler que cette première analyse n’avait porté que sur les deux mois de la première vague et du confinement imposé alors. Or, ce dernier travail révèle que l’incidence ne s’est accrue qu’après cette période, donc après la période d’observation initiale, soit des pics d’incidences du DT1 dans les trois mois qui ont suivi les pics d’incidence de Covid-19 et les confinements.
À l’exception de l’augmentation de mars 2021, l’augmentation de l’incidence du DT1 était principalement due à l’absence d’un déclin saisonnier pendant l’été. Il en a été de même dans une étude finlandaise, qui a relevé une incidence accrue durant les deux mois d’été (juin/juillet). Cela n’a pas été confirmé en Lombardie mais, selon l’équipe allemande, la période d’observation fut peut-être trop brève.
La question est donc désormais celle de la causalité du Covid-19 dans ces phénomènes. Le rôle direct cytotoxique du virus sur la cellule bêta est fortement suspecté, mais les études histopathologiques sont contradictoires. Que l’effet du virus soit d’ordre immunitaire est certes avancé, mais la brièveté du délai (trois mois) questionne. Il est très possible que le DT1 se déclenche chez des enfants présentant déjà une auto-immunité sous-jacente. L’orage inflammatoire serait ainsi en cause… Quoique, chez la plupart des petits enfants, l’infection Covid soit asymptomatique. Et, dans l’étude finlandaise comme allemande, les enfants ayant déclenché un DT1 n’avaient pas fait le Covid-19 de façon démontrée.
De plus, le nombre de cas de Covid-19 étaient significativement plus élevés durant la deuxième vague de la pandémie que lors de la première, or l’incidence du diabète de type 1 n’a pas plus augmenté après la deuxième vague qu’après la première.
En somme, le rôle direct du Covid-19 ne peut être affirmé. Le confinement, la moindre fréquence des autres affections virales par isolement et des causes psychosociales pourraient aussi contribuer. Plusieurs autres études ne vont pas manquer de suivre !
Enfin, à l’occasion de ce travail, il faut noter que ces données ne confirment pas, en ce qui concerne l’Allemagne, l’arrêt de progression du DT1 rapportée en Norvège et en Autriche durant les deux dernières décennies chez les moins de 15 ans.
Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Clemens Kamrath et al. Frequency of autoantibody-negative type 1 diabetes in children, adolescents, and young adults during the first wave of the Covid-19 pandemic in Germany. Diabetes Care 2021;44:1462-71 doi.org/10.2337/dc20-2257
(2) Tittel SR, Rosenbauer J, Kamrath C, et al. DPV Initiative. Did the Covid-19 lockdown affect he incidence of pediatric type 1 diabetes in Germany? Diabetes Care 2020;43:e172-e173. doi: 10.2337/dc20-1633
(3) Kamrath C et al. Incidence of type 1 diabetes in children and adolescents during the Covid-19 pandemic in Germany: results from the DPV registry. Diabetes Care. 2022 Aug 1;45(8):1762-71. doi: 10.2337/dc21-0969
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