Rendons hommage à Carl Djerassi, décédé le 30 janvier 2015, à l’âge de 91 ans. Ce chimiste est connu en raison de ses nombreux travaux ayant permis la découverte des premiers progestatifs synthétiques. Son travail, en collaboration avec Gregory Pincus, a permis le développement des premières pilules estroprogestatives. Ils ont été tous les deux, à l’initiative de la « pilule », début d’une révolution dans la prise en charge de la contraception hormonale à travers le monde.
Déception sur la progestérone
L’année 2015 a été marquée par des données nouvelles concernant la progestérone naturelle. En effet, deux études publiées dans le New England Journal of Medicine (NEJM) ont montré un manque d’efficacité de la progestérone sur la récupération des traumatismes crâniens (1,2). Alors que des études chez les animaux et les études préliminaires humaines étaient encourageantes, ces deux études américaines, randomisées contre placebo n’ont pas montré d’efficacité de la progestérone sur la mesure du score de Glasgow. Dans la première, 1 195 patients avec un traumatisme sévère ont été inclus pendant 6 mois. La deuxième a recruté 882 patients ayant un traumatisme crânien léger à sévère. Aucune différence n’a été observée entre le groupe traité par progestérone, et le groupe sous placebo dans ces deux études.
De plus, en fin d’année, une étude anglaise, publiée elle aussi dans le NEJM, a évalué d’efficacité de la progestérone micronisée, à la dose de 400 mg par jour, sur les fausses couches à répétition d’origine inexpliquée, survenant lors du premier trimestre. Aucune différence n’a été constatée par rapport au placebo (3).
Ménopause : relance du THM
Un consensus international a aussi été publié sur la prise en charge de la ménopause, réalisé à l’initiative de la Société américaine d’endocrinologie (4). Alors que plusieurs publications avaient ces dernières années, remis en cause le traitement hormonal de ménopause (THM), une des conclusions essentielle de ce consensus est que les bénéfices du THM peuvent être supérieurs aux risques pour la majorité des femmes ayant des symptômes de ménopause, si elles ont moins de 60 ans ou que le délai par rapport à la survenue de leur ménopause est inférieur à 10 ans. Le traitement hormonal n’est cependant pas indiqué à ce jour pour prévenir une maladie cardiovasculaire ou une démence. Dans ce consensus, les quelques alternatives au traitement hormonal ont été développées.
Testostérone chez les sujets âgés : pas rationnel
Concernant la testostérone, l’année 2015 aura vu une remise en question des prescriptions des traitements androgéniques administrés chez les hommes, dans le cadre des hypogonadismes liées à l’âge. Si une étude récente a illustré que les altérations des fonctions cognitives, chez l’homme âgé, sont liées à une baisse des androgènes, le lien de causalité entre le taux de testostérone et les troubles cognitifs n’est cependant pas établi. Plusieurs études ont récemment montré qu’un traitement par androgènes administré pendant 3 ans, en cas de baisse modérée de la testostérone chez les hommes âgés, n’améliore ni la progression de l’athérome évalué par l’épaisseur intima media de la carotide, ni de manière paradoxale la fonction sexuelle des hommes traités (5). De manière intéressante, les résultats de l’étude de cohorte MONICA, réalisée au Danemark, chez 5 350 hommes, âgés de 30 et 70 ans à l’inclusion, a montré une corrélation entre la mortalité toutes causes confondues et un taux plus élevé de LH ou un taux de LH/testostérone plus élevé. Par contre, le taux de testostérone seul n’est pas corrélé à la mortalité. Ainsi, l’élévation de la LH avec un taux compensé de T pourrait être un marqueur de vieillissement et de mortalité.
Perturbateurs endocriniens
Enfin, plusieurs études ont illustré cette année, le rôle potentiel des perturbateurs endocriniens en particulier des phthalates, sur le taux de testostérone et la fonction testiculaire. Un groupe de travail a réalisé une impressionnante étude socioéconomique évaluant les coûts potentiels engendrés par les perturbateurs endocriniens sur la prise en charge des cryptorchidies, des cancers testiculaires, de la baisse de la testostérone et de l’infertilité masculine (6). À l’échelle de l’Union européenne, ces coûts représenteraient plus de 15 milliards d’euros par an. Les auteurs suggèrent qu’une prise de conscience des milieux politiques et industriels est tout à fait nécessaire.
(1) Skolnick B et al. À clinical trial of progesterone for severe traumatic brain injury NEJM 2014;371:2467-76
(2) Wright D et al. Very early administration of progesterone for acute brain injury NEJM 2014;371:2457-66
(3) Cooarasamy A et al. 2015 A Randomized Trial of Progesterone in Women with Recurrent Miscarriages. N Engl J Med. 2015;373:2141-8
(4) Stuenkel CA et al. Treatment of Symptoms of the Menopause : An Endocrine Society Clinical Practice
Guideline. JCEM 2015;100:3975-4011
(5) Basaria S et al. Effects of Testosterone Administration for 3 Years on Subclinical Atherosclerosis
Progression in Older Men With Low or Low-Normal Testosterone Levels: A Randomized
Clinical Trial. JAMA 2015;314:570-81
(6) Hauser R et al. Male reproductive disorders, diseases, and costs of exposure to Endocrine Disrupting chemicals in the European Union. JCEM 2015;100:1267-77
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