Chez des patients obèses, l'inflammation préexistante, plus que la dépression elle-même, pourrait être à l'origine d'une moindre perte de poids après chirurgie bariatrique, avance une étude britannique publiée dans « Psychological Medicine » ce 31 août.
Les chercheurs du King's College de Londres ont tenté de démêler l'écheveau d'interactions entre obésité, dépression et inflammation. D'autant que les études sont contradictoires sur le fardeau de la dépression, qui touche près de la moitié des candidats à une chirurgie bariatrique (45 %). Si la perte de poids rapide semble améliorer rapidement les symptômes dépressifs, certains travaux suggèrent qu'un diagnostic préalable de dépression pourrait compromettre la réussite d'une telle opération. Quant à l'inflammation, son rôle précis dans le « cercle vicieux » entre dépression et obésité reste mal défini.
L'inflammation perdure chez les patients dépressifs
L'étude observationnelle longitudinale porte sur 85 personnes obèses opérées (âge moyen 46,5 ans), dont 41 souffraient de dépression avant la chirurgie bariatrique, les 44 autres étant des cas contrôles, tous suivis à 6 mois de leur opération.
Premier constat : les personnes souffrant de dépression avant l'opération ne perdent pas moins de poids que les cas contrôles. En revanche, l'inflammation perdure chez les premiers : six mois après l'opération, on retrouve encore chez eux des niveaux significativement plus élevés en termes de cytokines pro-inflammatoires IL-6 (moyenne ajustée de 0,56 versus 0,09) et de ratios IL-6/IL-10 (1,77 versus 0,99) ainsi qu'une tendance à l'augmentation de la protéine C-réactive (CRP) (1,26 versus 0,6).
C'est davantage un haut niveau d'inflammation à l'inclusion, mesurée par les taux de CRP, qui est prédictif d'une moindre perte de poids six mois après une chirurgie bariatrique. L'inflammation pourrait d'ailleurs être un facteur confondant dans les études, qui font ressortir un lien entre dépression (souvent liée à l'inflammation, comme on le voit aussi ici) et les résultats mitigés de la chirurgie bariatrique sur la perte de poids, est-il expliqué. « Ceux-ci chez les patients dépressifs pourraient être la conséquence d'une forte inflammation pré-opération, plus que d'une dépression préexistante per se », lit-on.
À court terme, l'inflammation n'est pas un facteur de risque de dépression
Une inflammation à l'inclusion n'était en revanche pas associée à une dépression chronique après chirurgie. Celle-ci est davantage déterminée par une forte sévérité des symptômes dépressifs préexistants, et par des antécédents d'abus émotionnels dans l'enfance.
Des résultats « cohérents avec la littérature, qui rappellent l'importance d'un soutien psychiatrique supplémentaire pour ces patients », lit-on. Les auteurs soulignent tout de même qu'une forte inflammation après l'opération chez les patients dépressifs peut précipiter une rechute des symptômes dépressifs, ce qui les rend plus vulnérables face à une éventuelle reprise de poids, à long terme, au-delà de six mois.
Prédire la perte de poids, un enjeu
« Notre étude a d'importantes implications cliniques car elle identifie des cibles spécifiques pour de futures interventions personnalisées qui pourraient améliorer les résultats en matière de santé physique et mentale après une chirurgie bariatrique », commente l'autrice principale, la Dr Valeria Mondelli, professeure de psychoneuro-immunologie au King's College de Londres. Et d'évoquer notamment des approches réduisant l'inflammation chez certains groupes de patients.
Ces travaux font écho à certaines recherches françaises. Ainsi ce 5 septembre, les équipes lilloises des Prs François Pattou (université de Lille, CHU de Lille, Inserm, Institut Pasteur de Lille) et Philippe Preux (université de Lille, Inria) vont présenter un dispositif médical numérique capable, grâce à un modèle d’intelligence artificielle, de prédire de manière personnalisée la perte de poids attendue durant 5 ans chez un patient après chirurgie bariatrique.
Du côté des causes de l'obésité elle-même, malgré 50 ans de recherche, des inconnues demeurent sur les voies métaboliques dans le cerveau et le tractus gastro-intestinal ou encore sur le poids des facteurs sociaux, rappelle un éditorial publié dans « Science » ce 31 août. « Il y a probablement des sous-types d'obésité, à prévenir et à traiter spécifiquement. Mais on ne sait pas encore comment les définir », écrit le biologiste John R. Speakman.
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