Médicaments et sérendipité

L'ulcère vaincu par sérendipité

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Publié le 02/08/2016
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Crédit photo : PHANIE

La petite histoire

Dans son discours lors de la remise du prix Nobel en 2005 (avec son confrère le Dr Robin Warren), le Dr Barry Marshall a reconnu que la découverte du lien causal entre la bactérie Helicobacter pylori et l'ulcère gastroduodénal était liée à un curieux hasard.

Depuis 1980, les deux chercheurs étaient considérés par la communauté scientifique comme au mieux des hurluberlus, au pire comme des véritables charlatans. Ils affirmaient que l’ulcère gastrique était dû à une bactérie alors qu’à l’époque « tout le monde savait que la maladie était en lien avec le stress et un excès d’acide ». D’ailleurs, les médicaments développés dans ce domaine étaient de véritables blockbusters. Alors que penser de deux Australiens qui proposaient des hypothèses farfelues qu’ils avaient d’ailleurs bien du mal à démontrer ?

C’est là que le hasard a joué son rôle. En 1981, les deux médecins de l’hôpital de Perth avaient mis au point un protocole de bactériologie afin de prouver l’existence d’une bactérie résistante à l’acidité de l’estomac qui pourrait être la cause des ulcères. Mais pendant un an, aucun résultat. Et les bactériologistes de l’hôpital leur affirmaient : « Les bactéries en culture poussent en 2 jours ou n’existent pas. »

Le 8 avril 1982, veille du week-end de Pâques, le Dr Barry Marshall a mis en culture du liquide gastrique.

Ni lui, qui aurait passé 4 jours à faire la fête, ni les techniciens de l’hôpital qui étaient occupés avec une épidémie de staphylocoques méthy-résistants dans l’hôpital, n’ont eu le temps de vérifier les cultures.

Le 13 avril, à son retour de week-end, le Dr Marshal a constaté la pousse de colonies lisses et transparentes de bacilles spiralés. Il a d’abord pensé qu’il s’agissait de campylobacters.

Et après ?

Face à la communauté scientifique toujours incrédule, le Dr Marshall s’est auto-inoculé ces bactéries. Lorsqu’il a présenté des signes de gastrite, il s’est soigné avec des antibiotiques. Il a ainsi pu vérifier le postulat de Koch (critères qui établissement le lien de causalité entre une bactérie et une maladie).

En 1984, les deux chercheurs obtiennent pour la première fois des financements. En 1993, les premiers résultats d’essais cliniques sur le traitement antibiotique de l’ulcère sont publiés. En 1997, le génome de la bactérie est publié.

En 2005, dans sa lecture lors de l’attribution du prix Nobel, le Dr Robin Warren reconnaît que le hasard a joué un rôle dans sa découverte, ou plutôt la sérendipité, un concours fortuit de circonstances données à « la bonne personne au bon moment ». Comme l’a rajouté à cette même occasion le Dr Marshall en citant Albert Szent, prix Nobel de médecine en 1937, « la découverte consiste à voir ce que chacun a déjà vu et d’y voir ce que personne n’avait imaginé ».

Le Dr Barry Marshall reçoit toujours des patients à l’hôpital de Perth alors que le Dr Warren a pris sa retraite en 1997, après la mort de sa femme.

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Références

Marshall B, Warren J. Unidentified curved bacilli in the stomach of patients with gastritis and peptic ulceration. Lancet. 1984 Jun 16;1(8390):1311-5.

Marshall B, Amstrong A, McGechie D et coll. Attempt to fulfil Koch's postulates for pyloric Campylobacter. Med J Aust. 1985 Apr 15;142(8):436-9.

Hentschel E, Brandstatter G, Dragosics B et coll. Effect of ranitidine and amoxicillin plus metronidazole on the eradication of Helicobacter pylori and the recurrence of duodenal ulcer. N Engl J Med. 1993 Feb 4;328(5):308-12.

Dr Isabelle Catala

Source : lequotidiendumedecin.fr