Une longue histoire que celle des bénéfices potentiels des acides gras poly-insaturés oméga-3 sur le risque cardiovasculaire. « Sur le plan fondamental, les effets positifs des oméga-3 sont parfaitement démontrés, que ce soit dans des études in vitro ou dans des essais sur des modèles animaux, rappelle le Pr Jean Ferrières. Effets anti-inflammatoires, antithrombotique, anticoagulant, antiarythmique, baisse des lipides… Mais ils sont sans traduction clinique évidente ».
Supplémenter les carences en EPA et DHA
En prévention primaire, globalement, la supplémentation en oméga-3 n'apporte pas de réel gain chez les patients bien équilibrés sur le plan nutritionnel. Tel est le constat après les deux grandes études publiées en 2018, ASCEND (1), menée chez des diabétiques indemnes de maladie cardiovasculaire, et VITAL (2), qui avait inclus quelque 25 000 hommes et femmes de plus de 50 et 55 ans respectivement. « La supplémentation en oméga-3 n'a d'intérêt que chez les personnes carencées en EPA (acide eicosapentaénoïque) et en DHA (acide docosahexénoïque) », précise le Pr Ferrières.
Une réduction de 25% du risque cardiovasculaire
Autre publication récente, celle de l'étude REDUCE-IT qui a inclus plus de 8 000 patients à haut risque (maladie cardiovasculaire établie dans 70 % des cas, diabète ou autre facteur de risque) qui présentaient un taux élevé de triglycérides mais dont le taux de LDL-cholestérol était compris entre 0, 41 et 1 g/L sous statines. Chez ces patients ayant un profil de risque particulier, la supplémentation par un ester d'EPA à forte dose (4 g/j), s'est accompagnée d'une réduction de 25 % du risque d'événement cardiovasculaire majeur. « Ceci correspond tout à fait à ce que nous faisons en pratique depuis longtemps chez nos patients ayant des taux élevés de lipoprotéines riches en triglycérides ou de remnants de cholestérol, qui sont particulièrement athérogènes, souligne le Pr Ferrières. On attend pour la fin de l'année les résultats de l'étude STRENGTH, au design un peu comparable, qui porte elle aussi sur une large cohorte de quelque 13 000 patients », poursuit le Pr Ferrières qui rappelle que les praticiens sont en fait assez démunis chez ces sujets à risque. Selon les recommandations de la Société européenne de cardiologie, les fibrates sont préconisées chez les patients ayant un taux de triglycérides compris entre 2 et 5 g/L et un LDL-cholestérol à l'objectif lorsque le risque cardiovasculaire est élevé ou très élevé et le HDL-c bas (< 0,40 g/L chez l'homme et < 0,50 g/L chez la femme). « Des critères assez stricts donc, ce qui explique l'intérêt porté aux oméga-3, qui sont globalement bien tolérés, note le Pr Jean Ferrières. Mais en dehors de ce cadre, leur place est donc très restreinte chez nos patients qui sont aujourd'hui très bien traités par ailleurs ».
D'après un entretien avec le Pr Jean Ferrières, Fédération de cardiologie et INSERM UMR 1027, CHU Toulouse
(1) Bowman L et al. N Engl J Med. 2018 Oct 18;379(16):1540-50.
(2) Manson JE et al. N Engl J Med. 2019 Jan 3;380(1):23-32.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024