PAR LE Pr CHRISTOPHE BAILLARD*
L’OBJECTIF DE LA préoxygénation est d’augmenter les réserves en oxygène de l’organisme afin d’éviter une hypoxémie au cours de l’intubation et ses conséquences au niveau tissulaire. En 1984, Drummond et Park ont montré qu’en l’absence de préoxygénation, la SpO 2 chute à 85 % une minute après l’induction anesthésique et que cette désaturation peut être prévenue par des manuvres simples d’oxygénation préalable.
Les réserves en oxygène de l’organisme sont pulmonaire, plasmatique, globulaire et tissulaire. Elles sont spontanément modestes compte tenu de la faible teneur en oxygène de l’air et ne permettent pas de maintenir une oxygénation suffisamment prolongée lors de l’apnée.
La réalisation d’une préoxygénation est recommandée dans la conférence de consensus de 2002 sur « La prise en charge des voies aériennes de l’adulte (question 3) » et, plus récemment, dans la conférence d’experts de 2006 sur l’« Intubation difficile (question 2) ».
En faisant respirer au patient de l’oxygène pur, c'est-à-dire une fraction inspirée en oxygène de 100 % (FiO2 = 1), on augmente très significativement les réserves en oxygène de l’organisme. La préoxygénation permet de les multiplier par trois, plus des deux tiers étant localisées dans la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF). La CRF est le principal réservoir d’oxygène, celui-ci étant, pour un volume donné, proportionnel à la FAO 2. L’oxygénation pulmonaire ou dénitrogénation est mesurée par la fraction expirée d’oxygène (FEO 2) à l’aide d’analyseurs à réponse rapide. Le critère d’oxygénation pulmonaire optimale retenu est une FEO 2 › 90 %. L’intérêt du monitorage de la FEO 2 est de valider de façon objective que « le pleinen oxygène » du réservoir principal, la CRF, est fait. L’utilisation de ce monitorage lors de la préoxygénation fait l’objet de recommandations professionnelles.
Le premier objectif est d’assurer la délivrance d’une FiO 2 = 1. Le masque facial doit être parfaitement appliqué sur le visage. En effet, l’admission d’air ambiant réalisée par une interface masque-visage non étanche altère très significativement la FIO 2 délivrée au patient et compromet l’efficacité de la préoxygénation. C’est la technique décrite par Hamilton et Eastwood chez le sujet sain en 1955 qui prévaut encore aujourd’hui : utilisation de la ventilation spontanée pendant 3 minutes en oxygène pur permettant une dénitrogénation complète. Depuis, de nombreuses études ont validé la méthode en situation clinique, en termes de dénitrogénation et de durée de tolérance à l’apnée évaluée par la SpO2 : 4 à 5 minutes pour observer une diminution de la SpO 2 à 95 % [21-25] et jusqu'à près de 7 minutes pour atteindre une SpO 2 de90 %.
Afin d’améliorer la tolérance du patient et/ou de répondre à une situation d’urgence absolue, la possibilité de réduire la durée de la préoxygénation a été évaluée en utilisant la manuvre en respiration profonde (capacité vitale [CV]). Il s’agit de demander au patient d’inspirer et d’expirer profondément à raison de 8 cycles respiratoires par minute. La manuvre en respiration profonde maintenue pendant au moins une minute (8 CV/60 s) semble au moins équivalente à 3 minutes de ventilation spontanée. Les données cliniques sont néanmoins insuffisantes pour recommander cette approche en remplacement de la méthode de référence. Toutefois, dans les situations, heureusement rares, où chaque minute passée au cours de la préoxygénation engage le pronostic vital, la manuvre en respiration profonde maintenue pendant une minute (8 CV/60 s) doit être envisagée.
Chez l’obèse.
Après induction anesthésique, la CRF est réduite d’environ 50 % chez l’obèse morbide (indice de masse corporelle [IMC] › 40 kg/m 2). Plusieurs travaux ont confirmé l’existence d’une diminution significative de la durée de tolérance à l’apnée et montrent que celle-ci est corrélée avec l’IMC. Ainsi, pour un IMC moyen de 22, 32 et 43 kg/m 2, la tolérance à l’apnée (SpO 2 ≥ 90 %) est de seulement 6, 4 et 2 minutes respectivement. La diminution du temps nécessaire à la dénitrogénation alvéolaire observée en raison de la réduction de la CRF est un redoutable piège pour le praticien inexpérimenté. En effet, l’obtention rapide d’une FEO2›90 % peut conduire à interrompre prématurément la préoxygénation ce qui aurait pour conséquence de réduire encore la durée de tolérance à l’apnée.
Chez le sujet présentant une obésité morbide, l’application d’une PEP de 10 cmH 2O (10 minutes) réduit très significativement les atélectasies, améliore l’oxygénation artérielle et augmente la durée de tolérance à l’apnée. Une autre équipe ne retrouve pas d’amélioration significative de la durée de tolérance à l’apnée lorsqu’une pression positive continue de 7,5 cmH 2O est appliquée pendant les 3 minutes de préoxygénation. Plus récemment, l’équipe de S. Jaber a montré que la FEO 2 et la PaO 2 étaient améliorées après 5 minutes de préoxygénation utilisant une aide inspiratoire (AI) de 8-10 cmH 2O + PEP de 6 cmH 2O sans toutefois apporter de bénéfice sur la durée de tolérance à l’apnée (SpO 2 ≥ 95 %).
Chez l’obèse (IMC moyen 35 kg/m 2) et sous anesthésie générale, la mise en position proclive permet de doubler la CRF et d’améliorer significativement la PaO 2. La PaO 2 et la durée de tolérance à l’apnée sont significativement améliorées après une préoxygénation réalisée en position proclive assise ou à 25°.
Chez la parturiente à terme.
Une diminution du temps nécessaire à la dénitrogénation alvéolaire est observée en raison de la réduction progressive de la CRF au cours de la grossesse. À la réduction de la CRF s’associe une augmentation de la consommation en oxygène, deux facteurs prédictifs d’une mauvaise tolérance à l’apnée alors que la PaO 2 maternelle est aussi un déterminant essentiel de l’oxygénation du nouveau-né. L’efficacité de la préoxygénation chez la parturiente est limitée. Durant l’apnée suivant 3 minutes de préoxygénation, la chute de la SpO 2 à 95 % est atteinte plus rapidement selon que la femme présente ou non une grossesse à terme. Une seule étude a comparé la manuvre en respiration profonde maintenue pendant 30 secondes (4 CV/30 s) à la méthode de référence. La durée de tolérance à l’apnée (SpO 2 = 93 %) est identique avec les deux méthodes. Aucune étude à ce jour n’a pu mettre en évidence une procédure permettant d’allonger la durée de tolérance à l’apnée.
*Unité de surveillance continue-réanimation, hôpital Avicenne, Bobigny.
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