Crise sanitaire et endoscopie

L’effet SARS-CoV-2 en pratique

Publié le 15/10/2021
Le système de soin français, du fait de l’occupation massive et rapide des lits de réanimation et de soins intensifs, s’est rapidement retrouvé saturé lors de la pandémie de Covid-19. Quelles ont été les conséquences en endoscopie ?

Crédit photo : phanie

Lors de la crise sanitaire, en l’absence de moyens humains et matériels permettant d’augmenter la capacité des soins, la déprogrammation de toute intervention jugée non urgente est devenue la seule option possible (1).

Des reports d’examens inédits

Jamais la hiérarchisation des actes et des pathologies relevant d’un geste endoscopique n’avait fait l’objet de telles recommandations. Pourtant, à quelques jours d’intervalle, l’ensemble des sociétés savantes du monde se sont mobilisées pour répondre à deux questions essentielles : quel type d’examen peut-on reporter ? Et pendant combien de temps sans perte de chance pour le patient ?

La liste indicative (tableau ci-contre), qui s’appuie sur les recommandations des sociétés savantes françaises et d’Asie-Pacifique (2), est évidemment discutable. Elle ne saurait être opposable tant l’équation qui conduit à un report éventuel d’une intervention reste complexe. Le niveau de tension local du système de soin - en termes de capacité de lits de réanimation, de moyens de protection et de médicaments – ainsi que les caractéristiques du patient (comorbidités, gêne fonctionnelle, anxiété…) ont rendu l’évaluation au cas par cas plus que jamais nécessaire.

Une propagation aérienne sous-estimée

Concernant le risque infectieux, les recommandations élaborées en 2013 par la Société française d’endoscopie digestive (SFED) sur l’organisation et le fonctionnement d’un plateau technique d’endoscopie, abordaient essentiellement les questions de circuit et de traitement des endoscopes (3). Les questions de la protection des personnels et du traitement de l’air n’avaient pas fait l’objet de recommandations spécifiques.

De fait, peu de publications s’étaient jusqu’alors intéressées au risque de transmission d’agents infectieux par voie aérienne lors de l’endoscopie. En 2019, une étude prospective étudiant l’usage d’un masque de protection lors de 1 100 coloscopies montrait qu’il diminuait significativement l’exposition aux bactéries. Les auteurs en recommandaient l’usage systématique (4).

Des recommandations insufflées par la pandémie

Quelques mois plus tard, le Covid-19 a brutalement changé l’intérêt général porté à ce risque. Rapidement, plusieurs études ont suggéré le risque lié aux gouttelettes et à l’aérosolisation, conduisant la plupart des sociétés savantes, dont la SFED, à recommander des mesures de protection renforcées (5,6). Le risque potentiel lié au renouvellement et au traitement de l’air dans les salles d’endoscopie a également été soulevé.

Des recommandations élaborées par la SFED ont permis d’adapter le temps nécessaire au renouvellement de l’air (défini par la classe de risque) en fonction des volumes, de la norme ISO recherchée et de la capacité́ des équipements. Elles ont également porté sur la gestion des parcours et les mesures de screening des patients entrant dans les structures d’endoscopie (7).

Évaluer les risques avec du recul

Le principe de précaution peut parfois conduire, à tort, à prendre des mesures a priori pour prévenir une incertitude (dont les tenants et aboutissants ne sont pas connus) plutôt qu’un risque. La prise en compte de ce dernier ne devient acceptable que quand il est avéré, mesurable et reproductible.

Ainsi, il conviendra, avec le recul nécessaire, de bien évaluer le risque environnemental pour adapter, le cas échéant, le traitement de l’air dans nos unités d’endoscopie et les mesures de protection, notamment en période épidémique.

La vaccination grippale annuelle des personnels devrait être plus fortement encouragée. A posteriori, le report d’examens non urgents en période épidémique devra faire l’objet d’une évaluation par rapport au bénéfice collectif obtenu (en termes de pression sur le système de soin), mais aussi au potentiel risque individuel de perte de chance pour le patient.

Centre d’endoscopie digestive ambulatoire (Strasbourg)
(1) https://www.sfed.org/professionnels/actualites-pro/adaptation-de-lactiv…
(2) Chiu PWY, et al. Gut 2020;69:991–996
(3) Sytchenko R et al. SFED. Acta Endoscopica 2013.
(4) Gastrointest Endosc. 2019 Apr;89(4):818-824 
(5) https://www.sfed.org/files/files/covid19endo_reco.pdf
(6) Ang TL. J. Gastroenterol. Hepatol. 35 (2020) 701–702
(7) https://www.sfed.org/files/files/covid19endo_recosfedsfar.pdf

Dr Olivier Gronier

Source : lequotidiendumedecin.fr