PAR LE Pr DOMINIQUE TURCK*
L'ÉTUDE DE l’OMS s’est déroulée de 1997 à 2003 dans six pays très différents (Brésil, États-Unis, Ghana, Inde, Norvège, Oman). De la naissance à 2 ans, les standards de croissance ont été élaborés grâce au suivi longitudinal de 882 enfants vivant dans des conditions favorables à la croissance : pas de facteur de santé ou d’environnement ayant un effet négatif sur la croissance, mère non fumeuse et acceptant de suivre les recommandations de l'OMS (allaitement exclusif ou prédominant pendant au moins 4 mois, diversification alimentaire à 6 mois, et poursuite de l'allaitement jusqu'à au moins 12 mois), grossesse non gémellaire et absence de pathologie notable.
De 2 à 5 ans, les standards ont été élaborés par l’étude transversale de 6 669 enfants ayant bénéficié d’un allaitement, exclusif ou non, d’une durée minimale de 3 mois. Les percentiles et les Z-scores des indices poids/âge, taille/âge, poids/taille et masse corporelle/âge ont été calculés pour les garçons et les filles âgés de 0 à 60 mois et publiés en avril 2006 (www.who.int/childgrowth/en).
Aspects innovants.
Les standards de l’OMS intègrent l'allaitement au sein comme la norme physiologique et l'enfant allaité comme un modèle de croissance et de développement. L’échantillon issu de six pays a permis de constituer une norme internationale et de montrer que les enfants qui sont dans un environnement favorable et sont nourris suivant les recommandations de l’OMS ont jusqu’à l’âge de 5 ans une croissance en poids et en taille étonnamment identique à travers le monde malgré la diversité ethnique et socio-économique des populations.
Faut-il utiliser les standards de l’OMS en France ?
Les courbes françaises actuellement utilisées ont été obtenues à partir du suivi de 588 enfants depuis leur naissance (pour la plupart durant les années 1953-1954) jusqu’à l’âge adulte, recrutés suivant les critères suivants :
- parents d’origine française et métropolitaine, habitant la région parisienne ;
- poids de naissance compris entre 2?500 et 4?700 gr ;
- absence de malformations.
Le mode d’alimentation ne constituait pas un critère de recrutement.
À la naissance, les références françaises sont analogues aux standards OMS. En revanche, d’importantes différences apparaissent dès les premiers mois de vie (Figure 1). De 1 à 6 mois, toutes les valeurs françaises (taille, poids, indice de corpulence) sont inférieures à celles des standards OMS. La différence atteint - 0,80 Z-score à 1 mois. Les valeurs françaises de la taille restent plus basses que celles de l’OMS jusqu’à 5 ans. Après l’âge de 6 mois, les valeurs françaises du poids se rapprochent des valeurs OMS, les dépassent légèrement à partir de 9 mois jusqu’à 2 ans, et deviennent ensuite inférieures jusqu’à l’âge de 5 ans (- 0,30 Z-score). Les valeurs françaises de la corpulence rejoignent les standards OMS à 6 mois, puis les dépassent, avec une différence maximale de + 0,80 Z-score à 18 mois, qui s’amenuise ensuite jusqu’à 5 ans.
Ces observations sont similaires dans les deux sexes et ont été constatées dans d’autres pays (Royaume-Uni, Pays-Bas, États-Unis).
Les différences observées entre les références françaises et les standards de l’OMS peuvent s’expliquer par les dates de recueil des données (étude OMS débutée plus de 40 ans après l’étude française), par les caractéristiques géographiques des populations et les modes d’alimentation, l'allaitement étant exclusif ou prédominant pendant au moins 4 mois dans l’étude OMS, alors que de nombreux nourrissons n’étaient pas allaités dans l’étude de référence française.
L'adoption des standards de l’OMS augmenterait donc le nombre de nourrissons ayant de 1 à 6 mois de vie une croissance moins rapide que celle indiquée par les courbes françaises. Il faut souligner que ces nourrissons, s'ils sont allaités, ne devraient pas pour autant recevoir systématiquement une supplémentation avec des formules infantiles et que leurs mères devraient être aidées pour optimiser leur allaitement. L’adoption des standards conduirait à une augmentation du nombre d’enfants dans la catégorie « petite taille » à tout âge et dans la catégorie « surpoids » après l’âge de 6 mois.
À ce jour, plus de 100 pays ont adopté les standards de l’OMS. Il devrait en être rapidement de même en France, pour optimiser le suivi de la croissance des jeunes enfants.
*Département de Pédiatrie, h'ôpital Jeanne-de-Flandre et Faculté de médecine, Université de Lille 2.
Références
1.de Onis M, Garza C, Onyango AW, le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie. Les standards de croissance de l’Organisation mondiale de la santé pour les nourrissons et les jeunes enfants. Arch Pédiatr 2009 ; 16 : 46-53.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024