« TOUT L’ENJEU aujourd’hui dans la néphropathie diabétique est de faire régresser la glomérulosclérose, commente le Pr Philippe Brunet, néphrologue à l’hôpital de la Conception à Marseille, au sujet d’une étude publiée dans PLoS ONE montrant des résultats prometteurs du régime cétogénique chez la souris. Les chercheurs de la Faculté du Mount Sinaï à New York ont montré que les corps cétoniques ont un effet protecteur sur le rein en faisant régresser la protéinurie et en modifiant l’expression des gènes du stress oxydatif. Mais il existe déjà les thérapeutiques du système rénine-angiotensine, comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les sartans, qui permettent de négativer la protéinurie ! Le véritable enjeu dans l’insuffisance rénale chronique (IRC), c’est d’agir sur les lésions de fibrose rénale ». Ce que l’étude new yorkaise ne met que partiellement en évidence à l’histologie. Plusieurs équipes de recherche travaillent sur le sujet à travers le monde, dont celle en France du Pr Pierre Ronco à l’hôpital Tenon à Paris, sans que les tentatives ne soient très concluantes.
L’exemple de l’épilepsie
Pourquoi s’être intéressé à une alimentation aussi déséquilibrée ? Le régime cétogénique a fait ses preuves il y a quelques années dans l’épilepsie réfractaire de l’enfant (voir les « Quotidien » datés du 6 mai 2008 et du 17 décembre 2010). L’hypothèse avancée la plus probable serait que les corps cétoniques, en particulier le butyrate (3-OHB), diminuent le métabolisme neuronal du glucose. C’est ainsi que Charles Mobbs et son équipe ont fait le pari que le régime cétogénique, en modifiant de façon prolongée le métabolisme du glucose, pourrait faire régresser les lésions induites le stress oxydatif au cours du diabète, et en l’occurence la néphropathie.
Les chercheurs ont utilisé deux modèles murins de diabète, l’un pour le type 1 et l’autre pour le type 2. Les rongeurs étaient soumis à un régime standard (64 % d’hydrates de carbone, 23 % de protéines et 11 % de lipides), et puis la moitié était basculée pour un régime cétogénique (5 % d’hydrates de carbone, 8 % de protéines, 87 % de lipides), pendant 2 mois avant d’être sacrifiés. Les taux d’albumine et de créatinine urinaires étaient régulièrement mesurés au cours de l’expérience. Le tissu rénal était analysé histologiquement, l’expression des gènes du stress l’était en mesurant la synthèse d’ARN par PCR.
Supplémentation en butyrate
Si la protéinurie a complètement régressé après régime cétogénique, les lésions de glomérulosclérose ne l’ont été que partiellement, mais de manière significative. La normalisation de la fonction rénale s’est accompagnée de la normalisation de l’expression des gènes du stress oxydatif. La seule normalisation de la glycémie n’explique pas la régression de la protéinurie, puisque l’équilibre du diabète ne fait qu’au mieux stabiliser la fonction rénale. Il est plus probable que l’effet protecteur du régime cétogénique s’exerce en modifiant le métabolisme du glucose.
De l’avis des auteurs, la justification d’un régime cétogénique au long cours n’est pas établie. D’une part, il est trop restrictif pour être accepté et applicable, ce d’autant que la tolérance d’un régime aussi peu physiologique n’est pas clairement définie. Il est vraisemblable que la carence protéique entraîne une dénutrition avec fonte musulaire. D’autre part, d’après les chercheurs, il serait possible qu’un régime pris de façon transitoire soit suffisant pour modifier l’expression génétique et « réinitialiser » le processus métabolique. « Les corps cétoniques suggèrent une nouvelle piste pharmacologique pour stabiliser la fonction rénale, précise le Pr Brunet. C’est l’objectif majeur du dépistage précoce réalisé actuellement. Ainsi, depuis l’introduction très tôt un inhibiteur du système rénine angiotensine, la courbe des nouveaux dialysés n’augmente plus chez les moins de 75 ans. L’effet protecteur du butyrate ouvre la piste d’une supplémentation pharmacologique à l’avenir».
PLoS ONE 6(4):e18604.doi:10.137/journal.pone.0018604.
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