Le niveau des apports est variable selon les populations. Il est actuellement en France de 8,0 ± 3,4 g/j d'après l'enquête INCA3 réalisée auprès de 3 157 adultes de 18-79 ans (1).
Aujourd'hui dans l'alimentation des Français, en dehors du sel rajouté (à table ou dans la cuisson), qui représente un quart des apports en sel environ, les sources de sel proviennent pour 22,5 % du pain, 10,1 % d'aliments transformés (sandwiches, pizzas, tartes, biscuits, pâtisseries…), 12,2 % des condiments (herbes, épices), 9,5 % des soupes et bouillons, 7,8 % de la charcuterie et 5,5 % du fromage. Le sodium naturellement présent dans les aliments représente environ 10 % des apports.
L'ajout du sel dans les aliments a trois rôles :
• Leur conservation dans un but de sécurité alimentaire en raison de son effet bactériostatique ;
• l'apport de propriétés technologiques (texture, consistance, fermentation) notamment au pain, au fromage et à la majorité des charcuteries ;
• un intérêt gustatif.
Une action sur la pression artérielle variable selon les personnes
L'effet du sel sur la pression artérielle est suspecté depuis longtemps. Plusieurs études épidémiologiques d'observation l'ont confirmé.
D'autre part l'étude de Bibfins-Domingo (2) a analysé, dans une revue de la littérature, les effets de la réduction des apports en sel sur la pression artérielle systolique selon l'importance de la réduction, l'âge des sujets, l'existence d'une hypertension, la couleur de peau… La baisse est trois fois plus importante chez les personnes de plus de 65 ans et les sujets de peau noire.
La méta-analyse de He (3) confirme une baisse plus importante de la pression artérielle systolique chez les hypertendus que chez les normotendus (-5,4 mmHg vs – 2,4 mmHg) pour une réduction moyenne modeste (- 1,7 g/j) des apports en sel estimés par la natriurèse, avec un effet dose très net.
Les mécanismes de la baisse de pression artérielle lors de la réduction des apports en sel sont actuellement connus. En améliorant la fonction endothéliale (5), la diminution du sel augmente la vasodilatation endothélium-dépendante, entraîne une baisse du tonus vasculaire et donc de la pression artérielle.
Le potassium, dont les légumes et fruits sont la principale source, agit en sens inverse (4). La sensibilité au sel est variable selon les individus. Les sujets noirs, les personnes obèses et insulinorésistantes, les hommes et les hypertendus sont plus sensibles.
42 % d'augmentation du risque cardiovasculaire
On sait que l'hypertension artérielle est un facteur majeur de risque cardiovasculaire et que des apports élevés en sel augmentent la pression artérielle. Mais ceci ne suffit pas à démontrer la relation entre apports en sel et risque cardiovasculaire. Il faut mettre en évidence, d'une part, que des apports élevés en sel augmentent le risque cardiovasculaire et, d'autre part, que leur réduction diminue ce risque.
Dans une étude épidémiologique prospective incluant 58 730 Japonais de 40-79 ans indemnes initialement de maladie cardiovasculaire et suivis 14 ans, les apports en sel et la mortalité cardiovasculaire ont été évalués (5). Dans le quintile haut des apports en sel, comparativement au quintile bas (après ajustements sur de multiples facteurs de risque cardiovasculaire), le risque d'accident vasculaire cérébral (AVC) est augmenté de 55 %, d'AVC ischémique de 104 % et, au total, de maladie cardiovasculaire de 42 % chez les plus gros consommateurs de sel.
L'étude PURE, menée auprès de 10 000 sujets dans 17 pays, a confirmé la relation entre les apports en sel (estimés par la natriurèse) et la pression artérielle, mais surtout pour les apports élevés (≥ 6 g/j), alors qu'elle n'est pas retrouvée chez les 10 % de sujets ayant les apports les plus faibles (< 3 g/j). Cette relation est d'autant plus forte que les apports en potassium sont faibles. Sur un suivi de 3,7 ans, les événements cardiovasculaires sont peu nombreux. Ils sont plus fréquents dans le groupe des apports élevés que modérés mais, paradoxalement, aussi en cas d'apports faibles plutôt que modérés (6,7).
Ainsi, le sodium est indispensable à l'équilibre du milieu intérieur. Le sel a des propriétés (technologique, microbiologique et organoleptique) intéressantes et rend les aliments moins fades, ce qui ne doit pas toujours être considéré comme négatif, notamment chez les sujets âgés. Si une consommation inférieure à 4,5 g/jour peut être néfaste, des apports supérieurs à 10 ou 12 g/jour sont délétères car ils augmentent le risque d'hypertension et d'accidents vasculaires. Par contre, consommer suffisamment de potassium, et donc de légumes, s'oppose en partie aux effets négatifs de l'excès d'apport en sodium. Donc, Il est nécessaire de prioriser les actions de santé publique vers les gros consommateurs de sel et les sujets sensibles au sel.
Service de nutrition – Institut Pasteur de Lille
(1) Anses - Rapport de l’étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2 (INCA 2) 2006/2007
(2) Bibbins-Domingo K et al. N Engl J Med 2010;362:590–9.
(3) He FJ et al. BMJ 2013, 346, f1325.
(4) Aburto N et al. BMJ 2013;346, f1378–f1378.
(5) Umesawa M et al. Am J Clin Nutr 2008;88:195–202.
(6) Mente A et al. N Engl J Med 2014;371:601–11.
(7) O’Donnell M et al. N Engl J Med 2014;371:612–23.
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