Vers une nouvelle indication ?

L'intérêt des statines contre la rétinopathie diabétique

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Publié le 06/02/2019
rétinopathie

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Crédit photo : Phanie

On sait que près de 200 millions de personnes diabétiques sont porteuses d’une forme plus ou moins sévère de rétinopathie diabétique (RD), nombre de sujets ayant une atteinte grave et une acuité visuelle très altérée. Cela fait du diabète une des principales causes de malvoyance ou de cécité dans le monde.

Certaines études, comme ACCORD-EYE, avaient déjà montré un lien favorable entre la prise de statine chez les diabétiques de type 2 (DT2). On notait alors, chez ces patients qui avaient en outre une hypercholestérolémie, la réduction de l’évolution vers des aggravations de RD, avec une baisse des besoins de traitements complémentaires de la RD, cet effet étant dose-dépendant.

Cette étude (1) taïwannaise vient le confirmer. Elle a examiné l’ensemble des sujets DT2 de l’unique payeur taïwanais (NHIRD). Parmi les 1 648 305 patients DT2 enregistrés dans la base de données de 1998 à 2013, 219 359 personnes au total étaient éligibles pour l'analyse, dont 199 760 patients prenant des statines et 19 599 n'en prenant pas.

Après appariement (score de propension), l'analyse a inclus 18 947 patients du groupe statine et le même nombre du groupe sans statine, avec un recul moyen de 7,6 ans et de 7,3 ans respectivement.

Un bénéfice oculaire sur plusieurs plans

Durant cette période, 10,6 % (groupe statine) et 12,0 % (groupe non-statine) des patients ont développé une RD. De façon plus précise, les hasards ratio en faveur des statines étaient de HR = 0,86 pour la RD toutes formes ; HR = 0,92 pour la RD non proliférante ; HR = 0,64 pour la RD proliférante.

Les sujets sous statine avaient, de plus, une réduction d’environ 40 % des hémorragies du corps vitré, des décollements de la rétine par traction, d’œdèmes maculaires, et une réduction de - 30 % à - 40 % des recours au laser, aux injections intravitréennes et aux vitrectomies.

On retrouve en outre dans cette cohorte moins d’évènements cardiovasculaires (- 20 %), moins de neuropathies (- 15 %) et moins d’ulcères de pied (- 27 %).

Des effets pléiotropes des statines

Cela confirme les résultats d'ACCORD-EYE, où l’association du fénofibrate aux statines faisait mieux encore (6,4 % de patients développent de RD) que statines seules (10,2 %). Des taux comparables aux 10,6 % de cette étude.

L’hypothèse est que les statines ont des effets pléiotropes, améliorant la fonction endothéliale avec une action anti-inflammatoire, anti-oxydante et antithrombotique. Il a été mis en évidence dans le vitré des taux plus bas de facteurs pro-angiogéniques, de croissance et de fibrose, etc., chez les patients atteints de RD sous statine.

On ne dispose cependant dans cette étude d’aucune donnée de glycémie, quant aux lipides ou à la pression artérielle. Cependant, pour les auteurs l’appariement strict a bien porté sur les traitements du diabète, comme de l’HTA. Il s’agit aussi d’une étude menée sur une population exclusivement asiatique.

Devrions-nous adresser cette étude aux détracteurs des statines, cela pourrait peut-être leur « ouvrir les yeux », à condition que chacun soit de bonne foi... d’autant que maintenant les statines sont toutes génériquées ! Et, concernant les bénéfices « surprises » du fénofibrate dans l’étude FIELD, les études sur cette molécule dans la RD se poursuivent.

Professeur émérite, université Grenoble-Alpes (Grenoble)
(1) Kang EYC, et al. Association of statin therapy with prevention of vision-threatening diabetic retinopathy. JAMA Ophthalmol 2019; DOI: 10.1001/jamaophthalmol.2018.6399.

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr