Le régime cétogène fait beaucoup parler de lui – et de ses promoteurs – depuis quelques années, avec la promesse de bien mieux traiter l'obésité et le diabète de type 2. Cependant, l'engouement suscité par ses potentiels bénéfices est largement supérieur au niveau de preuve qui le soutient. Certes, découvrir une approche révolutionnaire pour traiter des maladies complexes et souvent en échec thérapeutique peut soulever l'enthousiasme, mais il faut, raison garder, et s'appuyer sur ses véritables effets, sa faisabilité et plus encore sur l'évaluation des risques – des carences engendrées. Ce d'autant plus que ces régimes s'accompagnent de coûts élevés pour les patients et d'un bouleversement de leur mode de vie.
Une mise au point publiée cet été dit stop à l'infox (1). Examinons le dossier.
Du vieux présenté comme nouveau
Le régime cétogène trouve aujourd'hui une nouvelle jeunesse (avec le régime « paléo » par exemple) mais en réalité il a été proposé il y a bientôt 50 ans aux États-Unis, alors sous l'appellation de « régime Atkins » (2). Le logo « A » rouge qui s'y réfère a d'ailleurs été vendu depuis à une chaîne de restauration rapide.
Le régime cétogène diffère d'autres régimes pauvres en glucides, car il incite à renoncer à presque tous les glucides, à éviter les excès de protéines et à consommer des quantités très élevées de graisses (> 70 % des calories en général), d'où la production de cétones.
L'enthousiasme suscité pour ce régime est en partie lié aux supposés échecs des régimes « pauvres en graisses » proposés, qui auraient été incapables d'enrayer l'épidémie d'obésité et de diabète de type 2… Or de pauvreté en graisse, il n'en a pas été réellement question, puisque la part des graisses est restée supérieure à 30 % des apports caloriques aux États-Unis ! Parler de l'inefficacité de ces régimes pauvres en graisses n'a donc guère de sens.
Perte de poids : la restriction calorique avant tout
Une méta-analyse de 13 essais d'une durée supérieure à un an ne trouve que moins de 1 kg de perte de poids supplémentaire avec le régime cétogène, versus régime riche en glucides et en matières grasses. Cette différence, bien que statistiquement significative, ne l'est cliniquement pas, bien entendu. Une autre méta-analyse de 32 études montre que la dépense énergétique et la perte de graisse sont plus importantes avec des régimes faibles en graisses qu'avec les régimes cétogènes. En fait la perte de poids de tout régime repose sur la réduction calorique un point c'est tout !
En fait la perte de poids de tout régime repose sur la réduction calorique, un point c’est tout !
Pas d'effets thérapeutiques sur le diabète de type 2
Une étude très médiatisée mais non randomisée attribue au régime cétogène une réduction de 1,3 % de l'HbA1c à un an. Mais le groupe cétogène était hypersélectionné et avait reçu un soutien technologique et comportemental intensif, pas le groupe témoin ! Les études randomisées à long terme (≥ 1 an) racontent une tout autre histoire, et une méta-analyse n'a révélé aucune différence de contrôle glycémique dans le DT2, ni en termes de perte de poids.
Dans le diabète de type 1, le régime cétogène provoque un risque considérable – et déjà constaté surtout en Allemagne mais aussi dans les zones frontalières où il se développe – d'hypoglycémies d'une part et d'acidocétoses d'autre part, du fait des réductions considérables des doses d'insuline.
Des risques pour la santé
Aujourd'hui, aucune étude n'a évalué les événements cardiovasculaires ou la mortalité dans les régimes cétogènes, mais des études d'observation montrent que les régimes faibles en glucides s'accompagnent d'une augmentation de la mortalité toutes causes !
Sur les taux de lipides circulants, rien n'est clair, le LDL et l'APoB ne semblent aucunement améliorés, malgré la perte de poids sous régime cétogène. Les autres effets délétères de ces régimes portent sur des accidents chez les sujets à risque d'épilepsie, une asthénie et de la faiblesse chronique, des troubles intestinaux, de la constipation ou diarrhées, quelques arythmies cardiaques sévères par carence en sélénium, une halitose, des crampes musculaires, des céphalées, des cas de pancréatites et d'innombrables carences en vitamines et en minéraux. Chez les adolescents, on a relevé une croissance perturbée avec un risque fracturaire accru.
Enfin comment manger de façon si inhabituelle et durablement, sans conséquences sur sa sociabilité ?
Le pire : l'absence des éléments nutritionnels qui protègent les individus
Le régime cétogène se caractérise aussi par l'absence de glucides riches en fibres et non raffinés, de graines, de fruits, de légumineuses, autant d'éléments qui caractérisent les aliments les plus bénéfiques pour la santé – ce bénéfice ayant été démontré par des études majeures – et qui n'induisent en rien l'épidémie de DT2 et d'obésité… Presque tous les experts s'accordent pour dire qu'il faut éviter les aliments riches en glucides raffinés hautement transformés. Brouiller cette distinction essentielle entre les glucides raffinés et non raffinés et exclure les deux est une affirmation toxique.
Brouiller cette distinction essentielle entre les glucides raffinés et non raffinés et exclure les deux est une affirmation toxique
Le faux exemple des Inuits circumpolaires
Et non, le cas des Inuits circumpolaires ne peut servir d'exemple, car cette population, qui se nourrit par la force des choses de presque aucun glucide, présente une mutation génétique largement répandue réduisant la production de cétones.
À l'opposé, certaines populations, comme en Grèce et au Japon, ont une alimentation dont la part en glucides est supérieure à 50 % des calories quotidiennes, avec des effets sur la longévité parfaitement connus.
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes
(1) Shivam Joshi, Robert J. Ostfeld, Michelle McMacken. The Ketogenic Diet for Obesity and Diabetes—Enthusiasm Outpaces Evidence. JAMA Intern Med. Published online July 15, 2019. doi:10.1001/jamainternmed.2019.2633
(2) Dr. Atkins' diet revolution. Med Lett Drugs Ther. 1973 May 11;15(10):41-2.
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