LE QUOTIDIEN : Depuis quelques années, un certain nombre de gènes ont été mis en cause dans le diabète du petit enfant. Quels sont ces gènes ?
Pr Michel Polak : Des formes de diabète monogéniques précoce ont effectivement été identifiées, que l'on rencontre majoritairement chez l'enfant de moins de 1 an, parfois entre 1 et 2 ans, et beaucoup plus rarement chez des enfants plus âgés.
Les gènes mis en cause peuvent schématiquement se répartir en trois catégories. Il s'agit en premier lieu d'un ou plusieurs gènes portés par le chromosome 6-q24. Sur ce chromosome, une unidisomie paternelle, une duplication partielle paternelle ou encore une déméthylation du fragment maternel, a été associée à l'affection. Le ou les gènes en cause doivent encore être mieux caractérisés. Il s'agirait de gènes impliqués dans le fonctionnement des cellules bêta.
On trouve ensuite des gènes codant pour les sous-unités du canal potassique des cellules bêta, qui permet le couplage entre glycémie et sécrétion d'insuline. Des mutations de la sous-unité Kir 6-2 de ce canal ont été décrites, ainsi que des mutations de la sous-unité Sur1, qui se trouve être le récepteur aux sulfonyurées.
On note que le canal potassique des cellules bêta est également exprimé dans le SNC, et que le diabète lié à des mutations de ce canal est fréquemment associé à des anomalies neurologiques, pouvant aller jusqu'à l'épilepsie.
Enfin, troisième catégorie d'anomalies génétiques : les mutations touchant le gène de l'insuline à l'état hétérozygote. La maladie relève alors d'un mécanisme différent, et trouve son origine dans un stress auquel est soumis le réticulum endoplasmique des cellules bêta, aboutissant à leur destruction. Très récemment, des mutations des régions contrôlant l'expression du gène de l'insuline ont été associées à ces formes très précoces de diabète sucré.
Pour être complet, bien qu'il ne s'agisse pas, le plus souvent, de formes monogéniques du tout petit enfant, on doit encore mentionner les 6 gènes actuellement caractérisés dans le diabète MODY, ainsi que les gènes responsables de syndromes rares incluant un diabète.
Quelles ouvertures ces travaux apportent-ils à la diabétologie ?
Ces travaux ont des conséquences de plusieurs ordres. Sur le plan pratique, d'abord, les enfants porteurs d'une mutation affectant une sous-unité du canal potassium des cellules bêta, sont dorénavant traités par sulfonylurées, efficaces – parfois à forte dose – malgré la mutation de leur récepteur. Ce traitement n'ayant pour le moment par d'AMM chez l'enfant, il est administré dans le cadre de protocoles autorisés par l'AFSSAPS.
En soi, passer d'injections d'insuline à un traitement oral est un progrès considérable. Il ne faut pas se méprendre sur l'importance de l'effectif concerné : notre expérience, à l'Hôpital Necker Enfants Malades, est la plus importante au monde, et nous avons substitué les sulfamides à l'insuline chez 28 enfants. Ceci reste néanmoins une extraordinaire preuve du concept pour notre démarche scientifique. "Débobiner" les déterminismes génétiques de certaines formes de diabète permet de trouver de nouvelles voies thérapeutiques. Et ceci ne concerne pas seulement les formes génétiques, puisqu'une meilleure compréhension des cellules bêta permet d'enrichir la compréhension des formes plus tardives de diabète.
Confrontée à ces formes monogéniques de l'enfant, la diabétologie se trouve en fait contrainte à un changement fondamental de posture : la discipline, qui n'envisageait jusqu'à présent que la destruction des cellules bêta, doit maintenant réfléchir à un éventail de mécanismes aboutissant au diabète.
Dans la démarche diagnostique, comment ne pas passer à côté d'un diabète monogénique ?
Dès lors qu'un diagnostic peut avoir des conséquences thérapeutiques, il est effectivement important de le poser correctement. La bonne stratégie part de la question de l'auto-immunité, et de la recherche de ses marqueurs : anticorps et typage HLA. S'il se révèle que l'on n'est pas dans un contexte auto-immun, ou si l'on est face à un enfant de moins de un an, on passe à la recherche de mutations.
De la même manière, chez un très jeune enfant traité par insuline, il faut, le cas échéant, savoir penser à un diabète d'origine génétique. L'existence de troubles neurologiques est un signe d'appel qui pointe vers le canal potassique. De même, si après un an d'insulinothérapie, les besoins en insuline restent très faibles, la question étiologique mérite d'être reposée.
D'après un entretien avec le Pr Michel Polak, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024