L’évolution des habitudes de sommeil et la multiplication des industries imposant un rythme travail en 3 X 8 ont conduit à étudier plus amplement les liens entre sommeil et santé. Pour connaître la réalité du sommeil dans les conditions les plus naturelles possible, des études ont été menées dans des populations non touchées par l’industrialisation, vivant selon le modèle des chasseurs-cueilleurs, au rythme de la lumière du jour et dans des habitats dépourvus de fenêtres et bien sûr d’électricité. Elles ont permis de montrer que dans ces populations, le sommeil nocturne a une durée de sept à huit heures (une heure de plus pendant l’hiver que pendant l’été), la durée variant par l’heure du coucher alors que celle du réveil reste à peu près stable. L’heure du lever, très reproductible, est associée au nadir de la température extérieure, qui est elle-même associée à la température corporelle.
Environnement et rythmes circadiens
« Ainsi, l’environnement synchronise nos comportements circadiens », souligne la Pr Anne-Laure Borel, avant de rappeler que bon nombre de nos mécanismes physiologiques suivent un rythme circadien et sont synchronisés par une horloge centrale, située au niveau hypothalamique dans le noyau suprachiasmatique. Ce dernier reçoit les informations environnementales, telles que l’alternance jour et nuit par le biais des cellules photosensibles présentes sur la rétine. Cette horloge centrale synchronise les horloges périphériques (voies métaboliques, la transcription circadienne des gènes) qui en retour exercent un feed-back sur l’horloge centrale.
Ces différentes horloges oscillent donc de manières synchronisées sur l’environnement, sur 24 heures. Certains indicateurs de temps sociaux peuvent toutefois être en contradiction avec les signaux naturels (activité ou alimentation nocturne par exemple), ce qui vient perturber ce rythme synchronisé. Si ces contradictions se répètent à long terme, elles peuvent avoir des conséquences délétères sur le métabolisme et même augmenter le risque de certains cancers.
Dette la semaine, rattrapage le week-end
Le travail posté nocturne en est l’exemple caricatural. Il entraîne une prise de poids centrale, source de diabète de type 2, d’hypertension artérielle et in fine d’événements cardiovasculaires et de certains cancers. Mais à côté de cette situation extrême, en constante augmentation, les évolutions de nos habitudes de sommeil ont aussi un impact délétère. La durée de sommeil a diminué, pour atteindre une moyenne aujourd’hui de 6 h 42, avec une durée totale inférieure à six heures chez 35,9 % des individus. En cause une heure de coucher plus tardive mais un réveil précoce pour aller au travail notamment. La conséquence est une accumulation de la dette de sommeil, surtout marquée chez les personnes ayant un chronotype tardif (les couche-tard lève-tard), et une compensation les jours chômés. Ce rattrapage entraîne un décalage horaire entre les jours travaillés et les jours non travaillés qui, s’il dépasse une à deux heures, a des conséquences métaboliques (obésité notamment) mais aussi sur l’humeur et les troubles psychiques. « C’est un peu comme si on changeait de fuseau horaire tous les week-ends », rapporte la Pr Borel, qui estime qu’il faut prendre conscience de ce phénomène au niveau de la société comme cela est le cas pour l’alimentation. De plus, contrarier son chronotype, déterminé en partie génétiquement, n’est pas sans conséquences et il est important de connaître son propre rythme afin de pouvoir adapter son sommeil.
Un vaste champ de recherches
Le champ de recherches est aujourd’hui immense. On sait que tous les comportements de vie sont interconnectés, et que par exemple la modification de la durée du sommeil a un impact sur la sensation de faim, que la pratique d’une activité physique en fin de journée peut perturber le sommeil.
Il faut donc aller vers une médecine personnalisée, fondée sur un diagnostic individuel des habitudes de vie permettant de mettre en place des mesures d’amélioration ciblées.
Des études portent actuellement sur les conséquences du confinement, qui s’accompagne globalement d’une augmentation de la durée de sommeil, d’une réduction du jet-lag social et d’un décalage vers un chronotype plus tardif.
D’après un entretien avec la Pr Anne-Laure Borel (CHU, Grenoble)
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