Les recommandations d’experts de la SFD de 2019, résumaient déjà parfaitement les connaissances au sujet des liens entre diabète et apnée du sommeil (1). D’après diverses études observationnelles, 30 % des diabètes de type 2 (DT2) ont une apnée modérée à sévère. La sévérité du syndrome d’apnées-obstructif du sommeil (SAOS) est corrélée à la prévalence du DT2, avec 20 % de DT2 chez des sujets ayant un SAOS modéré et 30 % s’il est sévère.
Au-delà de l’obésité
Il existe différents endotypes de SAOS : certains résultent de l’anatomie des voies aériennes supérieures, d’autres sont très liés à l’excès de poids, et en particulier de la graisse viscérale, au même titre que les autres pathologies comme l’HTA, la Nash, etc. Une fois présentes, on constate une potentialisation réciproque entre ces pathologies.
DT2 et SAOS partagent les mêmes facteurs de risque principaux — homme de plus de 50 ans, obésité abdominale —, mais l’apnée du sommeil majore en elle-même le risque de DT2, en augmentant l’insulinorésistance. Les SAOS constituent d’ailleurs un facteur de risque significatif et indépendant, pour la survenue incidente de DT2. Cette augmentation de l’insulinorésistance en cas de SAOS a été également retrouvée chez des patients ayant un SAOS non lié au surpoids.
Une étude a ainsi comparé 12 hommes de 18 à 30 ans, non-fumeurs, atteints de SAOS mais de poids normal, à 20 sujets sans SAOS appariés sur le risque ethnique ou familial de DT2. Les HGPO montrent que le taux d’insulinorésistance est plus élevé chez les 12 personnes sans surpoids atteintes de SAOS. « Comme l’ont prouvé de nombreuses études, l’apnée du sommeil augmente la résistance à l’insuline, même en l’absence d’obésité », explique la Pr Anne-Laure Borel (Endocrinologie, diabétologie, nutrition, CHU de Grenoble).
Un facteur de risque cardiovasculaire supplémentaire
Chez des patients atteints de SAOS, celui-ci est associé à l’apparition d’une HTA, en particulier d’une l’HTA résistante. La conjonction de l’insulinorésistance, du risque de diabète et d’HTA majore incontestablement le risque cardiovasculaire (CV).
Pour ce qui est du surrisque de développer un DT2, l’élément central est l’insulinorésistance ; les données concernant la sécrétion d’insuline sont bien plus limitées. Les mécanismes intermédiaires conduisant à l’insulinorésistance dans le SAOS passent par la fragmentation du sommeil avec limitation du sommeil profond, une hypoxie intermittente avec des cycles de désoxygénation/réoxygénation, induisant une altération de la balance sympathovagale, des modifications hormonales et métaboliques en faveur de la lipolyse, du stress oxydant et de l’inflammation de bas grade. Ces phénomènes rendent compte de l’insulinorésistance, de l’altération de l’insulinosécrétion, de la dyslipidémie, de la dysfonction endothéliale et de la rigidité artérielle. Ils expliquent le risque d’association de l’HTA et du diabète au SAOS et de manière générale augmentent le risque de complication micro- et macrovasculaires.
Dépister et/ou traiter dans le diabète ?
« Le traitement par PPC a un intérêt indiscutable pour supprimer les symptômes fonctionnels altérant notablement la qualité de vie, fatigue et somnolence diurnes, sommeil non réparateur, troubles cognitifs, parfois dépression, sans oublier le risque accidentogène. Tous ces symptômes s’améliorent considérablement sous traitement », rappelle la diabétologue. La PPC réduit un peu la PA (baisse de 4 mmHg de la PAS), surtout en cas d’HTA résistante, tend à améliorer la sensibilité à l’insuline et la variation glycémique chez le DT2.
Cependant, il n’y a pas d’arguments en faveur d’une amélioration de l’équilibre global du diabète, même si on sait que celui-ci est plus mauvais chez les personnes atteintes de SAOS. Traiter par PPC ne fait pas maigrir, et ne diminue pas l’HbA1c.
