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Congrès

Hépato-gastro : objectif prévention

Par Hélène Joubert - Publié le 19/04/2021
Hépato-gastro : objectif prévention


Des bonnes pratiques alimentaires à même de diminuer le risque de cancer digestifs ou de MICI aux nouvelles recommandations pour un dépistage plus large de la stéatopathie hépatique non alcoolique, le congrès annuel de la Société française d’hépato-gastro-entérologie (JFHOD, 18-21 mars) a fait la part belle cette année à la prévention.

CHC, dépister au-delà de l’alcool

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est le 4e cancer de plus mauvais pronostic. Ce pronostic défavorable constaté en France est en partie dû à un retard au diagnostic, comme le suggèrent les données de vie réelle présentées lors des Journées francophones d’hépato-gastro-entérologie et d’oncologie digestive (JFHOD, 18-21 mars). « Nous avons colligé les nouveaux cas de CHC diagnostiqués à un stade intermédiaire, avancé ou terminal sur la période 2015-2017, détaille le Pr Jean-Frédéric Blanc (CHU de Bordeaux), soit plus de 17 000 patients ». Les trois quarts (75 %) ont été diagnostiqués d’emblée à un stade intermédiaire ou avancé. La moitié n’a reçu que des soins palliatifs. 29,6 % ont reçu une chimio ou une radio embolisation et 20 % un traitement systémique uniquement (du sorafénib dans 99,5 % des cas). La moitié des patients n’a reçu que deux mois de traitement, car probablement administré à un stade trop tardif.
Dès lors, comment faire mieux ? Rappelant qu’une minorité de CHC sont uniquement liés à l’alcool, une étude présentée pendant le congrès suggère que les facteurs de risque métaboliques pourraient être une porte d’entrée dans le dépistage du CHC lié à l’alcool. Dans une analyse incluant 12 841 patients avec un CHC lié à l’alcool, « près de 70 % des patients avaient une maladie hépatique à la fois alcoolique et métabolique », affirme le Dr Charlotte Costentin (CHU Grenoble-Alpes). « L’alcoolisation excessive étant un facteur de risque de CHC rarement isolé (13 % des cas), explique-t-elle, le repérage de la cirrhose hépatique au stade asymptomatique pourrait être amélioré par une évaluation systématique de la fibrose hépatique chez les patients ayant des facteurs de risque métaboliques (une comorbidité métabolique dans 68,3 % des cas, dont un diabète chez la moitié des patients). » L’interrogatoire en soins primaires à propos d’une consommation excessive d’alcool n’est ni aisé ni systématique. C’est pourquoi les facteurs de risque métaboliques constituent une opportunité de dépistage de la maladie chronique du foie.

Cancer, la prévention par l’alimentation

Les cancers digestifs et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont des pathologies où l’alimentation s’inscrit définitivement dans une démarche préventive. Une session plénière a permis de rappeler les mesures conseillées et les bénéfices escomptables, à commencer pour le cancer colorectal, « dont l’incidence pourrait être réduite de 50 à 70 % par la seule observation d’un mode de vie, et notamment d’une alimentation, plus adaptés », souligne le Pr Xavier Hébuterne (CHU de Nice).
Si la réduction des consommations d’alcool est une mesure essentielle, le PNNS propose d’autres leviers, étayés par des données robustes. Un régime alimentaire plus riche en produits végétaux et plus pauvre en produits animaux réduirait jusqu’à 35 % l’incidence des cancers digestifs. Plus de 6 500 cas de cancers (colon-rectum, VADS) en France seraient évités grâce à l’ingestion de 5 portions (80-100 g) quotidiennes de fruits et de légumes. De plus, 5 000 cas annuels de cancers colorectaux sont mis sur le compte d’une consommation insuffisante en fibres alimentaires (25 g/jour au minimum). L’ingestion de deux produits laitiers quotidiens recommandés infléchirait le risque de cancer colorectal.
À l’inverse, plus de 5 500 cancers du côlon et rectum seraient imputables à la consommation de viande rouge et de charcuterie (au-delà de 500 g par semaine). Pour sa part, l’excès de sel est incriminé dans le cancer de l’estomac (6 g NaCl/ jour au maximum, selon l’INCa). Quant aux produits ultratransformés, ils élèveraient de 10 % environ le risque de cancer pour chaque augmentation de 10 % de leur proportion dans l’alimentation. « D’après des données expérimentales, illustre Xavier Hébuterne, l’ajout, dans l’eau de boisson destinée à des souris, de faibles doses d’épaississants largement utilisés (carboxyméthylcellulose, polysorbate) provoque des colites inflammatoires, amenuise la couche de mucus et réduit la quantité de microbiote intestinal. » Enfin, la supplémentation en bêta-carotène semble augmenter le cancer de l’estomac.
La plupart de ces constats valent également pour les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), dont la survenue pourrait être prévenue en partie par une alimentation moins riche en viande rouge, plus riche en poisson, en fruits et en légumes. L’implication des aliments ultratransformés reste en revanche à prouver.

