« Un inhibiteur de SGLT2 réduit la mortalité des insuffisants cardiaques, diabétiques ou non »

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Publié le 20/09/2019

Pour la première fois, un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2, la dapagliflozine, réduit significativement, versus placebo, la mortalité cardiovasculaire et totale chez les patients, diabétiques ou non, présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite. Explications, avec le Pr Michel Galinier, de l’étude DAPA-HF présentée au congrès de l’ESC.

Crédit photo : DR

« Les inhibiteurs sélectifs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) ont fait l'objet de grandes études dans le diabète, montrant une diminution de 30 % environ des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (IC) et justifiant la mise en place d'une dizaine d'essais chez les patients présentant, ou non, un diabète », explique le Pr Michel Galinier, chef du service de cardiologie au CHU de Toulouse. Le bénéfice observé avec les anti-SGLT2 semblerait indépendant de la baisse de la glycémie et pourrait être dû à l'action diurétique de ces molécules ou à leurs effets cardiologiques protecteurs.

Premiers résultats des anti-SGLT2 dans l'IC

L'étude internationale de phase III, DAPA-HF, a été présentée le 1er septembre au congrès de l'European Society of Cardiology (ESC). Elle a évalué la dapagliflozine (Forxiga, 10 mg/jour) par rapport à un placebo, chez 4744 patients avec une IC à fraction d'éjection réduite (IC-FEr ; FEVG ≤ 40 %) et présentant, ou non, un diabète de type 2 (48 % de diabétiques et 52 % de non diabétiques). La dapagliflozine était administrée en complément du traitement de référence, comprenant des inhibiteurs de l'enzyme de conversion/antagonistes des récepteurs II de l'angiotensine/inhibiteurs de la néprilysine (pour 94 % des patients), des béta-bloquants (chez 96 % des patients) et des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (71 % des patients). Le critère principal d'évaluation était composé des décès cardiovasculaires et des évènements cardiaques aiguës (hospitalisation ou consultation en urgence due à l'IC).

Une réduction de 17 % de la mortalité totale

Après un suivi médian de 18,2 mois, les résultats ont montré une diminution de 26 % du critère primaire avec la dapagliflozine par rapport au placebo (16,3 % dans le groupe dapagliflozine versus 21,2 % dans le bras placebo ; HR=0,74 ; p<0,00001). L'analyse séparée des composants du critère principal a mis en évidence une réduction de 18 % des décès cardiovasculaires (9,6 % versus 11,5 % ; HR=0,82 ; p=0,029) et de 30 % des évènements cardiaques aiguës (10% versus 13,7% ; HR=0,70 ; p<0,00004). « Cette molécule fait son entrée parmi les traitements de référence car elle diminue de 17 % la mortalité totale (p=0,022), ce qui est rare dans les études sur l'IC. La dernière fois remonte à 5 ans dans l'étude PARADIGM, où la réduction était de 14 % », précise le Pr Galinier.

L'analyse en sous-groupe a mis en évidence un bénéfice identique que les patients soient diabétiques ou non. La tolérance était satisfaisante, sans effets indésirables supplémentaires chez les patients sous dapagliflozine. Aucune différence significative n'a été rapportée entre les deux groupes concernant l'hypotension (7,5 % versus 6,8 %) et le dysfonctionnement rénal (6,5 % versus 7,2 %). Peu fréquentes, les fractures et amputations étaient également observées de façon équivalente entre les deux bras.

Vers un bouleversement des pratiques françaises ?

« C'est une révolution thérapeutique ! s'enthousiasme le Pr Galinier. Nous espérons que cette molécule, déjà disponible dans d'autres pays européens, sera bientôt à notre disposition en France pour pouvoir en faire bénéficier nos patients ».

Dans 2 ou 3 ans, ces résultats changeront aussi sûrement les recommandations qui devront inscrire la dapagliflozine dans l'arsenal thérapeutique de l'IC. Mais à quel moment faudra-t-il l'utiliser ? « Au regard du design de l'étude, probablement en deuxième ligne, suppose le cardiologue. Avec le bénéfice observé sur la mortalité, elle devrait être administrée assez tôt dans l'évolution de la maladie, en association aux traitements de référence. C'est un diurétique intelligent qui n'entraîne pas d'hypokaliémie, ni d'hyperuricémie, ni d'hypotension orthostatique significative. Ce serait dommage de s'en priver ! ».

D'après l'interview du Pr Michel Galinier, chef du service de cardiologie au CHU de Toulouse, au congrès de l'ESC le 3 septembre 2019.

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr