Les inhibiteurs des SGLT2 (iSGLT2), non encore disponibles en France, ont démontré au travers de multiples essais randomisés – comme en vraie vie – leurs bénéfices métaboliques (HbA1c, poids) mais également cardiovasculaires (CV) et rénaux, notamment une réduction du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IC) et de la mortalité chez des sujets ayant un diabète de type 2 (DT2). Le mécanisme de cette action très précoce a, d’emblée, semblé indépendant des effets sur la glycémie. La question était évidemment de savoir ce qu'il en était chez les insuffisants cardiaques non diabétiques.
L’objectif de l’essai Dapa-HF (dapagliflozin and prevention of adverse-outcomes in heart failure trial), comparant dapagliflozine 10 mg/j vs placebo fut donc d’évaluer les effets de cette molécule chez des sujets (avec ou sans diabète) ayant une IC (stade NYHA-II, III ou IV) à FEVG < à 40 % (1). Les sujets étaient traités par ailleurs de façon optimale pour leur IC : 94 % sous diurétiques, 83 % IEC ou sartans, 96 % bêtabloquants, 75 % minéralocorticoïdes, etc. Le critère de jugement principal était un composite : aggravation de l'IC (hospitalisation ou visite en urgence pour IC avec nécessité d’un traitement IV) ou décès de cause CV. Ainsi 2 373 (dapa) et 2 371 sujets (placebo) ont été inclus, d'âge moyen 66 ± 10 ans, 23 % de femmes, avec cardiopathie ischémique dans 55 vs 57 % des cas et 42 % de diabétiques.
Une action significative dès 18 mois
Après un suivi moyen de 18,2 mois, 16,3 % (groupe dapagliflozine) vs 21,2 % (bras placebo) ont présenté un évènement, soit une réduction de 26 % dans le bras dapagliflozine. Quand on analyse les critères secondaires, le traitement par dapagliflozine est associé à une réduction significative de la mortalité cardiovasculaire de 18 %, du risque d’aggravation de l’insuffisance cardiaque de 30 %, de la mortalité toute cause de 17 %. Ces résultats sont identiques que les IC soient diabétiques ou non, que l’IC soit d’origine ischémique ou non, que le DFG soit supérieur ou inférieur à 60 ml/min. En revanche c’est au stade NYHA-II que ces effets sont significatifs et non III et IV. Ceci confirme l’intérêt de la dapagliflozine au plan CV.
Après un temps si court (18 mois), que les sujets soient diabétiques ou non, ces effets peuvent être considérés comme remarquables, et ne semblent aucunement passer par les effets glycémiques de la molécule. Nos collègues cardiologues ne s’y trompent pas, cet « antidiabétique » est une innovation de premier plan pour leur spécialité, une bonne nouvelle espérée depuis une décennie ! De plus, on n’a pas constaté de surrisque d’amputation, d’acidocétose, de fracture, aucun cas de gangrène de Fournier sous dapagliflozine.
Mais au fait, quand cette classe des iSGLT2 sera-t-elle disponible en France ? Est-elle toujours à considérer comme plus dangereuse que bénéfique ?...
Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes, Grenoble
(1) J.J.V. McMurray, S.D. Solomon, S.E. Inzucchi, et al. Dapagliflozin in Patients with Heart Failure and Reduced Ejection Fraction. N Engl J Med. 2019 Sep 19. doi: 10.1056/NEJMoa1911303.
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