Recommandations : l’AFEF balise le repérage de la stéatopathie hépatique non alcoolique

Présentées lors du congrès, les nouvelles recommandations pour le diagnostic non invasif des maladies chroniques du foie de l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) précisent pour la première fois en France les modalités du dépistage de la stéatopathie hépatique non alcoolique. Selon l’AFEF, la fibrose hépatique doit être évaluée chez tous les patients ayant un ou plusieurs facteurs de risque métaboliques, tout particulièrement chez les diabétiques de type 2. En première intention, un marqueur sanguin simple comme le FIB-4 (basé sur l’âge, le taux des plaquettes, d’ALAT et d’ASAT), le NAFLD Fibrosis Score, l’eLIFT ou le score de Forns est préconisé, sachant que le NAFLD Fibrosis Score ne doit pas être utilisé en population diabétique. « Un marqueur sanguin spécialisé (Fibromètre®, Fibrotest®, Enhanced Liver Fibrosis®) ou une mesure de l’élasticité hépatique doit être réalisé en seconde intention si le marqueur sanguin simple suggère la présence d’une hépatopathie chronique avancée », indique le Pr Jérôme Boursier (CHU d’Angers).
Une consultation spécialisée doit être sollicitée si le marqueur sanguin spécialisé ou la mesure de l’élasticité hépatique confirme une possible hépatopathie chronique avancée.
Pour pallier le manque d’appareil d’élastographie impulsionnelle, la mesure de l’élasticité hépatique inclue dans les appareils d’échographie est aussi performante que celle du Fibroscan® dans la stéatopathie métabolique, selon une méta-analyse récente. Aujourd’hui, les tests sanguins spécialisés et l’élastométrie ne sont pas remboursés dans la NAFLD. L’AFEF a déposé une demande de remboursement pour le Fibroscan® dans le cadre des hépatopathies stéatosiques (alcool et NAFLD).

MICI et grossesse, tout dépend du contrôle de la maladie

En France, 300 000 malades ont une MICI avec un pic diagnostique entre 15 et 34 ans. La grossesse est donc un sujet fréquemment abordé et les données sont plutôt rassurantes. Selon la 1re étude nationale menée sur ce sujet (36 654 grossesses chez des femmes atteintes de MICI entre 2010 et 2018), le taux de prématurité est plus élevé en cas de MICI avec un odds ratio (OR) ajusté de 1,51, tout comme la proportion de petit poids de naissance (OR 1,15) et le taux de césarienne (OR 1,39). Cependant, une femme dont la MICI est en rémission minimise ces risques avec des taux qui rejoignent ceux de la population générale. En revanche, une maladie active augmente les taux de prématurité, de petit poids et de césarienne (OR respectifs de 2,14, 1,27 et 1,57). Les données sur les thérapeutiques classiques (corticoïdes, salicylés, thiopurines, anti-TNF) ne sont globalement pas inquiétantes. Par précaution, le maintien des anti-TNF lors du 3e trimestre est à discuter en fonction de l’activité de la MICI. Une des formulations de salicylés doit être évitée (Rowasa®) car elle contient des phtalates. Les données, parcellaires, sur les molécules récentes (védolizumab, ustékinumab, tofacitinib) ne sont pas préoccupantes.

En bref

-19 %
L’Agence de la biomédecine française a estimé le ralentissement de l’activité de transplantation hépatique à -17 % pour le prélèvement de foie et à -19 % pour les greffes hépatiques entre mars et août 2020.

> Cancer de l’œsophage avancé: l’immuno­thérapie s’impose Chez des patients présentant un cancer de l’œsophage incurable (tumeurs localement avancées ou stade métastatique), l’ajout en première ligne d’une immuno­thérapie (pembrolizumab) à la chimiothérapie classique permet un gain incontestable sur la survie globale, la survie sans progression et la réponse histologique, chez tous les profils de patients et sans surcroît d’effets secondaires. Au vu des résultats de cette étude de phase 3 (KEYNOTE 590) conduite chez 749 patients, « cette association doit être désormais recommandée en première intention chez les patients atteints de cancer de l’œsophage localement avancé et métastatique », estime le Pr Jean-Philippe Metges (Brest).

> NAFLD, les sujets minces aussi Si l’obésité ressort dans les facteurs de risque de NAFLD et de CHC, elle n’est pas toujours présente, comme l’a souligné le Pr Lawrence Serfaty (CHU de Strasbourg). Des études récentes menées en population générale « attestent même que l’atteinte hépatique peut être sévère chez les personnes minces, avec une évolution plus défavorable que chez les personnes obèses ». Dans le programme américain NHANES, la NAFLD semble plus sévère en termes de fibrose avancée chez les sujets non obèses en comparaison des obèses (4,1 vs 2,7 au test FIB-4), alors même que la prévalence des facteurs de risque métaboliques est globalement moins élevée chez eux. Selon des données issues de la cohorte Constances, la mortalité globale est plus importante chez les sujets NAFLD minces, comparé aux sujets non NAFLD.

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