Le diagnostic clinique d’une dysthyroïdie est difficile, les manifestations de l’hyper- et surtout de l’hypothyroïdie étant peu spécifiques. Des études récentes ont bien montré que les signes cliniques de dysfonctionnement thyroïdien sont d’autant moins nombreux que le sujet augmente en âge. Aussi faut-il savoir les envisager en cas d’apparition récente de troubles cognitifs, d’un ralentissement psycho-intellectuel, d’une frilosité inexpliquée ou, à l’inverse, au cours du bilan d’une perte de poids ou d’un épisode de fibrillation auriculaire d’apparition récente, où une hyperthyroïdie doit toujours être recherchée.
TSH pour le diagnostic, T4 libre pour la sévérité
Le diagnostic repose toujours, en première intention, sur le dosage de la TSH seule. Mais si la valeur inférieure de la norme est la même chez le sujet âgé que chez les plus jeunes − de 0,3 à 0,4 µUI/ml −, pour la limite supérieure il faut tenir compte de l’augmentation physiologique de la TSH avec l’âge. Globalement, on estime que cette valeur est égale à la décennie dans laquelle se situe le patient, divisée par 10, par exemple qu’elle est de 8 µUI/ml chez une personne de 82 ans ; le médecin devra donc interpréter les chiffres fournis par le laboratoire en fonction de l’âge.
Lorsque la TSH est comprise dans un intervalle situé entre 0,3-0,4 µUI/ml et la limite supérieure déterminée par l’âge, il n’y a aucune indication, ni à compléter le bilan ni à traiter. On le contrôlera à nouveau si la symptomatologie clinique suspecte de dysthyroïdie persiste.
Lorsque la TSH est anormale, il est indispensable de la recontrôler, dans un délai de 1 à 3 mois en fonction de la persistance d’éventuels signes cliniques, « un diagnostic de dysthyroïdie ne soit jamais être portée sur un seul dosage de TSH », souligne le Pr Philippe Caron (CHU de Toulouse). En dehors de l’âge, de nombreux facteurs peuvent modifier le taux de TSH, ainsi de nombreux médicaments, comme les traitements par corticoïdes ou un état dépressif qui, en lui-même, peut être associé à une baisse de la TSH qui peut atteindre de 0,1 à 0,2 µUI/ml.
Le dosage des anticorps antithyroïdiens n’est d’aucune utilité.
La T4 libre ne fait pas le diagnostic d’un dysfonctionnement thyroïdien, en revanche, l’importance de sa diminution ou de son augmentation est essentielle pour juger de la sévérité de l’hypo- ou de l’hyperthyroïdie − ce que ne permet pas de faire la variation de la TSH, en particulier en cas d’hyperthyroïdie.
L’échographie et la scintigraphie thyroïdienne n’ont pas d’indication en cas d’hypothyroïdie ; en cas d’hyperthyroïdie, l’examen de référence est la scintigraphie, l’échographie n’a pas sa place, car elle montrerait des nodules thyroïdiens dans 6 à 7 cas sur 10 chez les plus de 65 ans, conduisant à des interrogations et des explorations souvent inutiles.
Hypothyroïdies infracliniques : quand traiter ?
La preuve d’un bénéfice du traitement de l’hypothyroïdie fruste n’a pour l’instant jamais été apportée. L’amélioration du bilan lipidique et, plus globalement, un effet sur la réduction du risque cardiovasculaire pourraient être attendus, mais cela n’a pas été démontré dans des études d’envergure, quand le risque du traitement n’est pas négligeable. « Chez le sujet âgé, il faut bien peser le rapport bénéfice/risque du traitement pour ne pas l’exposer à une thyréotoxicose iatrogène ; on tend plutôt actuellement à réduire les indications d’un traitement de substitution par hormone thyroïdienne. Toutes les études montrent que 25 à 30 % des patients sont surdosés et que le risque d’une thyréotoxicose iatrogène avec TSH basse est plus grand que celui d’une TSH à 4,5 chez un octogénaire ! ». La décision thérapeutique dépend de la symptomatologie, du contexte clinique et des valeurs de la TSH. Le traitement s’impose si la TSH est supérieure à 20 µUI/ml ; entre 10 et 20 µUI/ml, il s’adresse aux personnes en bon état clinique avec une bonne espérance de vie ; chez les plus fragiles, le traitement peut être différé et rediscuté selon l’évolution. On est bien sûr encore plus circonspect pour des valeurs comprises entre 4 et 10 µUI/ml.
L’équilibre hormonal thyroïdien n’est a priori pas plus complexe à atteindre que chez les personnes plus jeunes, à condition d’éviter les contrôles trop rapprochés, qui ne laissent pas le temps de le stabiliser, et de tenir compte des polymédications, de nombreux traitements interférant avec le métabolisme thyroïdien, à l’instar les inhibiteurs de la pompe à protons par exemple.
Exergue : Un diagnostic de dysthyroïdie ne soit jamais être portée sur un seul dosage de TSH
Entretien avec le Pr Philippe Caron, Service d’endocrinologie, Maladies métaboliques et Nutrition, CHU de Toulouse Dysthyroïdies du sujet âgé : synthèse des recommandations de la Société Française d’Endocrinologie, Goichot B & al, Ann Endocrinol (Paris), 1 juin 2020
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