Quels liens entre stéatohépatite non alcoolique (NASH) et grossesse ? Un éclairage a été apporté lors du Paris NASH Meeting, cette réunion annuelle, organisée en partenariat avec la Société française d’hépatologie (AFEF) et la Société francophone du diabète (SFD), dont le but est de partager les dernières avancées de la recherche sur la stéatose métabolique non alcoolique (NAFLD, Non Alcoholic Fatty Liver Disease), dite « maladie du foie gras ».
Associée à la progression de l’obésité et du diabète, la stéatose non alcoolique est la première cause de maladie chronique du foie dans le monde, touchant environ 25 % de la population adulte. Et la NAFLD touche les femmes enceintes de manière galopante : « Aux États-Unis, la prévalence de grossesses avec patientes atteintes de NAFLD a presque triplé durant la dernière décennie (1) ; en France, les données ne sont pas encore bien chiffrées, mais on estime qu’environ 10 % des patientes enceintes ont une NAFLD associée », a rapporté le Pr Lawrence Serfaty, chef du service d’hépatologie de l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg.
Les chiffres de la cohorte Constances illustrent l’ampleur de l’épidémie en France, comme l’a rappelé le Pr Serfaty : « La NAFLD, qui touche plus de huit millions d’adultes francais, peut se différencier en stéatose simple (NAFLD) dans 80 % des cas ou en stéatohépatite (NASH) dans 20 % des cas (2). Environ 200 000 personnes présentent une NAFLD avec fibrose avancée, avec un risque d’évolution vers un carcinome hépatocellulaire (CHC) dans 2,5 % des cas par an. Certains patients NASH évoluent directement vers un CHC de novo, sans fibrose associée ».
La NASH transmissible de la mère à l’enfant ?
Mais la NAFLD constitue un surrisque majeur pour la mère et l’enfant, s’est exclamé le Pr Serfaty. « Les complications sévères de la grossesse sont significativement plus fréquentes en cas de NAFLD maternelle, notamment celles liées à l’HTA − éclampsie, prééclampsie, et HELLP syndrome −, dont le risque est multiplié par trois, a-t-il souligné. Il y a aussi plus de risque d’hémorragie du post-partum et de prématurité ». Un constat qu’a retrouvé une étude américaine publiée en 2020 (1).
Le Pr Rodolphe Anty, hépatologue au CHU de Nice, a aussi tiré la sonnette d’alarme : « Malheureusement, le risque ne s’arrête pas là. L’apparition d’une stéatose non alcoolique pourrait se jouer dès la conception et la croissance du fœtus dans le ventre de la mère ». Des facteurs aggravants ou protecteurs ont pu être retrouvés : « La présence d’un excès de poids maternel avant la grossesse (surpoids ou obésité) est associée à l’augmentation du risque d’apparition d’une stéatose non alcoolique chez l’enfant, a-t-il expliqué. En revanche, un diabète préalable à la grossesse ou gestationnel ainsi que l’hypotrophie du nouveau-né auraient un rôle incertain dans l’apparition ultérieure d’une stéatose non alcoolique. L’allaitement est quant à lui protecteur » (3).
Place à la prévention
« Réveillons les sociétés ! Il faut enrayer le processus d’apparition de la stéatose métabolique », a martelé le Pr Anty. « L’augmentation mondiale de la stéatose métabolique est favorisée par un cercle vicieux amenant les mères en surpoids à avoir des enfants présentant eux aussi un excès de poids et une stéatose métabolique, a-t-il poursuivi. La transmission de l’excès de poids et de ses complications hépatiques pourrait donc s’aggraver de génération en génération ».
Les spécialistes prônent un contrôle actif de la NAFLD chez toute femme avec un désir de grossesse : mesures hygièno-diététiques, prise en charge des facteurs métaboliques et surveillance obstétricale rapprochée dans cette population à risque. « Une prescription d’aspirine au troisième trimestre chez les patientes atteintes de NASH peut être proposée, mais il n’y a pas de recommandation officielle », a évoqué le Pr Serfaty.
« La promotion des règles hygièno-diététiques doit être encouragée de manière générale dans notre société, complète le Pr Anty. Un mode de vie sain, avec une activité physique régulière et un régime alimentaire de type méditerranéen permettront de limiter le développement de la NAFLD ».
(1) M. Sarkar et al, J Hepatol, juin 2020
(2) O. Nabi et al, Gastroenterology, août 2020
(3) Querter et al, Clin Gastroenterol Hepatol 2021, in press.
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