Régimes alimentaires des enfants

Stop à l’adultomorphisme !

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Publié le 18/02/2022
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Les craintes liées aux erreurs alimentaires commises chez l’adulte ne doivent pas guider l’alimentation des enfants, a plaidé le Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition pédiatrique (hôpital Trousseau, Paris) lors d’une conférence du Fonds français pour l’alimentation & la santé (1).
Le nourrisson a besoin de gras

Le nourrisson a besoin de gras
Crédit photo : phanie

 

Les enfants ont des besoins nutritionnels qui ne sont pas ceux d’un « adulte en miniature ». Les problématiques des adultes — risque d’obésité, d’insuffisance rénale, de cancer digestif, etc. — n’entrent pas en jeu.

Avant 3 ans

S’il existe un consensus sur l’intérêt de la précocité de la diversification alimentaire (entre 4 et 6 mois chez tout nourrisson), attention à ne pas projeter certaines craintes de l’adulte — comme la peur du surpoids — sur le tout-petit. « La peur de manger trop gras ne s’applique pas aux nourrissons, car le gras est indispensable au développement de leur cerveau. Les apports en lipides devraient ainsi représenter au moins 40 % des apports énergétiques totaux entre 6 et 12 mois, raison pour laquelle il faut rajouter de la graisse (sous toutes ses formes) dans les plats salés du nourrisson, qu’il s’agisse de repas maison ou de petits pots. Quoi mettre ? Du beurre ou une huile bien équilibrée en oméga 3 et 6, comme l’huile de colza. Cette dernière est plus intéressante que l’huile d’olive préconisée chez les adultes pour ses atouts cardiovasculaires », a rappelé le Pr Tounian.

Diversifier ne veut pas dire abandonner le lait, bien au contraire. De 6 à 12 mois, le nourrisson doit conserver au moins trois biberons ou tétées pour assurer ses besoins en acides gras essentiels et en fer (les enfants majoritairement allaités après 6 mois doivent être supplémentés en fer car le lait maternel n’en apporte pas assez). Après 12 mois, le lait de croissance permet encore de couvrir les besoins en fer (0,7 mg/j). Il est ainsi recommandé jusqu’à 3 ans ou plus : jusqu’à ce que l’enfant consomme de 100 à 150 g de produit carné par jour. C’est essentiel, car une carence en fer est associée à des défauts du développement cérébral irréversible. Pour les végétaliens, il existe des préparations infantiles à base de riz : il faut en donner 700 ml/j de 6 à 12 mois, puis 500 ml/j et ce, sans limite d’âge, puisque ces enfants ne consomment pas de viande.

La viande hachée mal cuite ou les produits laitiers non pasteurisés sont à bannir avant 5 ans en raison d’un risque, rare, mais grave : le syndrome hémolytique et urémique. « Si les produits carnés ne sont pas nécessaires, tant que le nourrisson prend bien ses 3 biberons ou tétées par jour (pour le fer), il n’y a non plus de nécessité à limiter les apports en protéines : ils ne sont pas associés à un risque d’obésité ou d’insuffisance rénale ultérieur », rappelle le Pr Tounian.

De 3 à 17 ans

Les risques d’adultomorphisme sont encore plus élevés chez l’enfant plus grand. Alors que la viande en excès a mauvaise réputation chez l’adulte, « il n’y a pas de risque démontré chez l’enfant : en particulier, pas de risque accru de cancer du côlon ou d’insuffisance rénale », a insisté le Pr Tounian. Avec un produit carné deux fois par jour, les besoins en fer sont couverts. Pour ceux qui ne consomment pas de viande, un dosage de la ferritinémie et, si besoin, une supplémentation s’imposent. « Chez les adolescents végétaliens, il y a souvent besoin de supplémenter en fer, en calcium, en vitamine D, B12 et en DHA (disponible dans les produits à base d’algues)»

Quant à l’épineuse question des 5 fruits et légumes par jour, qui fait trembler bien des parents, car difficile à suivre en pratique, le Pr Tounian s’est voulu rassurant : « cette recommandation vient d’une étude menée chez des adultes de plus de 35 ans, retrouvant un effet protecteur contre le cancer du côlon chez l’homme. Il n’y a aucune étude prouvant l’intérêt de faire pareil chez l’enfant, chez qui on ne voit pas de carence en fibres, en antioxydants ou en vitamine B9, avec un seul végétal frais par jour ».

Exergue : 5 fruits et légumes par jour : l’intérêt la recommandation qui fait le cauchemar des parents n’est pas prouvé en pédiatrie

(1) Conférence de la FFAS « Enfants et adolescents de 0-17 ans : quelles recommandations nutritionnelles suivre ? », 8 fév 22

Dr Nathalie Szapiro

Source : lequotidiendumedecin.fr