Il n'y aurait pas deux entités dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), maladie de Crohn (MC) et recto-colite hémorragique (RCH) mais trois. C'est ce que suggère dans « The Lancet » l'étude dirigée* par Isabelle Cleynen, auprès de 49 centres dans 16 pays en Europe, Amérique du Nord et en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande).
Inédite par son ampleur, l'étude multicentrique a analysé chez 30 000 patients plus de 150 000 variants. Les chercheurs ont cherché à étudier l'association génotype-phénotype. Ils ont d'abord décrit les sous-phénotypes des 16 902 patients MC et 12 597 patients RCH en fonction de la classification de Montréal qui prend en compte les facteurs comme l'âge au diagnostic, la localisation, l'extension, l'évolution.
Facteurs environnementaux
Contrairement à ce qui avait été suggéré précédemment, le gène NOD2 n'est pas associé à une maladie sténosante mais plutôt à un âge jeune au diagnostic et à la localisation iléale. Autre résultat surprenant, sur le plan génétique, la MC colique est en position intermédiaire entre la MC iléale et la RCH.
L'étude des 163 variants indépendants identifiés comme des gènes de susceptibilité des MICI montre, en revanche, que la plupart confèrent un risque à la fois de MC et de RCH. Seulement 3 principaux variants (NOD2, CMH, 3p21/MST1) sont significativement associés aux phénotypes cliniques, sans expliquer la variance de la maladie. Les facteurs environnementaux (régime, microbiote, tabagisme) contribuent fortement aux phénotypes. Génétiquement, la MC colique est en position intermédiaire entre MC iléale et RCH.
Cet éclairage nosographique avec 3 entités (MC iléale, MC colique, RCH) permettra selon les auteurs d'éviter des erreurs de diagnostic et parfois de proposer le traitement le plus adapté (la chirurgie différant par exemple en cas de colite réfractaire s'il s'agit de RCH ou de MC colique).
Rôle du gène CARD9
Dans « Nature Medicine », une étude française apporte un éclairage nouveau sur le rôle du gène CARD9 et ouvre des perspectives thérapeutiques. CARD9, un gène de susceptibilité des MICI, intervient dans la production d'interleukine (IL 22) qui favorise la cicatrisation, la protection muqueuse intestinale et la reconnaissance des micro-organismes.
Les chercheurs ont transplanté la flore intestinale de souris CARD9 déficientes à des souris CARD9 indemnes, mais sans flore intestinale. Ces dernières sont devenues hypersensibles à l'inflammation intestinale.
Une mutation CARD9 perturbe le système immunitaire et altère la flore intestinale. Elle devient incapable de transformer le tryptophane alimentaire en dérivé indole (qui stimule la production d'IL22). « Les anomalies du microbiote dans les MICI sont cause et conséquence de l'inflammation », résume le Dr Harry Sokol (INSERM U1157) responsable des travaux. Réversibilité Chez la souris CARD9 déficiente, administrer des molécules mimant les dérivés indoles entraîne la rémission des symptômes et rétablit la voie IL22. L'analyse de selles d'une centaine de patients MICI a montré une baisse (massive si CARD9 muté) des dérivés indoles (vs sujets sains). « Une simple analyse de selles peut détecter un défaut de production de dérivés indoles. Il suffirait alors de supplémenter les patients en bactéries productrices de dérivés indoles ou de leur administrer le dérivé en question », projette le Dr Sokol…
Rémission endoscopique
Sur le plan thérapeutique, la stratégie vise à suppression à la fois des symptômes et des lésions inflammatoires visibles en endoscopie ou à l'IRM. La rémission endoscopique représentant désormais un objectif thérapeutique majeur. Les scores endoscopiques permettent de caractériser l'intensité des signes inflammatoires et d'apprécier la réponse aux traitements.
L'utilisation du score CDEIS (Crohn's disease endoscopic index of severity), très précis est désormais facilitée par les outils informatiques et notamment la mise à disposition d'applications pour smartphone proposées par le Groupe d'étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif (GETAID). Un nouveau score a été développé dans la rectocolite hémorragique (RCH), l'Ulcerative colitis endoscopic index of severity (UCEIS), plus reproductible et plus précis que le score historique de la Mayo Clinic). L'utilisation de l'UCEIS, également facilitée par les outils informatiques, peut, en pratique, compléter le score de la Mayo clinic.
Les examens biologiques constituent une aide appréciable pour le suivi des malades mais « ils ne suffisent pas à déterminer la décision thérapeutique et doivent s'intégrer dans une réflexion globale », rappelle le Pr Laharie. La calprotectine, biomarqueur d'inflammation, de bonne valeur prédictive négative, est difficile à interpréter si elle est élevée. Peu d'intérêt dans la RCH (le sang dans les selles signe la non-rémission), plus utile dans la MC. Quant au dosage sanguin des médicaments (en plein essor), la réponse thérapeutique à apporter fait débat.
* Cleynen I. et al., lancet, 2016, vol.387 (10014) pp.156-67
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024