« C'est l'un des plus gros montants d'investissements industriels » en France, a salué le Président Emmanuel Macron. Le laboratoire danois Novo Nordisk a annoncé ce 23 novembre investir 2,1 milliards d'euros pour agrandir son site français de production à Chartres (Eure-et-Loir) en vue de répondre à l'augmentation de la demande mondiale pour les traitements antidiabétiques qui agissent aussi sur l'obésité.
Le numéro un mondial de l'insuline entend y développer sa production actuelle de cartouches et flacons et « accueillir la production de futures solutions thérapeutiques dans des maladies chroniques graves », avec l'agoniste de GLP-1 sémaglutide, commercialisé sous le nom d'Ozempic contre le diabète de type 2 et de Wegovy contre l'obésité, a-t-il expliqué dans un communiqué. Le groupe va doubler la superficie de son site français à 230 000 m2 et créer plus de 500 nouveaux emplois, qui s'ajouteront aux 1 600 déjà existants, pour assurer les activités de production 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Un projet qui devrait être finalisé en 2028.
Réindustrialisation et relance de l'export
« C’est un montant inédit pour votre entreprise, pour l’industrie pharmaceutique en France et c'est l'un des plus gros montants d'investissements industriels dans notre pays cette année », s'est félicité Emmanuel Macron aux côtés du PDG de Novo Nordisk, Lars Fruergaard Jorgensen, sur le site de l'usine à 100 kilomètres au sud-ouest de Paris. Le président français y voit une nouvelle étape dans sa politique de réindustrialisation et un atout pour « nous faire gagner la bataille de l'export » car 90 à 95 % de la production du site est exportée, a insisté le chef de l'État. Le médicament précurseur de Novo Nordisk dans l'obésité Wegovy est en effet commercialisé aux États-Unis, au Danemark, en Norvège, au Royaume-Uni et depuis peu en Suisse. Le laboratoire compte demander son remboursement en France en 2024.
Le PDG de Novo Nordisk a remercié le président et le gouvernement français pour leur « engagement » en faveur du projet. « Si l'Europe veut réaliser son ambition d'autonomie stratégique, elle doit générer des activités comme celle-ci », a-t-il pointé. Novo Nordisk est devenue la première capitalisation boursière européenne devant le géant du luxe LVMH depuis septembre, grâce au succès de ses produits dérivés utilisés contre l'obésité.
Le business de l'obésité
« L'obésité est une crise sanitaire mondiale qui met les systèmes de santé sous pression », a ajouté Lars Fruergaard Jorgensen. C'est aussi un marché commercial prometteur. Selon la Fédération mondiale, l'obésité (indice de masse corporelle supérieur à 30 kg/m2) affectera près de 2 milliards d'êtres humains d'ici à 2035.
Rien qu'aux États-Unis, Wegovy (depuis 2021) et Ozempic (depuis 2017), les deux médicaments de Novo Nordisk développés à partir du sémaglutide, devraient générer des ventes respectivement de 8,1 milliards de dollars (7,4 milliards d'euros) et de 2,1 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros) d'ici à 2031, selon un rapport de GlobalData publié en mars.
De son côté, le laboratoire américain Eli Lilly commercialise sa molécule tirzépatide sous le nom de Mounjaro pour les personnes souffrant de diabète de type 2, depuis 2022 aux États-Unis. Depuis le 8 novembre, cette molécule a été également approuvée pour traiter l'obésité, sous le nom de Zepbound aux États-Unis. Elle peut aussi être prescrite aux personnes en surpoids présentant des comorbidités (diabète de type 2, hypercholestérolémie, hypertension). Son prix : 1 060 dollars par mois (972 euros). Eli Lilly vient de son côté d'annoncer un investissement de 2,3 milliards d'euros en Allemagne pour élargir sa production.
Des espoirs et des craintes
« L'obésité ne se résume pas à manger trop et ne pas bouger assez. Cela devient au cours du temps une vraie maladie chronique avec des résistances à la perte de poids », rappelle la Pr Karine Clément, de l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et directrice de l’unité de recherche Nutrition et obésité à l'Inserm.
Les nouveaux traitements mimant l'hormone GLP-1, qui agit sur le pancréas pour favoriser la sécrétion d'insuline et qui envoie au cerveau un signal de satiété après avoir ingéré de la nourriture, suscitent de nombreux espoirs. Non sans crainte.
« On voit des effets en termes de perte de poids qu'on n'avait jamais vus avant par rapport à d'autres médicaments et qui peuvent se rapprocher de la chirurgie de l'obésité », décrypte la Pr Karine Clément. « C'est un vrai changement dans la prise en charge mais en aucun cas, cela ne guérit la maladie », souligne-t-elle, l'arrêt du traitement faisant reprendre du poids.
Alors qu'ils font l'objet de détournements (faux stylos Ozempic), ces analogues de GLP-1 « doivent être prescrits à bon escient, de façon encadrée car c'est un domaine sensible où il y a eu beaucoup d'échecs par le passé », insiste la Pr Karine Clément. Sans parler des effets secondaires : diarrhées, nausées, problèmes gastro-intestinaux. « La vraie question, c'est le très long terme. Et puis, il y a des gens qui répondent à ces traitements, d'autres pas. On ne comprend pas pourquoi ».
D'autres solutions sont en préparation dans l'industrie. « Dans les années qui viennent, on va voir arriver des combinaisons de deux ou trois hormones », indique la Pr Clément. C'est le cas du tirzépatide, qui est un double analogue de GLP-1 et de GIP. À Lyon, la biotech Adocia développe une insuline combinée à l'amyline pour « remplacer une insuline qui fait prendre du poids par une insuline qui en fait perdre » pour les personnes diabétiques de type 1.
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