Face à un patient se plaignant de troubles digestifs (douleurs abdominales, ballonnements, troubles du transit, dyspepsie…), le gastro-entérologue doit affiner son interrogatoire pour mieux connaître son patient. « Je reçois beaucoup de patients souffrant du syndrome de l'intestin irritable. Ces derniers viennent souvent me voir en dernier recours, après avoir effectué tous types d'examens médicaux et pris de nombreux traitements inefficaces. Je leur demande systématiquement s'ils sont stressés, anxieux et s'ils ont subi des traumatismes durant l'enfance : séparation maternelle, divorce difficile des parents, perte d'un être cher, maltraitance, viol… 30 à 50 % des personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable ont des antécédents d’abus physiques ou sexuels. », souligne le Pr Bruno Bonaz, gastro-entérologue au CHU de Grenoble.
Cette démarche reste peu commune chez les gastro-entérologues et généralistes, faute de temps et de formation. Or elle permet souvent de mettre fin à l'errance thérapeutique du patient. Une étude (1) a notamment montré que des rats ou des souris nouveau-nés, séparés 3 heures par jour de leur mère pendant 7 à 10 jours développaient une hypersensibilité du côlon à l'âge adulte. « Ces travaux ont consisté à gonfler des ballonnets introduits dans le tube digestif de rats et souris adultes séparés (ou non) de leur mère durant leur enfance. Ils ont démontré que les animaux ayant vécu le traumatisme de la séparation maternelle tôt, dans leur enfance, étaient beaucoup plus sensibles à la distension du côlon que les autres, comme on l'observe dans le syndrome de l'intestin irrritable », précise le Pr Bonaz.
Le rôle clé d'une neurohormone
Outre les traumatismes de l'enfance, une vie quotidienne stressante (difficultés conjugales, professionnelles, précarité…) peut provoquer des troubles digestifs récurrents. De fait, le stress a un impact sur le système digestif : il entraîne des troubles de la sécrétion, de la motricité, de la sensibilité, de l’immunité et de la perméabilité du tube digestif. « Dans le tronc cérébral se trouve le noyau de Barrington. Ce noyau commande le système parasympathique sacré (qui contrôle la motricité de la partie terminale du côlon) et en cas de stress, il libère une neurohormone : le CRF (corticophin-releasing-factor) qui a, parfois, des effets indésirables sur notre système digestif. Le CRF se lie à des récepteurs particuliers CRF1 et CRF2. Le CRF1 se trouve dans de nombreuses structures du cerveau, mais aussi, dans le tube digestif (côlon, notamment). Le stress stimule la motricité et la sécrétion colique via le CRF1. Le CRF2 se trouve dans le cerveau mais également dans le tube digestif (estomac, notamment). Le stress inhibe la vidange de l’estomac via le CRF2 », explique le Pr Bonaz.
Des thérapies complémentaires
Pour ses patients souffrant de colopathie fonctionnelle, le Pr Bonaz propose des thérapies complémentaires. « Je pratique notamment l'hypnose. Cette technique permet aux patients de diminuer leur niveau de stress et de mieux accepter leurs traumatismes. Souvent, après quelques séances d'hypnose, les symptômes de colopathie fonctionnelle ont diminué ou disparu. Lorsque ce n'est pas le cas, je suggère à mes patients de pratiquer une activité relaxante qui leur plaît : sports, yoga, randonnée… », note le Pr Bonaz.
Si le lien entre le stress néonatal et les troubles fonctionnels intestinaux est démontré ; les études ne sont pas encore assez nombreuses pour prouver ce lien chez les patients souffrant de maladies intestinales inflammatoires. « Pourtant, dans la pratique, un grand nombre de patients ayant la maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique sont stressés et/ou ont été victimes de traumatismes durant l'enfance », conclut le Pr Bonaz.
D'après un entretien avec le Pr Pr Bruno Bonaz, gastro-entérologue au CHU de Grenoble.
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