Tout avait commencé par l’exenatide (Byetta), analogue d’action courte administré en deux injections quotidiennes, vite supplanté par le liraglutide (Victoza), en une seule injection, qui a dominé le marché jusqu’à la venue des injectables hebdomadaires, exenatide (Bydueon) puis dulaglutide (Trulicity).
Au moins deux autres molécules sont annoncées pour bientôt : un implant sous-cutané d’exenatide nommé aujourd’hui ITCA, dont le remplacement serait effectué 1 ou 2 fois par an, et le semaglutide au fort pouvoir glycémique et pondéral, sous forme injectable hebdomadaire ou orale en prise quotidienne, qui serait ainsi le premier GLP1 per os (non injecté).
Déjà d’autres GLP1a sont annoncés. Il faut admettre que leur efficacité à divers moments de l’histoire de la maladie, ne fait que confirmer le rôle d’un déficit ou d’un effet réduit de l’hormone GLP1 dans la physiopathologie des diabétiques de type 2 (DT2). En effet, le GLP1 exerce plusieurs effets qui contribuent à améliorer le statut métabolique des patients ayant un DT2 : renforcer l’insulinosécrétion et freiner la sécrétion de glucagon, dont les taux de base sont élevés à jeun chez le sujet DT2. Ceci entraîne un excès de production hépatique de glucose qui explique grandement l’hyperglycémie à jeun, sans pour autant exposer au risque d’hypoglycémie puisque les deux actions sont glycémie dépendante. À cela s’ajoute un effet central, assez variable selon les molécules analogues du GLP1, possiblement en fonction de leur taille, aboutissant à un effet satiétogène plus ou moins puissant qui explique largement la perte moyenne de poids enregistrée. Enfin, un effet sur la vitesse de vidange gastrique qui joue surtout sur les glycémies postprandiales.
Leurs effets secondaires sont principalement digestifs, avec une intolérance chez environ 10 % des patients. Chez les autres patients, la gêne digestive (nausées, diarrhées) régresse habituellement après un à deux mois de traitement. La sécurité de la classe des incrétines, inhibiteurs de la DPP4 et GLP1-a, semble de plus en plus assurée : pas de réel sur-risque de cancer du pancréas, ni de pancréatites sauf sur terrain à haut risque. La sécurité s’entend au sens de neutralité cardiovasculaire, voire de bénéfice, pour le Liraglutide (étude LEADER).
Avant l’insuline mais quand ?
Actuellement, beaucoup de praticiens, ainsi que les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), tendent à placer cette classe après échec des bi- ou trithérapies antidiabétiques orales (objectifs glycémiques non atteints), en les associant (sauf avec les gliptines) et ce d’autant qu’il existe un problème pondéral important. L’IMC est ainsi l’autre critère décisionnel important. Jusqu’alors seule l’insuline était proposée à ce stade et souvent repoussée. Aujourd’hui les GLP1-a sont mieux acceptées que l’insuline mais peuvent ainsi retarder le recours à cette dernière. Nombre d’études comparant « tous » les GLP1 (Exenatide Liraglutide, Lixisenatide, Dulaglutide) à l’insuline (le plus souvent la glargine) montrent une non-infériorité et souvent une supériorité sur l’abaissement de l’HbA1c. Une nette différence est constatée au niveau du poids : augmentation sous insuline et diminution ou stabilisation sous GLP1-a.
Cependant, afin de traiter plus précocement la glycémie et le poids, ne faudrait-il pas envisager leur place avant l’« échec » des antidiabétiques oraux ? Par exemple en ajoutant rapidement à la metformine un GLP1-a ?
Quelle durabilité des effets ?
Deux essais ont porté sur la durabilité des effets de GLP1-a. L’étude rétrospective DURATION-3 (Exenatide hebdomadaire vs Glargine) montre sur 3 ans combien il est difficile de maintenir un résultat d’HbA1c satisfaisant sans ajout d’autre thérapeutique et combien la réponse à 26 semaines est prédictive d’un résultat à long terme. Une étude d'extension de DURATION-1 visait à mesurer l'efficacité et la tolérance de l'Exenatide hebdomadaire sur une durée de 7 ans. Conformément à l’impression de nombreux cliniciens, une réponse moyenne favorable a été retrouvée sur environ la moitié des patients, « ceux encore dans l’étude » ayant une HbA1c à 7 % sans ajout thérapeutique et sans mise à l’insuline. Donc quelle durabilité en vraie vie ? Les réponses intéressent grandement le clinicien.
De nouvelles questions se posent
Toutes ces données suscitent nombre d’interrogations :
• Combien de patients DT2 sont répondeurs au GLP1 ? Avec une baisse de l’HbA1c ou du poids ?
• Chez les répondeurs, combien de temps durent ces effets ? Quand décider d’y renoncer pour perte d’efficacité ?
• S’ils sont utilisés avant l’insuline et si leurs effets s’épuisent, faut-il néanmoins les maintenir (association fixe ou variable GLP1 + insuline) ?
• Chez certains patients, faut-il d’emblée envisager une association fixe GLP1-a + insuline lente ?
• L’insuline utilisée seule garde-t-elle une place ? Chez quels patients ?
Ces questions sont essentielles et les études menées n’y répondent pas. En effet, elles ne suivent pas le parcours de plus en plus habituel (GLP1-a puis passage à l’insuline) et portent sur des durées rarement supérieures à 12 mois, alors que l’histoire du DT2 est très longue.
Enfin, tout cela a un coût possiblement très élevé qui inquiète les payeurs et dont nous devons tenir compte. Certes, il faudra déterminer la balance économique en termes de prévention des complications et des hospitalisations. Mais définissons-nous suffisamment les phénotypes de patients candidats à ces thérapeutiques ? Et les principaux critères de bonnes indications, conduisant à maintenir ou à interrompre les analogues du GLP1 ?
Inhibiteurs des SGLT2 (SGLT2-i) et GLP-a, séparés ou associés ?
La mise sur le marché français des SGLT2-i posera aussi la question de leur choix plutôt que celui d’un GLP1-a, avec des effets moindres mais « constants » sur les glycémies et le poids. Rapportée par Ele Ferrannini dans l’étude DURATION 8, l’efficacité de l’association SGLT2-i et GLP1-a (Exenatide hebdomadaire + Dapaglifozine) a certes montré un réel bénéfice mais a posé dans l’auditoire la question de l’escalade des dépenses de santé.
Comment s’y retrouver et quelles recommandations demain ? Quelle formation faudra-t-il proposer aux prescripteurs face à une telle diversité d’approches et à une maladie hétérogène et évolutive ? Les années qui viennent ouvrent donc sur des perspectives complexes mais plus enthousiasmantes que la longue période de pauvreté de l’arsenal thérapeutique de ces dernières décennies.
D’après les présentations des Dr Trautmann (Allemagne), Öhman (États-Unis), Aroda (États-Unis), Kovatchev (États-Unis) et Ferrannini (Italie)
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