Son bénéfice sur les évènements CV reste débattu, car il n’a jamais été démontré dans les essais randomisés contrôlés. Toutefois, ces essais ont été menés chez des patients peu sévères et peu compliants pour la PPC, portée seulement autour de trois heures par nuit. Or, les études de cohorte montrent que plus le patient est observant pour la PPC, plus on observe une baisse des complications CV ; mais il reste difficile de conclure : soit sur un effet réel de la PPC, soit sur un profil particulier de ces patients plus compliants, sans doute aussi à la prise en charge médicamenteuse et au changement du mode de vie.
Toutefois, une méta-analyse récente montre que la PPC réduit la mortalité CV mais aussi la mortalité de toute cause quand on analyse conjointement les études de cohortes et les essais randomisés (2).
On pourrait être tentés de ne traiter que les personnes ayant des troubles respiratoires du sommeil symptomatiques, mais on sait aussi que certains patients, sans plainte fonctionnelle initiale, chez qui le SAOS a été dépisté de façon systématique, se disent considérablement améliorés par la PPC. D’où le débat pour savoir s’il faut ne dépister et traiter que ceux qui ont des symptômes et des troubles respiratoires du sommeil avérés, ou dépister des populations à risque de manière un peu systématique, comme les patients diabétiques ou les sujets dont l’IMC est supérieur à 35. « Dans ce cas, il paraît pertinent au minimum de mettre en place un test thérapeutique par PPC, en l’arrêtant chez ceux qui la supportent mal ou n’en ressentent aucun bénéfice », suggère la diabétologue. Le dépistage doit aussi être proposé en cas d’antécédent d’AVC, qui sont favorisés par le SAOS, du fait du phénomène de non-dipping de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque nocturne.
Les orthèses d’avancée mandibulaire ont montré leur intérêt chez ceux qui ne supportent pas bien la PPC, dans les apnées modérées plus que dans les SAOS sévères. En cas d’IAH compris entre 15 et 30 événements/heure, qui constitue une indication de traitement en cas d’antécédents d’AVC ou de comorbidité CV grave, l’orthèse est ainsi parfois préférée à la PPC.
Si un meilleur équilibre glycémique est indispensable pour limiter les complications, il faut noter qu’il n’améliore en revanche pas le SAOS. La question de l’implication d’une éventuelle neuropathie diabétique pharyngée dans les apnées du sommeil s’était posée, mais elle n’a jamais fait l’objet d’études à ce jour.
Prise en charge du surpoids
La perte de poids permet d’améliorer le SAOS, tout comme le DT2. La chirurgie bariatrique améliore beaucoup les SAOS mais, selon la sévérité, ne permet pas toujours d’arrêter la PPC, ni de supprimer complètement le traitement d’un diabète ancien.
Les données récentes de Surmount-OSA, menée avec le tirzépatide, premier double agoniste des récepteurs du GIP et du GLP-1, montrent son efficacité chez des patients SAOS non diabétiques (3). Le tirzépatide a été testé vs placebo, associé ou non à la PPC. La perte de poids, de 17 %, a permis de réduire très significativement la sévérité du trouble respiratoire nocturne avec, dans le groupe tirzépatide, une réduction de l’IAH de 25 évènements/heure et la moitié des patients en rémission. « Soit une avancée majeure dans la prise en charge des SAOS qui, en jouant sur l’obésité, améliore aussi l’inflammation de bas grade, l’HTA, et le métabolisme glucido-lipidique », souligne la spécialiste.
(1) réalisées avec la participation de la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS) et de la Société de pneumologie de langue française (SPLF).
Médecine des Maladies Métaboliques, Volume 12, Supplement 1, septembre 2018, Pages S1-S21
Rev Mal Respir. 2018 Dec;35(10):1067-1089
(2) Benjafield, Adam V et al. Lancet Respir Med. 2025 May;13(5):403-413
(3) Atul Malhotra, et al. N Engl J Med. 2024 Oct 3;391(13):1193-1205
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