Le reflux est un phénomène parfaitement naturel à ce jeune âge et dans ces conditions d’alimentation. « Il se manifeste chez 60 % des nourrissons par des régurgitations et ceci est encore une fois physiologique dans la mesure où les repas, des biberons, équivalent, si l’on rapporte les quantités au poids de l’adulte, à 2 litres de liquide et autant d’air à boire en 7 minutes 5 ou 6 fois par jour ! », estime le Dr Mouterde. Qui ne refluerait pas en la circonstance ? Pour rappel, le volume de l’estomac d’un enfant de 5 mois est de 150 ml et de son œsophage, de 5 ml seulement… Les régurgitations sont quasi-inéluctables !
Le risque à médicaliser un reflux, hors le traitement lui-même, doté d’un certain nombre d’effets secondaires, est de lui attribuer ensuite tous les événements de vie, mauvaise haleine, infections ORL à répétition, asthme, etc. Ceux-ci renforcent l’idée d’un reflux pathologique et poussent à la prescription d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) parfois de façon très prolongée.
Les régurgitations du nourrisson cessent habituellement à la diversification ou au plus tard à la marche. Après un intervalle libre, l’enfant peut se plaindre, vers 3-4 ans (quand il en est capable), de pyrosis, qui est la manifestation du reflux typique du grand enfant et de l’adulte.
« Un reflux du nourrisson n’est pathologique que si une œsophagite, exceptionnelle à cet âge, a été dûment confirmée, par l’endoscopie, un examen simple, un "aller et retour" qui prend au plus 5 minutes », décrit-il. « Aucun signe clinique n’est pathognomonique d’un reflux, et sûrement pas les pleurs pendant le biberon », insiste-t-il.
Seule l’hématémèse est un signe spécifique de RGO. « Or l’immense majorité des nourrissons sont traités par IPP sur une suspicion de RGO, des “symptômes possiblement attribuables au reflux“, une étiquette qui leur est collée parfois pour des années », regrette le Dr Mouterde. Le reflux (et l’acide, son corollaire), un phénomène sociologique, est un coupable idéal que l’on désigne pour expliquer l’inexplicable (pleurs, otites, laryngites, réveils nocturnes, etc.). « Pas d’IPP au cas où… », exhorte-t-il.
Si l’acidité est effectivement réduite à la pHmétrie sous IPP, les symptômes attribués au reflux ne diminuent pas pour autant, confirmant l’absence de lien entre ces derniers et le RGO : « L’asthme par exemple aggrave ou provoque un reflux, mais le reflux n’est dans la grande majorité des cas pour rien dans l’asthme », résume le Dr Mouterde.
SI donc IPP il doit y avoir chez le nourrisson, sur œsophagite authentifiée, il est prescrit hors AMM avant 1 an, pour 2 à 3 mois au plus. À ce titre, les parents doivent être informés des conditions de prescription (hors AMM), qui doivent figurer sur l’ordonnance, et le dossier renseigné, avec les arguments qui justifient la « violation » de l’AMM.
Le pyrosis de l’enfant, un signe de reflux pathologique, est lui aussi traité par IPP, pour 3 à 4 semaines, après interrogatoire et examen clinique. « Pour tous les autres symptômes habituellement attribués au reflux, il faut éviter le "traitement d’épreuve", indique-t-il, et rechercher un reflux pathologique avant de discuter l’intérêt d’un traitement, d’autant qu’un effet rebond a été décrit après l’arrêt des IPP, qui peut conduire à une "dépendance". » Une consultation de gastropédiatrie est souhaitable en cas de reflux atypique.
Au moins une cinquantaine d’effets indésirables des IPP ont été rapportés, pneumopathies et gastro-entérites notamment, allergie aux protéines du lait de vache, intolérance au gluten, etc. Par ailleurs, les traitements prokinétiques sont désormais à l’index, et le gel de polysilane n’a jamais été un traitement du reflux.
Enfin, des régurgitations ne doivent pas cacher la forêt, et en particulier ne pas être confondues avec des vomissements, témoins éventuels d’une sténose du pylore ou d’autres pathologies (hématome sous-dural, allergie au lait de vache, etc.) ; en cas de vomissements bilieux, une invagination intestinale aiguë doit être recherchée. Un "régurgiteur" qui ne grossit plus est pathologique également. Il convient, en priorité, de débusquer les fautes diététiques comme de trop gros volumes pour l’âge ou des erreurs de reconstitution. « Pour les régurgiteurs "fous", un bavoir, un lait AR et le proclive ventral pour le rot sont des conseils de bon sens, de première intention », suggère-t-il. Le temps améliorera les choses…
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