Le Quotidien du Médecin : Quelle hypothèse diagnostique évoquer en priorité chez un patient suspect de reflux gastrique œsophagien (RGO), non répondeur aux IPP ?
Pr Frank Zerbib : la première cause d’échec du traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) est l’absence de reflux ! Interrogeons les patients. Différencions symptômes atypiques (ORL, respiratoires, etc.) et symptômes typiques (régurgitations acides, pyrosis). Un pyrosis, est une brûlure rétrosternale ! Si la brûlure est uniquement épigastrique ou pharyngée, la probabilité de reflux est minime. Retenons qu’un authentique reflux est peu probable chez un patient qui n’a pas de symptôme typique et ne répond pas aux IPP, surtout s’il n’a pas d’œsophagite.
Comment explorer le reflux en cas de non-réponse aux IPP ?
Le traitement de première intention d’un patient suspect de RGO est représenté par les IPP. En cas d’échec du traitement empirique, le Consensus de Lyon 2018 (groupe d’experts internationaux) [1] invite à préciser le phénotype du patient pour guider la conduite à tenir. Car si la chirurgie peut se discuter en cas de reflux documenté résistant au traitement, elle est à éviter en cas de troubles fonctionnels œsophagiens.
En pratique, l’endoscopie documente le reflux en cas d’œsophage de Barrett à long segment ou d’œsophagite peptique significative (grade C ou D de la classification de Los Angeles, les grades A et B pouvant être asymptomatiques). Si le reflux n’est pas prouvé à l’endoscopie, une exploration ambulatoire est indiquée sans traitement et par PH-métrie ou impédancemétrie ; s’il a été préalablement prouvé par endoscopie ou pH-métrie l’exploration est faite sous IPP, par impédancemétrie uniquement.
Le Consensus de Lyon définit le reflux pathologique certain au-delà de 6 % d’exposition acide en PH-métrie et de 80 reflux en impédancemétrie. Il assure l’absence certaine de reflux pathologique en dessous de 4 % d’exposition acide et de 40 reflux. Il laisse une zone grise d’incertitude (PH-métrie entre 4 % et 6 %, impédancemétrie entre 40 et 80 reflux).
Un nombre de reflux normal, ou une exposition acide faible, doit faire étudier la corrélation symptômes/reflux (tests d’index symptomatique ou de probabilité d’association symptomatique). Une association positive entre des reflux et les symptômes montre l’hypersensibilité au reflux.
Quatre phénotypes sont individualisés, de sévérité croissante : le pyrosis fonctionnel (ni reflux, ni œsophagite, ni association reflux/symptômes), l'hypersensibilité au reflux, le reflux pathologique avec exposition acide élevée sans lésion endoscopique significative (non érosive reflux disease) et le reflux prouvé avec lésions muqueuses significatives.
Quel traitement au long cours conseiller ?
Les patients répondeurs aux IPP avec symptômes typiques répondent mieux à la chirurgie que ceux résistants aux IPP de tous phénotypes, surtout si les symptômes sont atypiques.
Entre chirurgie et IPP l’efficacité sur les symptômes est équivalente, avec un léger avantage de la chirurgie sur le contrôle du reflux et la qualité de vie à court et moyen terme. Cas particulier, en cas d’incompétence du sphincter de l’œsophage des régurgitations non acides persistent sous IPP et répondent bien à la chirurgie (sauf achalasie, éliminée par manométrie).
En faveur de la chirurgie, certains avancent de potentiels risques des IPP au long cours : ostéoporose, troubles cardiovasculaires ou métaboliques, insuffisance rénale, pneumopathies, Alzheimer, carences en vitamine B12, magnésium, calcium. À ce jour, seul l’hypomagnésémie (patients sous diurétiques ou insuffisants rénaux) et les colites infectieuses (sujets âgés, cirrhotiques) sont avérées.
Chez un patient très bien soulagé par les IPP, pesons la balance bénéfice/risque entre les risques non avérés pour la plupart des IPP et les risques avérés de la chirurgie : mortalité non nulle (> 0,1 %), séquelles fonctionnelles (5-10 %, douleurs, diarrhée, dyspepsie, flatulences 50-60 %). Et vérifions l’absence de mésusage des IPP et leurs modalités de prise car dans certains cas, traiter à la demande suffit.
(1) Gyawali CP et al. Modern diagnosis of GERD: the Lyon Consensus, Gut. 2018;67(7):1351-62.
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