Les patients diabétiques ont un risque accru d'insuffisance cardiaque (IC). La double peine s'applique pour eux en la matière. « Leur maladie coronaire les expose à des accidents coronaires, avec à la clé une insuffisance cardiaque. Mais ces patients souffrent aussi fréquemment d'IC à fonction systolique préservée, comme l'illustre notre série bruxelloise dans laquelle nous avons retrouvé 40 à 50 % de diabétiques (1) », résume le Pr Christophe Beauloye (Louvain, Belgique).
IC à fonction systolique réduite
La maladie coronaire, sévère et diffuse chez le diabétique, atteint non seulement les gros vaisseaux mais aussi – même si plus imperceptiblement – les petits, notamment coronaires, avec en conséquence une diminution de la réserve coronaire. Le cœur est plus sensible à l'ischémie, le préconditionnement est perdu. Résultat, lors d'un accident coronaire aigu, les dégâts consécutifs à l'ischémie sont plus prononcés chez le diabétique et le risque de développer une IC, en particulier sévère, majoré. « Au-delà de la majoration du risque même d'accident coronaire, les diabétiques ont donc un surrisque d'IC à fonction systolique altérée en post-infarctus », explique le Pr Beauloye.
IC à fonction systolique préservée
Outre ces IC classiques à fraction d'éjection du ventricule gauche (FEVG) réduite, les diabétiques souffrent aussi, bien souvent, d'IC à fonction systolique préservée. Dans les séries d'IC à fonction systolique normale, ils sont en effet surreprésentés. « On est ainsi autour de 40 à 50 % de diabétiques dans notre cohorte, souligne le Pr Beauloye. Cette IC à fonction systolique préservée du diabétique en surpoids n'est probablement pas tout à fait de même nature que l'IC à fonction systolique préservée classique, dont le prototype est la femme âgée hypertendue avec fibrillation atriale ». Leur physiopathologie est en effet fort différente. Chez la femme âgée hypertendue, c'est l'atteinte de l'endothélium – qui, secondairement, altère la contractibilité du myocarde – qui est à l'œuvre. Quand, chez le diabétique, même si ce phénomène existe aussi, l'IC est associée à des altérations des cellules myocardiques elles-mêmes. Chez le diabétique en surpoids, le métabolisme des cellules cardiaques a en effet perdu sa plasticité. Les cellules myocardiques vivent quasi exclusivement des acides gras et produisent bien plus d'espèces réactives de l'oxygène. Ces super oxydants altèrent la capacité de relaxation du cardiomyocyte.
Implications cliniques
« Il n'y a pas de continuum entre IC à fonction systolique préservée puis IC à fonction systolique réduite. Ce sont a priori deux maladies bien différentes, même si elles peuvent coexister, puisqu'en clinique il arrive de trouver en post-infarctus des pressions de remplissage élevées, même quand la fonction systolique est normale, souligne le Pr Beauloye. La prise en charge doit donc se caler sur le type d'IC. Dans le cas de l'IC à fonction systolique préservée, on est toujours assez démuni, même si les anti-SGLT2 pourraient ouvrir de nouvelles perspectives ». Pour mémoire, le traitement par anti-SGLT2 a été associé, dans l'étude Empareg, à une réduction des hospitalisations pour IC (lire page 12). Un bénéfice probablement lié à l'activité natriurétique des anti-SGLT2, et à la réduction de la volémie.
« En pratique clinique, retenons qu'il faut déjà penser à dépister l'IC à fonction systolique préservée chez le diabétique. Puis mettre en œuvre un strict contrôle tensionnel, associé au contrôle des autres facteurs de risque, sans oublier de traiter la fibrillation atriale, avec peut-être une préférence en termes de traitement antidiabétique oral aux anti-SGLT2 », conclut le Pr Beauloye.
Entretien avec le Pr Christophe Beauloye (Université Catholique de Louvain, Belgique)
(1) C Beauloye et al.... HPEF... diabetes..(in press)
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