LA MAJORITÉ des patients infectés par le VIH présentent une inflammation généralisée persistante, même sous traitement antirétroviral efficace. Une altération de l’immunité de la muqueuse intestinale est en cause : elle conduit au passage de bactéries intestinales vers la circulation sanguine. Mais à quoi cela est-il dû ? C’est ce qu’ont cherché à savoir des chercheurs dirigés par Pierre Delobel (unité INSERM 1043, CHU de Toulouse).
On sait que les réponses aux antigènes rencontrés au niveau de la muqueuse intestinale prennent naissance au niveau des GALT (Gut-Associated Lymphoid Tissue), des plaques de Peyer et des ganglions mésentériques. Les lymphocytes qui se trouvent là expriment des taux élevés de récepteur de tropisme intestinal - l’intégrine alpha4-bêta7 et le CCR9 - puis se dirigent vers la muqueuse intestinale. La plupart de ces CD4 expriment le corécepteur CCR5 d’entrée du VIH ; ils font donc l’objet d’une déplétion rapide et profonde à la phase aiguë de l’infection.
Le sous-type alpha4-bêta7 des CD4 comprend essentiellement des Th17 à tropisme intestinal qui jouent un rôle essentiel dans la défense immunitaire intestinale. Leur déplétion dans la muqueuse intestinale après infection à VIH et à VIS (virus simien) pathogène peut donc compromettre la barrière muqueuse intestinale. Il s’ensuit un passage constant de bactéries de la lumière intestinale vers le sang (translocation microbienne), d’où inflammation systémique, comme cela a été constaté chez des humains infectés par le VIH et des macaques infectés par le VIS. En revanche, les Th17 sont préservés chez les hôtes naturels du VIS, comme les mangabeys et les singes verts ; cela pourrait contribuer à l’absence de translocation microbienne et d’inflammation systémique dans les infections à VIS non pathogènes. Dès lors, chez les individus infectés par le VIH et recevant un traitement antirétroviral, la restoration d’une barrière immunitaire muqueuse efficace pourrait être essentielle pour réduire l’inflammation chronique. C’est dans ce contexte que les Toulousains ont conduit leur étude appelée Anrs EP44 PERSIST.
Des CD4 bloqués.
Ce travail a concerné 20 patients infectés par le VIH, en succès thérapeutique, et 10 sujets témoins séronégatifs. Il montre, chez les patients infectés, que certains CD4, qui sont normalement destinés à migrer vers la muqueuse intestinale, restent bloqués dans la circulation sanguine. Ces CD4, porteurs des marqueurs CCR9 et alpha4-bêta7, ont pour rôle de faire « barrière » entre le tube digestif et la circulation sanguine et donc d’empêcher le passage des bactéries vers le sang. Comme l’explique un communiqué ARNS-INSERM, chez les patients VIH+, ces CD4 sont en nombre anormalement diminué dans la muqueuse intestinale mais en nombre élevé dans le sang. Inversement, chez les témoins, ces CD4 sont peu nombreux dans le sang car ils ont migré normalement vers la muqueuse intestinale. Ce phénomène est lié à un défaut de sécrétion, par les cellules intestinales, d’une chimiokine appelée CCL25, qui a pour fonction d’attirer les CD4 exprimant CCR9 et alpha4-bêta7 vers la muqueuse intestinale.
« Lorsque les patients prennent un traitement antirétroviral efficace, le nombre de leurs lymphocytes CD4 sanguins, y compris ceux exprimant CCR9 et alpha4-beta7, remonte sensiblement », explique Pierre Delobel. Ces lymphocytes devraient donc en toute logique être attirés vers la muqueuse intestinale. Mais comme la production de la chimiokine CCL25 y est insuffisante, ces lymphocytes n’atteignent pas leur cible au niveau de l’intestin. « C’est un vrai cercle vicieux : le déficit immunitaire de la muqueuse conduit à une altération de celle-ci, qui entraîne un déficit en CCL25, qui, lui-même, entretient le déficit immunitaire de la muqueuse. »
Ce travail ouvre des perspectives pour la prise en charge de l’inflammation systémique persistante des patients VIH+ malgré le traitement antirétroviral. Il constitue un argument supplémentaire en faveur d’un traitement antirétroviral précoce, avant que l’immunité muqueuse ne soit profondément altérée. Il devrait conduire à rechercher des traitements susceptibles de restaurer la production intestinale de CCL25.
Maud Mavigner, Michelle Cazabat, Martine Dubois et coll., Journal of Clinical Investigation du 12 décembre 2011.
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