Dans la cellule bêta du pancréas endocrine, la glucokinase (GK) est une enzyme clé du contrôle de l’insulinosécrétion en réponse au glucose. Elle catalyse la phosphorylation du glucose en G6P. Le flux glycolytique aboutit à la production d’ATP qui joue un rôle clé dans la sécrétion d’insuline. Il existe par exemple une forme de diabète monogénique, le MODY 2, dans lequel une mutation inhibe partiellement la GK, une élévation modérée chronique de la glycémie s’ensuit, permettant d’assurer une sécrétion d’insuline mais à un seuil glycémique plus élevé que chez le sujet normal.
La GK est également présente dans les hépatocytes. Elle GK participe à la captation postprandiale du glucose et à son stockage sous forme de glycogène. Ces fonctions sont réduites chez les MODY2 et la production hépatique de glucose augmentée. Chez des patients avec DT2, on décrit une diminution de l’expression et de l’activité de la GK.
En somme, l’administration d’un activateur double de la GK permettrait de corriger à la fois le trouble pancréatique et hépatique et l’homéostasie du glucose. La recherche de tels activateurs est, depuis plusieurs années, une piste prometteuse de recherche thérapeutique. Toutefois semée de déboires : ces activateurs, qu'ils ciblent le foie seul ou soient à double action, se sont accompagnés d’effets indésirables dans des études portant sur des DT2 : hypoglycémies, élévation des triglycérides et élévation de la pression artérielle.
Trouble pancréatique, hépatique et homéostasie du glucose
Les travaux se sont poursuivis et une publication récente prometteuse rapporte des données d’une étude de phase 2 utilisant la dorzagliatine, un nouvel activateur de GK administrée à 4 doses différentes. Ont été inclus des sujets chinois avec DT2 « récent », hommes et femmes représentatifs des DT2 habituellement suivis (cependant IMC < 30 kg/m2), soit naïfs de tout antidiabétique soit seulement sous une monothérapie metformine ou un inhibiteur des alphaglucosidases (interrompu lors d’une phase de run-in).
La randomisation a concerné des patients ayant une HbA1c entre 7,5 et 10,5 % et une glycémie à jeun (GAJ) entre 1,26 et 1,40 g/L. Ainsi, 258 patients (50 par groupes environ) ont reçu soit un placebo, soit 75 mg, soit 100 mg 1/jour, soit 50 mg 2 fois/jour, soit 75 mg 2 fois/jour de dorzagliatine.
Après 12 semaines de traitement, l'HbA1c a diminué de 0,35 % dans le groupe placebo, 0,39 % dans le groupe 1x75 mg, 0,65 % sous 1X100 mg, 0,79 % sous 2x50mg et 1,12 % [– 1,39 ; – 0,86] sous 2x75 mg. Soit – 0,77 % [– 1,11; – 0,43], p < 0,0001, versus placebo dans ce dernier groupe. 44 % ont atteint HbA1c ≤ 7 %.
Ces effets sur l’HbA1c semblent d’abord la conséquence d’une réduction des glycémies post-prandiales, ce qui est logique avec cette classe, et pratiquement pas des GAJ.
Chez les patients totalement naïfs de tout traitement (n = 103), l'HbA1c était plus significativement réduite vs placebo par exemple – 1,21 % [– 1,62; – 0,81], p = 0,0002, dans le groupe 2x75 mg.
Le poids des patients est en moyenne resté stable sous traitement. La tolérance de la dorzagliatine a été excellente, avec principalement très peu d’hypoglycémies, complication particulièrement surveillée avec cette classe, une seule valeur < 0,55 g/L aux plus fortes doses et aucune hypoglycémie sévère. Autre élément rassurant : l’absence d’effet indésirable biologique sur les paramètres hépatiques et les triglycérides.
Une corde de plus à l'arc ciblant la physiopathologie
Néanmoins l’étude a porté sur des sujets DT2 ayant un diabète très récent (< 4 ans), de plus exclusivement chinois, et l’absence de groupe recevant une autre classe thérapeutique (par exemple de la metformine) ne permet pas de se faire une idée de la puissance réelle de ce traitement.
Il faudra encore bien d’autres études avant de voir cette classe émerger et peut-être figurer dans la panoplie thérapeutique du DT2, déjà riche aujourd’hui. Cependant il est possible que, compte tenu de l’impact très spécifique de cette classe dans la physiopathologie des DT2, elle puisse trouver une place, surtout en association à d’autres antidiabétiques agissant sur de tout autres cibles de la pathogénie complexe et hétérogène des DT2. Donc pas de quoi pavoiser, ni être sceptique à l’excès !
Professeur émérite à l'université Grenoble-Alpes, Grenoble
(1) Zhu D, et al. Dorzagliatin monotherapy in Chinese patients with type 2 diabetes: a dose-ranging, randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 2 study. Lancet Diabetes Endocrinol 2018 May 4. pii: S2213-8587(18)30105-0. doi: 10.1016/S2213-8587(18)30105-0et
(2) Editorial de Scheen AJ. New hope for glucokinase activators in type 2 diabetes? Lancet Diabetes Endocrinol. 2018 May 4. pii: S2213-8587(18)30133-5.
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